Le taux de participation ne devrait pas atteindre les 20 % des votants, appelés à élire les 147 députés du Parlement. “Il n’y a pas d’affluence parce que les gens ne savent plus pour qui voter”, analyse une observatrice d’un Institut africain pour la démocratie dans L’Essor : “Tout le monde pouvait se présenter, c’est trop facile ça.” En effet, les candidats étaient nombreux, sans forcément être ralliés à un parti. Quant aux courants politiques majeurs, ruinés par la présidentielle de juillet et août dernier, ils n’ont pas déployé leurs candidats pour faire campagne.
Insécurité
Certes, il faut considérer ces chiffres au regard de l’insécurité dans le pays. Alors que le président Ibrahim Boubacar Keita avait promis un retour à l’ordre, de nombreux incidents, assassinats et attentats se sont produits ces dernières semaines. Les électeurs n’étaient pas rassurés de se rendre aux urnes car, comme le rappelle Guinée Conakry Info, “le nord du pays demeure toujours une zone échappant au contrôle de Bamako. (…) Les islamistes et les indépendantistes [touaregs], ces deux groupes de bandits ont perturbé le scrutin en maints endroits : dérobant le matériel électoral par ci, semant la pagaille par-là ou s’attaquant directement aux paisibles électeurs”.
Certes, il y a une grande déception des Maliens avec ce nouveau gouvernement qu’ils avaient plébicité il y a quelques mois pour ses aspirations au “changement”. Mais pour un grand nombre d’éditorialistes de la presse africaine, la faute est à imputer directement aux hommes politiques. “Dans les pays en phase d’expérimentation démocratique, le rôle du député n’est pas toujours évident aux yeux des populations”, poursuit Guinée Conkary Info, site panafricain.
Parlement croupion
Calquée sur la Vème République française au lendemain de la décolonisation, la constitution malienne fait du président de la République un “monarque absolu qui décide de tout, un astre impérial autour duquel gravitent les autres composantes de la nation, comme des satellites”, analyse de son côté le quotidien L’Indépendant, dans son éditorial. Les députés ont peu de voix et, surtout, ne la font pas entendre : “En très peu d’occasions, les Maliens ont vu un projet de loi rejeté par l’Assemblée ou même modifié de façon substantielle. Les députés empochent de confortables indemnités pour entériner les desirata du gouvernement.” Pour cet éditorialiste, l’absention lors du scrutin du dimanche 24 novembre, est un “vote protestataire”, car “le peuple a compris ce jeu sordide depuis bien longtemps”.
Même constat dans le 22 septembre, journal malien, qui lance un “J’accuse!” envers ses hommes politiques. “Aucun parti politique de notre pays ne possède un espace d’échange, de formation ou d’encadrement de ses cadres. Chacun se forme sur le tas et apprend par hasard à assumer sa fonction.”
Le Mali est une jeune démocratie. Le coup d’Etat de 2012, et la remise en marche de l’appareil démocratique, était une occasion pour faire renaître la scène politique et mobiliser le peuple, la “société civile, les ONG”, autour de nouvelles idées. Mais la situation de crise que connaît le pays, les attentats et l’insécurité créent d’autres priorités. Pour Louis Michel, chef de la mission d’observation de l’Union Européenne, la priorité reste de mettre en place un système démocratique dans un Mali divisé. Quitte à ce que ce soit une jolie vitrine, avec des instances que le peuple ne semble pas avoir vraiment choisi, ni compris. “Il faut voir le verre à moitié plein”, a asséné Louis Michel. “Aucune élection n’est jamais parfaite.” Un adage, répété maintes fois lors de la présidentielle, et que les électeurs Maliens commencent à assimilier. A tel point qu’ils ne s’y sentent même plus concernés.