« À force de creuser des trous partout pour retrouver ses origines, le petit écureuil pourrait tomber sur son galo !» « Galo, c’est kolo ». Autrement dit, le petit écureuil pourrait tomber sur ce qui lui sera fatal. Dans nos cultures partagées, voir les ossements de ses ancêtres est ce qui peut arriver de pire à un homme.
C’est dire que s’il est légitime de chercher à savoir d’où l’on vient, de qui l’on descend, c’est pure folie, surtout pour un peuple comme celui du Mali, que de vouloir s’inventer, voire se tailler chacun une origine mythique, une « super ethnie »qui de tous temps aurait dominé les autres. C’est à dessein que je mets le mot« ethnie » entre griffes. Car, tout comme le concept de « race », il n’a aucun fondement scientifique. Pour faire court, l’ethnie n’existait pas, elle a été créée. Et à dessein, pour dénier aux Africains toute la capacité intellectuelle de fonder des Nations. Ces assertions ne sont pas de Cheick Anta Diop, un éminent scientifique, et non moins militant panafricaniste, mais de grands chercheurs européens, à la notoriété bien établie : l’ethnie est une pure invention. C’est dire que les replis identitaires que le Mali et d’autres pays africains connaissent actuellement, replis identitaires souvent suscités et attisés par les thèses biscornues de certains intellectuels africains en manque d’inspiration, ou encore de politiciens sans assise sociale dans leur propre communauté, sont d’une absurdité sans commune mesure. Certes, au Mali, il y aune pluralité culturelle et linguistique incontestable. Mais aucune communauté n’a été culturellement et politiquement étanche, fermée aux autres. En un mot,le Mali, dans son histoire, n’a jamais connu d’État « ethnique » ou « racial ».La géographie du Sahel et du Sahara, notre espace commun, ne se prête d’ailleurs pas à une telle claustration. Nous sommes un espace ouvert, où la rigueur du climat impose la solidarité de tous pour la survie de chacun. Où, à chaque fois qu’il y a eu des conflits armés, la raison a toujours fini par avoir le dessus sur la passion. Nous sommes condamnés à faire de nos différences,comme jadis, des facteurs de paix, de richesse, voire de puissance. Nos différences en atout pour construire la paix. L’on fait des concessions pour reconstruire la paix ou l’on se condamne à l’autodestruction. « Personne ne sera sauvé si tout le monde n’est pas sauvé », dit un poète japonais. Aucune communauté non plus n’a détenu, à l’exclusion des autres et sur les autres, le monopole du pouvoir d’État. C’est pourquoi les entités étatiques qui se sont succédé dans ces zones prenaient non pas les noms d’une quelconque communauté, comme on a tendance à le faire aujourd’hui, mais celui du lieu de résidence du souverain.Autrement dit, si le centre géographique du pouvoir a pu se déplacer d’une région à l’autre, d’une province à l’autre, toutes les communautés ont contribué à l’édification de tous ces États.
Ousmane Diarra ,écrivain
Source: nordsudjournal