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Mali – Mouvement du 5 juin : A quitte ou double

Quelques jours après la publication du mémorandum de sortie de crise du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5 – RFP), transmis par l’Imam Mahmoud Dicko au Président de la République Ibrahim Boubacar Keita, ce dernier a multiplié les consultations pour trouver une issue à l’impasse sociopolitique dans laquelle se trouve le pays depuis plus d’un mois. Mais ni la rencontre avec l’imam, ni celle avec les responsables du M5-RFP n’ont permis d’avancer vers une décrispation. La position du M5-RFP s’est, au contraire, durcie. Avec l’appel à la désobéissance civile projeté dès ce vendredi 10 juillet et la poursuite des manifestations jusqu’à satisfaction de son exigence de démission du Président IBK, jusqu’où peut aller le mouvement enclenché le 5 juin ?

 

La rencontre aura été brève et n’aura pas comblé les attentes. Le 5 juillet 2020, dans la villa des hôtes du palais de Koulouba, le Président de la République Ibrahim Boubacar Keita a invité ses hôtes du M5-RFP à « approfondir les échanges avec la majorité présidentielle ». Une invite qui est mal passée au sein de cette coalition hétéroclite, qui a haussé le ton dans la foulée. « Lors de cette brève rencontre, Monsieur Ibrahim Boubacar Keita a continué à faire la sourde oreille et preuve de mépris envers le peuple malien »,  a écrit le M5-RFP dans un communiqué, avant d’appeler « le peuple malien à une plus forte mobilisation le vendredi 10 juillet 2020 et jours suivants, sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora, pour l’aboutissement intégral de son juste combat pour la survie du Mali et le bonheur des Maliens ». Une position désormais non négociable, à en croire les membres du Comité stratégique du mouvement, et que le politologue Boubacar Bocoum pense avoir été délibérément provoquée par le président de la République. « Si le Président se soustrait de la discussion, alors que c’est à lui qu’on demande des comptes, et renvoie vers sa majorité, toutes les conditions sont réunies aujourd’hui pour que le mouvement se radicalise », juge-t-il, se demandant ce que le Président IBK attend d’une négociation entre « cette majorité qu’il n’écoute pas et un mouvement qui est allé jusqu’à un tel niveau de mobilisation ». Pour le sociologue Dr Bréma Ely Dicko,  soit le Président IBK n’a pas encore tout à fait pris la mesure de la grogne, soit il est en train de parier sur l’essoufflement du mouvement et sa division. « Puisqu’au sein du M5-RFP il y a des radicaux et des modérés, le Président compte peut être sur une fissuration avec le temps, ce qui donnera entre-temps la possibilité à ses soutiens de galvaniser leurs troupes. Mais c’est quand même très dangereux, parce qu’il y aura toujours des risques de débordements », analyse-t-il. Désobéissance civile Déjà prévue lors de la publication du mémorandum, le 1er juillet dernier, en cas de non prise en compte des différentes mesures proposées, l’appel du M5-RFP à la désobéissance civile sera désormais mis en œuvre lors du rassemblement de ce vendredi 10 juillet. À en croire Issa Kaou N’djim, Coordinateur général de la CMAS, entité importante du M5-RFP, il s’inscrit désormais dans un schéma de non-retour, ce qui suppose de ne plus reconnaitre le pouvoir du Président IBK et son régime et de demander au peuple d’envahir partout tous les bâtiments publics de l’État. « On verra ce qui se passera », clame celui qui est entièrement convaincu que le peuple malien est avec son mouvement. « Nous n’allons pas sortir de la légalité. Nous pouvons être forts sans être violents. IBK joue la montre, mais cela ne marchera pas cette fois-ci », prévient-il. Cheick Oumar Sissoko, de la plateforme EMK, dont la base avait ordonné de ne pas signer le mémorandum du M5-RFP, précise qu’il était déjà entendu entre les membres du Comité stratégique qu’en cas de rejet du mémorandum, ils devraient « s’engager résolument dans cette lutte, qui doit aboutir à la démission du Président de la République ». Pour l’ancien ministre de la Culture, la manifestation de ce vendredi n’est « qu’une suite logique » et le peuple est déjà préparé à la désobéissance civile dont il est désormais question. « La détermination du peuple va nous assurer une meilleure compréhension de ces dispositions, qui sont effectives dans la Constitution en son article 121. C’était déjà clairement défini dans notre déclaration du 5 juin et nous œuvrons à la mobilisation et l’adhésion massive du peuple », dit-il.

Adhésion massive des Maliens ? Au M5-RFP, on est convaincu que la majorité du peuple aspire aux changements portés par le mouvement, d’où la légitimité de l’exigence de choisir un Premier ministre de pleins pouvoirs qui ne pourra être démis par le Président de la République. « Aujourd’hui, il s’agit de partager les responsabilités pour que le Mali soit sauvé. IBK n’a pas le choix, il est obligé d’écouter la voix du peuple. Nous disons que c’est à nous de proposer un nouveau Premier ministre, en rapport avec les forces vives de la Nation, parce qu’IBK ne doit plus penser qu’il est Président de la République et qu’il peut faire tout ce qu’il veut », soutient Issa Kaou N’djim. Mais si les Maliens ont jusque-là répondu en grand nombre aux manifestations des 5 et 19 juin, certains analystes pensent que l’étape de la désobéissance civile sera beaucoup plus difficile à franchir par la majorité de la population. « Si le peuple nous désavoue, cela voudra dire que nous ne sommes plus légitimes et le débat sera clos », concède M. N’Djim. « Aujourd’hui, il n’y a pas de crispation entre le peuple et la gouvernance en tant que telle. C’est juste une frange de la classe politique qui, en réalité, n’est que l’opposition politique malienne, qui se retrouve derrière l’Imam Dicko. Je pense que, dans la durée, la désobéissance civile ne tiendra pas la route, parce qu’il faudra être suffisamment motivé et dans une crise d’un niveau très élevé pour aller vers un schéma où elle serait réellement suivie », affirme Boubacar Bocoum. Dr  Bréma Ely  Dicko craint de son côté des violences et des débordements dès le début de la désobéissance civile ce vendredi, ce qui pourrait faire prendre aux événements une tournure assez préoccupante et obliger le Président IBK à au moins avancer sur les questions de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle. Jusqu’où aller ? « Nous irons aussi loin que le peuple levoudra. Notre légitimité n’est basée que sur le peuple malien et je suis convaincu que, ce vendredi, la mobilisation sera plus forte que les deux précédentes  », assure le Coordinateur général de la CMAS. Même son de cloche chez le patron de la plateforme EMK, qui est convaincu que le mouvement tiendra jusqu’à satisfaction de son objectif déclaré, parce « qu’il n’y a pas d’autres solutions pour que les Maliens connaissent une vie propre ». « Nous avons eu plusieurs croisées des chemins. Celle-ci doit être la dernière, pour aboutir à une situation plus heureuse, où ensemble nous allons pouvoir déterminer de façon claire et objective l’horizon économique, culturel et politique qu’il faut nécessairement dessiner pour le Mali », pointe-t-il. Mais l’attitude conciliatrice de l’Imam Mahmoud Dicko, véritable catalyseur de la mobilisation autour des manifestations du M5-RFP, qui se positionne désormais comme la principale voix pouvant amener les deux parties à faire des concessions pour sortir de la crise, pourrait être, à bien des égards, l’élément-clé de la résistance ou non et de la durée du mouvement contestataire. La voie que cette autorité morale du M5-RFP va tracer lors du rassemblement de ce vendredi 10 juillet déterminera, à n’en pas douter, la suite de la lutte. Repères 4 juillet 2020 : Le Président IBK reçoit le mémorandum du M5 des mains de l’Imam Dicko 5 juillet 2020 : Rencontre entre le M5 et le Président IBK 10 juillet 2020 : Début de la désobéissance civile prônée par le M5

Germain Kenouvi

Journal du Mali

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