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Mali : Il faut le dire

Les sujets ethniques sont toujours délicats à aborder. Ils pourraient être mal interprétés et créer des frustrations. Par ailleurs, en ignorant continuellement certaines injustices, on ne fait qu’en rajouter à la frustration. C’est du moins notre sentiment au sujet d’une anecdote qui a bien eu lieu il y a quelque temps de cela dans un service public.

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Nous débattions donc  de la crise qui secoue notre pays depuis plusieurs années maintenant. Particulièrement, nous discutions de la supposée « exclusion » dont les Touareg voire les communautés du nord seraient l’objet, à en croire certains médias occidentaux malveillants et partisans, comme Radio France Internationale, à travers notamment la fameuse Christine Muraté (elle serait apparentée aux Touareg et pourrait avoir bien d’autres relations au sein de la communauté touareg).

Celle-là, on le sait depuis bien longtemps maintenant, intervient en général sur RFI quand il s’agit de défendre les terroristes appelés gracieusement « groupes armés » ou « rebelles ». On peut d’ailleurs dire que cette journaliste, comme bien d’autres de RFI et France 24 (ces médias de la propagande française et occidentale) ont joué un rôle important dans la démobilisation de nos troupes au plus fort du conflit. Mais cela est un autre débat sur lequel nous reviendrons plus tard. Pour l’heure, revenons à notre anecdote fort sérieuse au regard de ses implications sociopolitiques.

Ainsi, parlant de cette propagande occidentale visant à faire des Touareg des victimes d’une certaine mal gouvernance et donc de justifier leur terrorisme, un journaliste, de l’ethnie Bobo (excusez pour la spécification, mais elle paraît indispensable pour une meilleure compréhension du sujet) s’est écrié : « Moi, je n’ai pas souvenance qu’un membre de mon ethnie ait jamais occupé un fauteuil ministériel ».

Nous nous sommes mis  à nous regarder dans les yeux, chacun d’entre nous visiblement surpris  et troublé par la remarque ; et travaillant les méninges pour couper court à cette réflexion qui tombait…disons, comme un cheveu dans la soupe. Sur le moment, personne n’a pu contredire notre bonhomme, et le malaise ne pouvait que persister. La réflexion a donc continué, en vain, sans aboutir.

Pourquoi aborder un sujet aussi sensible ? Ce n’est point pour mettre de l’huile sur le feu, mais bien pour prévenir une situation qui pourrait surgir un jour. Cela ne sert à rien de fuir la réalité, de faire la politique de l’autruche. Remarquez !

Il n’y a aucun gouvernement au Mali où l’on ne compte au minimum un représentant de ceux-là qui se revendiquent aujourd’hui de la Coordination des  Mouvements de l’Azawad (CMA). Au même moment, certaines ethnies sont superbement ignorées, au risque de créer un réel sentiment d’exclusion en leur sein.

Le projet d’Accord d’Alger prévoit beaucoup de faveurs aux ressortissants du Nord, remettant du coup en cause le caractère républicain de la nation : recrutements dans la Fonction publique et au sein des forces armées notamment. Tout simplement parce que certains ont préféré prendre des armes. D’autres sont là à être refusés rien que pour agrandir les rangs  de nos forces armées ; et ce, malgré la bravoure légendaire qui les caractérise et leur sens élevé du devoir et de la dignité.

Oui, il faut le dire, malgré l’empreinte de la « civilisation », le sens de l’honneur n’est pas encore  totalement perdu pour certaines  ethnies dans notre pays. C’est le cas du Bobo qui préfère la mort à la honte, à l’humiliation. Malgré cette qualité, cette valeur  morale devenue de plus en plus une denrée rare dans notre pays, on ne songe jamais à faire de la place à une telle communauté dans notre armée.

A propos,  nous racontait récemment un cadre de cette communauté en poste à Ségou : « Chaque année je reçois des dizaines de jeunes garçons venus du village pour tenter leur chance dans l’armée ; ils n’y parviennent presque jamais. Cette année, un seul d’entre eux a pu y être enrôlé ». Comme quoi, la trahison du Mali, c’est une évidence. Et les vrais artisans de cette trahison, ce sont les hauts cadres, les « intellos », les hauts gradés. On préfère placer ses enfants ratés plutôt que de veiller à préserver l’intérêt national.

Comment comprendre d’ailleurs qu’avec tout ce que nous  a révélés cette crise comme   enseignements, on puisse continuer à recruter des futurs combattants dans une ville comme Bamako, et même dans les grandes capitales régionales ? C’est d’ailleurs ce qu’avait fait l’équipe du capitaine Sanogo dont certains n’hésitaient pas, du reste, à exiger la somme de 300 000 F CFA, pour pouvoir passer, comme nous l’ont témoigné certains candidats.

Notre armée n’a plus besoin de cadres voire de diplômés (on en a suffisamment avec notamment les Généraux de salon), mais de vrais combattants qui ne demandent qu’à exécuter les ordres, des  combattants qui combattent réellement, qui préfèrent plutôt mourir que de reculer devant l’ennemi. Ceux-là, on les a difficilement à Bamako ou dans les grandes villes. Un recrutement dans l’armée ne se  fait pas au hasard (‘’ten’’ en bambara) ; pareil pour les agents qui travaillent dans les services de renseignement.

Comme on dit, « Si tu empruntes le chemin de je m’en fous, tu vas te retrouver au village de si je savais » ;  autrement dit, « tén tè ko gla », comme on dit en bambara. Alors, il est temps de se réveiller. La défense de la nation n’est pas une chose banale. Aussi est-il urgent de repenser nos modes de recrutement et de privilégier les localités (les campagnes en particulier) où le sens de l’honneur veut encore dire quelque chose. A moins qu’on ne se prépare à une guerre à distance ; ce pour lequel nous n’avons pas les moyens.

Et que nous  sachions que personne ne se sacrifiera à notre place. Sans oublier qu’il est des guerres que le bon Dieu lui-même impose et qui doivent précéder la table des négociations. La guerre fait partie de la vie. Le monde est né avec la guerre, comme en témoignent les  seuls ancêtres dont on ne peut que se vanter, sans pour autant chercher à perpétuer leur mémoire ? Sommes-nous encore dignes d’eux ? Nous avons encore en mémoire les cris de détresse et les larmes de cette femme guinéenne vivant au Mali ; c’était au plus fort de la crise, quand les 2/3 du pays étaient encore occupés et elle intervenait sur la radio Nièta.

Ses émotions, on ne  saura jamais les reproduire, mais, sous les larmes disait-elle en substance: « Eh…est-ce le Maliba comme ça.. ». L’animateur, Diossé, n’avait pu retenir ses larmes, comme sûrement bon nombre d’auditeurs ce jour-là. Nul n’a le monopole du patriotisme. Et cette dame, je rappelle, est d’origine guinéenne, même si nos deux pays ne font qu’un dans la réalité. En fait, le sursaut d’orgueil n’est jamais trop tard. Oui donc à un accord, mais non à la compromission.

Source: Le Point

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