Le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga a démissionné avec son gouvernement, moins d’un mois après la tuerie de quelque 160 civils peuls dans le centre du pays et une série de manifestations contre la gestion de l’Etat.
M. Maïga, nommé en décembre 2017 par le président Ibrahim Boubacar Keïta, avait été reconduit en septembre 2018 après la réélection du chef de l’Etat. Sa démission est intervenue à la veille de l’examen prévu vendredi par l’Assemblée nationale d’une motion de censure du gouvernement déposée par des députés de l’opposition mais aussi de la majorité.
“Seul l’intérêt supérieur du Mali doit primer”, a affirmé vendredi le président de l’Assemblée nationale, Issiaka Sidibé, lors d’une séance levée au bout de quelques minutes, en raison de l’absence du gouvernement. “Il est impératif de taire nos divergences et nos querelles intestines”, a-t-il déclaré.
Depuis des semaines, la personnalité de M. Maïga cristallisait les critiques, notamment sur des questions sociétales, d’influents dirigeants religieux musulmans réclamant son départ.
“Un Premier ministre sera nommé très prochainement et un nouveau gouvernement sera mis en place, après consultation de toutes les forces politiques de la majorité et de l’opposition”, a annoncé jeudi soir la présidence dans un communiqué.
M. Keïta a reçu tout au long de la semaine dernière dignitaires religieux, dirigeants politiques et représentants de la société civile, pour discuter de la situation du pays et leur remettre l’avant-projet de loi de révision constitutionnelle qui sera soumis à référendum.
Quelques jours auparavant, une manifestation avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Bamako le 5 avril pour dénoncer “la mauvaise gestion du pays”, notamment les violences intercommunautaires dans le centre, selon les organisateurs et des participants.
Depuis l’apparition en 2015 dans cette région du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs “groupes d’autodéfense”.
– ‘Désarmer les milices’ –
Malgré une série de visites de M. Maïga dans le centre du pays depuis plus d’un an pour prêcher la réconciliation entre communautés et “désarmer les milices”, ces violences se sont intensifiées.
Elles ont culminé le 23 mars avec le massacre à Ogossagou, près de la frontière avec le Burkina Faso, de quelque 160 villageois peuls par des membres présumés de groupes de chasseurs dogons.
Depuis mars 2018, les “agressions intercommunautaires” dans la région de Mopti (centre) ont fait quelque 600 morts, a indiqué le 26 mars le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH).
Dans cette région, “les activités de groupes extrémistes violents et l’intensification des violences intercommunautaires constituent les deux principales menaces pesant sur les civils”, souligne dans son dernier rapport trimestriel sur le Mali le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Depuis le début de l’année, ces violences y ont fait plus de 220 morts parmi les civils, selon le rapport, rédigé avant celles d’Ogossagou.
Au lendemain de la tuerie, le gouvernement a prononcé en Conseil des ministres extraordinaire la dissolution de l’association de chasseurs “Dan Nan Ambassagou”, lui reprochant de s’être “écartée de ses objectifs initiaux, en dépit des mises en garde répétées”.
Pendant cette réunion le 24 mars, le gouvernement a remplacé les principaux chefs d’état-major. Ces limogeages faisaient également suite à une attaque jihadiste le 17 mars contre un camp de l’armée à Dioura (centre), au cours de laquelle 26 soldats ont péri, entraînant une série de manifestations de familles de militaires.
Le nouveau chef d’état-major, le général Abdoulaye Coulibaly, a entamé une tournée “sur le terrain au centre du pays près de trois semaines après sa prise de fonctions”, a annoncé vendredi l’armée dans un communiqué.
Le 13 mars, des soldats venus arrêter un membre de “Dan Nan Ambassagou” à Koro (centre) en ont été empêchés par des habitants selon des témoins. Le groupe de chasseurs a démenti toute implication dans la tuerie, mais a rejeté sa dissolution et refusé de “déposer les armes”.
Lors d’une allocution radiotélévisée mardi soir, le président Keïta a assuré avoir “entendu toutes les colères, décodé tous les signaux, compris tous les messages remontant” du pays.
Il a annoncé l’ouverture d’une “concertation nationale” du 23 au 28 avril avec “les forces politiques et sociales” sur le projet de révision constitutionnelle.
Source: AFP