Le pouvoir malien est sur la corde raide et fait un numéro d’équilibriste pour parvenir à ses fins. Les autorités militaires de la transition ne veulent pas tenir les engagements qu’ils ont pris avec la communauté internationale sur l’abandon du pouvoir à des autorités élues et pour cela, elles se sont engagées dans des stratégies politiques de mise en avant de plusieurs autres sujets qui fâchent particulièrement l’ancienne puissance coloniale, pour éluder la question de la fin de la transition.
Voyons comment ils se sont pris pour allumer des feux qui ont mis à l’arrière-plan leur départ du pouvoir en février 2022.
Comment la communauté internationale a-t-elle réagi ? Et pourquoi se dédisent-ils publiquement sur la question du mandat donné au Haut Conseil islamique, dirigé par Moufa Haïdara, pour négocier avec les chefs terroristes maliens Amadou Kouffa et Iyag Ag Ghaly ?
Partira, partira pas, en février 2022 ? La deuxième option est la plus probable pour la junte militaire qui a pris le pouvoir en août 2020 à Bamako, mettant fin au pouvoir corrompu de Ibrahim Boubacar Keïta qui a été incapable de lutter contre le terrorisme. Les officiers qui tiennent davantage Bamako que le Mali savent que leur pays est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions de la part de la communauté internationale. Et celui qui décide toujours des questions du Mali est toujours l’ancienne puissance coloniale, la France, qui est intervenue dans le pays pour stopper l’avancée des colonnes djihadistes sur Bamako.
Depuis le « coup d’État, dans le coup d’État », entre Paris et Bamako, on se balance les mots qui loin de cicatriser les plaies font ressentir les douleurs du passé et du présent.
Paris a décidé depuis le sommet de N’Djaména de réduire ses troupes au Mali, et Bamako a engagé des négociations avec un groupe de services de sécurité russe pour venir l’appuyer. Cette annonce va accentuer le conflit verbal entre les autorités françaises et maliennes. Mais cette arrivée du groupe Wagner annoncé depuis mi-septembre 2021 est encore de l’ordre du possible mais pas la réalité, alors que sur le terrain les troupes françaises ont commencé leur désengagement du nord notamment à Kidal.
On peut se demander à juste titre si les militaires maliens qui ne sont pas pressés de céder le pouvoir à des civils et de retourner se battre n’ont pas agité cette question pour que l’on oublie la principale, celle de leur départ du pouvoir. Et sur ce coup ils ont admirablement bien joué leur partition et Paris est tombé dans le piège. Avec Macron en campagne qui s’agite et parle beaucoup. Le débat est devenu le Mali a-t-il le droit de recourir aux mercenaires russes ? Et les puissances occidentales (Allemagne, Estonie,…) tour à tour apportent de l’eau au moulin français en déclarant leur intention de quitter le Mali si les mercenaires russes viennent.
Le pouvoir malien était maître du jeu, c’est lui que le monde entier regardait. Goïta deviendrait-il un nouveau Modibo Keïta ? Muré dans un silence, il laissait cette partie à son homme de la parole, le Premier ministre, Choguel Maiga qui confirme les négociations mais prétend que rien n’est signé. Mais à New York, il accuse la France de les avoir abandonnés en plein vol. Et pourtant le parachute russe n’est pas encore activé ?
Les négociations avec les groupes terroristes franchisés d’Al Qaeda
On en était là, à une volonté d’engager une société de services de sécurité russe de la part d’un État souverain et la volonté souveraine de ses partenaires étrangers de s’en aller si cela était fait. Les autorités maliennes pour fâcher davantage la France annonce la désignation d’un négociateur avec les groupes terroristes maliens le mardi 19 octobre 2021. La France s’est toujours opposée à cette option qui n’est pas nouvelle que ses partenaires du G5-Sahel (Mali, Burkina…) et des institutions comme Crisis Group préconisent. Ce deuxième départ de feu n’a pas donné lieu à des invectives de part et d’autres.
Les observateurs se demandaient quelles sont les clauses de cette négociation ? Le Mali accepterait-il la charia, l’État laïc et républicain était-il abandonné ? Les chefs terroristes qui ont toujours conditionné les négociations aux départs des troupes françaises et de la Minusma, accepteraient-ils de négocier ? Une négociation est un rapport de forces, le Mali ne part-il pas en vaincu dans cette offre de paix ? Pourquoi confier les négociations entre un État et des groupes terroristes à des religieux qui milite par ailleurs pour la prolongation de la transition ?
Mais patatras, le vendredi 22 octobre un communiqué gouvernemental félicite les bonnes volontés engagées dans la démarche et dément les avoir mandatées pour cette offre de négociation, alors qu’une mission de l’ONU est attendue dans le pays.
Dans le même temps l’Algérie qui avait envoyé son ministre des affaires étrangères au moment où les deux pays étaient en froid avec la France pour des motifs certes différents, annonce qu’il n’a rien à voir avec l’arrivée du groupe Wagner au Mali et que cela était une entreprise de désinformation d’un de ses voisins.
Le Mali est à la croisée des chemins, à la veille d’un isolement diplomatique si la junte s’enferme dans des schémas populistes et des discours qui ne s’attaquent pas aux racines du problème, mais contentent l’égo de la jeunesse petite bourgeoise urbaine.Une impression se dégage de toute cette agitation, c’est l’absence de lisibilité et de vision sur le pouvoir qui se bat pour survivre au-delà du délai à lui accordé.
Malheureusement, malgré toute cette agitation et ses discours les groupes terroristes continuent à endeuiller le Mali et ses voisins du Burkina et du Niger.
Sana Guy
Source: Lefaso.net