Samedi dernier, la France a perdu deux grands journalistes, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés et tués à Kidal, au Nord-Mali. Un trop lourd tribu qui émeut, à juste titre, chacun de nous, à peine quatre jours après la libération des quatre otages d’Arlit. Il n’est bien entendu pas lieu de polémiquer sur leur présence dans cette zone dangereuse. Ils connaissaient sans aucun doute les risques encourus, mais défenseurs de la liberté d’accès à l’information, et surtout passionnés par leur métier, ils sont allés jusqu’au bout de leur mission. Je condamne avec force cet assassinat abject!
Si depuis le 11 janvier dernier, la France est engagée dans une importante opération militaire au Mali, elle ne peut, malgré le professionnalisme de nos 1500 hommes de troupes présents sur le terrain, se targuer de pouvoir, comme l’a dit François Hollande, “éradiquer le terrorisme” dans cette région du monde. Nous sommes dimensionnés pour un coup d’arrêt à la progression des djihadistes vers Bamako, nous ne le sommes pas pour une guerre qui consisterait à rendre la plénitude intégrale de sa souveraineté au Mali. Je vous rappelle la taille de ce pays : presque deux fois la superficie de la France…
L’Opération Serval a permis l’organisation de l’élection présidentielle, et celle baptisée Hydre dans le Nord-Mali favorisera la tenue des législatives. En mars prochain, il faudra sans doute engager une opération supplémentaire pour les municipales au Mali… On voit bien l’extrême difficulté de notre engagement politique, diplomatique et militaire.
Le Mali est donc encore loin d’avoir trouvé une stabilité, c’est une évidence. Comme je l’ai déjà rappelé à de nombreuses reprises, le terrorisme a été affaibli mais pas défait. Dans les vastes zones désertiques du nord du pays, propices à la guérilla, comment repousser durablement du territoire malien les combattants irréguliers sahéliens les plus radicaux? Ce sont des groupes extrêmement mobiles, fondés sur l’autonomie de décision, allant d’un pays à l’autre, passant de la Libye à l’ouest de l’Afrique. On les fait sortir des frontières et ils reviennent par la fenêtre. Et quand vous les sortez par la fenêtre, ils reviennent par le trou de la serrure ou par la cheminée.
Si j’ai soutenu en janvier dernier, l’intervention française, j’avais dénoncé l’isolement de la France, lié à la lenteur de la réaction de la diplomatie française après le discours de François Hollande aux Nations Unies, appelant en septembre 2012 à une réaction internationale au Mali et à l’absence de concertation européenne en amont. Nous n’avons pas fait de la question malienne une priorité diplomatique!
Il faut voir la réalité en face. La seule démarche militaire concrète est française. Elle le restera et nous contraindra donc à rester au Mali aussi longtemps qu’il ne sera pas capable d’assurer par lui-même sa sécurité. Pour tous ceux qui ont oublié, nous sommes arrivés au Tchad en 1984, et nous y sommes toujours. Au Mali, il n’y a personne à qui passer la main, et reconstruire un Etat fort est une longue route…
Enfin, du point de vue économique avec 80% de la population sous le seuil de pauvreté, la politique d’aide au développement de l’Europe doit faire du Mali et de la région la priorité des priorités : si les Européens n’ont pas été présents dans la phase militaire, qu’ils soient au moins à nos côtés pour la reconstruction économique du pays, et bien plus qu’avec quelques formateurs et quelques millions d’Euros.
Si nous ne faisons pas cela l’histoire se répétera et le terrorisme, qui repousse comme du chiendent quels que soient les coups mortels portés à quelques centaines de djihadistes, fera, hélas, encore de nombreuses victimes.