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Mali: «Les violences intercommunautaires, c’est la hantise de toutes les forces armées»

Dans le centre du Mali, l’ONU appelle à la fin des violences inter-ethniques après le massacre de Bankass qui a fait 160 morts. Le patron de l’opération Barkhane, le général Frédéric  Blachon,  fait part lui aussi de son inquiétude, au moment  où  est lancée l’extension de l’opération  de Barkhane vers la région du Gourma, il répond aux questions de notre envoyé spécial à Ndjamena.

 

RFI : Après dix-huit mois de présence dans le Liptako, où en est Barkhane aujourd’hui ? Est-ce que l’on peut dire que cette présence a permis de lancer la phase de stabilisation dans cette région ?

Général Frédéric Blachon : Une présence de dix-huit mois nous a effectivement permis de faire aujourd’hui du Liptako une zone dans laquelle on vit mieux, où les populations peuvent enfin reprendre une vie normale. Ce qui ne veut pas dire, qu’évidemment, l’adversaire a été totalement éradiqué. Mais il suffit d’aller sur place pour se rendre compte à quel point la vie est aujourd’hui plus confortable à Ménaka et dans le Liptako.

Il est temps de passer à une autre zone, maintenant ?

Il est temps de continuer à s’investir dans le Liptako, car notre présence a évidemment là-dedans des effets vertueux, mais le moment est venu, en même temps, d’étendre notre zone de responsabilité à d’autres zones dans lesquelles l’adversaire pourrait trouver, sans cela, des sanctuaires. Chassé du Liptako, un adversaire va s’abriter dans une autre région et le but n’est pas simplement de repousser la poussière ailleurs. Il est bien de neutraliser cette menace. Et donc il faut bien, à un moment donné, s’étendre dans d’autres zones.

La zone suivante, c’est le Gourma ?

Effectivement, nous avons choisi de nous étendre dans une zone contigüe. Comme le Liptako, c’est une zone frontière. Quand vous êtes dans le Gourma, vous êtes, je dirais, à la poignée de l’éventail. Vous êtes en mesure d’apporter un appui au Burkina, s’il venait à le souhaiter. Il a déjà requis l’appui de l’armée française en octobre dernier. Donc, en étant dans le Gourma, non seulement vous traitez un adversaire susceptible de revenir dans le Liptako, mais en même temps vous êtes en mesure de traiter un adversaire pouvant sévir aux frontières nord du Burkina.

Dans le Macina cette fois-ci, nous avons assisté il y a quelque temps à la réapparition par une vidéo du chef jihadiste Amadou Koufa. Cela n’a pas été une très bonne nouvelle pour les populations locales. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je pense que cela n’a pas été une bonne nouvelle pour tous les amis de la paix. Amadou Koufa, on avait annoncé sa neutralisation probable, il s’avère que là-dessus nous nous sommes trompés. C’est un événement qui n’a réjoui personne, mais en même temps ce n’est pas un événement majeur.

Ces derniers jours, les violences interethniques au Mali se font de plus en plus inquiétantes. Nous avons vu ce qui s’est passé du côté de Bankass. Comment ne pas tomber dans le piège ? Comment faire en sorte que certaines alliances ne deviennent pas toxiques, certaines alliances contre les groupes terroristes précisément ?

Les violences intercommunautaires, c’est vraiment, je pense, le risque majeur. Nous connaissons après le cycle de représailles. Donc c’est vraiment la hantise, je dirais, de toutes forces armées onusiennes ou nationales, venues donner un coup de main à ces pays. Et ces combats intercommunautaires peuvent avoir des tas de raisons et c’est à nous d’éviter de rajouter des raisons à d’autres.

Les populations peules ont quand même été assez stigmatisées ces derniers temps.

Toutes les communautés ont l’impression d’être stigmatisées. Toutes les communautés ont l’impression qu’on s’occupe davantage des exactions qui touchent l’autre communauté. Vous pouvez avoir une surenchère victimaire, dans ce domaine-là, c’est extrêmement compliqué. Nous essayons de parler à des groupes armés. Nous essayons de parler à des partis, de parler, évidemment, aux représentants légaux. Nous ne parlons pas à des communautés. Personne n’a, je pense, dans ces régions, le monopole de la souffrance.

Barkhane n’a plus mené d’opération majeure dans le nord du Mali depuis un certain temps, maintenant. Que fait la force en ce moment dans cette région sur laquelle elle a fait porter son effort dès le début de Serval ? Est-ce que vous considérez qu’il y a une amélioration de la situation dans l’extrême-nord du Mali ? Je pense à Kidal, je pense à Tessalit.

Commander une force c’est faire des choix. On ne peut pas exercer partout la même pression sur l’adversaire. Actuellement, davantage présents dans le Liptako et demain dans le Gourma, nous affrontons les katibas les plus virulentes. Ce n’est pas pour autant que nous ne sommes pas dans le Nord, mais actuellement nous assistons, dans le Nord, à une situation beaucoup plus calme et donc nous profitons de cette situation pour ne pas envenimer la situation. Le but de Barkhane est bien d’amener, de permettre aux populations de mieux vivre et non pas envenimer une situation.

Début février, une colonne de rebelles tchadiens venue de la Libye a été stoppée avec les moyens de Barkhane. Comment a évolué la situation depuis ?

L’armée française a été appelée en appui par un gouvernement légal et la France a répondu à cet appel. Elle l’a fait au début du mois de février en quelques jours, ce qui a permis, d’ailleurs, de calmer une situation immédiatement. Nous assistons depuis deux mois au ralliement de beaucoup de membres de ces groupes rebelles. Voilà ce que je peux dire très sommairement sur la situation locale.

Par Olivier Fourt
RFI
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