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Mali: des témoignages émouvants lors de la 4ème audience publique de la CVJR

La Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) poursuit sa mission de paix et de réconciliation à travers les témoignages publics des victimes. Après les trois premières audiences publiques biens réussies, elle a encore organisé une quatrième le 18 septembre 2021 pour faire parler des cœurs, libérer la parole chez les victimes des atrocités survenues au Mali de 1960 à nos jours. Les thèmes concernaient: les atteintes aux droits à la vie et à l’intégrité physique ; les disparitions forcées ; les atteintes aux droits à la liberté.

 

La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de la réconciliation nationale, de la paix et de la cohésion sociale, le Colonel Major Ismaël Wagué en présence de plusieurs personnalités, civiles et militaires ; des diplomates accrédités au Mali ; du président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé ; des sept commissaires de la CVJR, ainsi que les parents de victimes. Face à ses témoignages émouvants, beaucoup de participants ont versé des larmes dans la salle. Certains se sont dit: « Plus jamais ça ».

Au total, dix-sept (17) victimes, hommes et femmes ont témoigné publiquement devant le public, ainsi que les cameras et micro en direct. En 2019 à Kolongo dans le cercle de Macina, un bandit armé met du feu à une moustiquaire où dort toujours un enfant, sous le regard impuissant de sa maman. Une femme est enlevée, violée pendant un an par les bandits armés avant d’être tuée par ses bourreaux. A Kidal en 2011, un bandit armé décharge son chargeur sur la poitrine d’un jumeau et qui succombe de ses blessures devant l’autre jumeau. La victime avait deux enfants et une femme enceinte. A Gao en 2015, un obus a broyé les jambes d’une femme, élève infirmière à la veille de son examen et qui est morte plumard. Elle avait deux petits enfants. Ces enfants n’ayant pas reconnu leur maman avec les jambes broyées, ont eu peur et l’ont fuie jusqu’à sa mort. A Gao, un homme enterré vivant par ses ravisseurs, etc. Voilà, autant d’atrocités qui ont retenu l’attention du public durant cette quatrième audience.

Une victime témoignage avec larmes aux yeux !

Amidou Guindo, habitant de Bankass (Mopti), marié à deux femmes et père de quinze (15) enfants, témoigne : « Quand les groupes armés sont entrés dans le hameau à Darsalam, tout le monde a fui. Certains sont rentrés dans la brousse. Après, nous sommes sortis. Ils sont encore revenus, ils ont explosé la tête de mon père avec leurs armes. Ils ont aussi tiré dans le ventre de mon fils qui dormait à côté de mon père. Mon fils avait les intestins dehors. Quand il buvait, l’eau sortait par son ventre.

Ma femme enceinte de neuf (9) mois, a eu une balle, ainsi que sa fille qui dormait à côté d’elle. Quand j’ai vu mon fils avec son ventre ouvert, je me suis dit, qu’il ne va pas survivre. Mais, il attend seulement son heure. J’avais quatre victimes dans mes bras. Je ne savais pas quoi faire. Mais, je me suis consolé en disant que tout ce Dieu fait est bon. C’est lui seul qui a le pouvoir.

Dans le village voisin, deux (2) personnes sont mortes. Les groupes armés avaient placé des mines partout. Ceux qui couraient, sautaient sur les mines. Il y avait une femme enceinte. Elle a été explosée par une mine. Vraiment, c’est difficile à expliquer. A part les pieds, on a rien vu de son corps. J’ai appelé mes frères pour emmener les blessés à l’hôpital. C’est là-bas que mon fils qui avait les intestins dehors est mort.

Nous avons appelé les militaires, qui étaient à vingt cinq (25) kilomètres de Darsalam. C’est aux environs de neuf (9) heures qu’ils sont arrivés à bord de cinq (5) véhicules. Ils nous ont demandé de laisser les morts et de partir avec eux. Mais, j’ai dit que je ne peux pas laisser la dépouille de mon père comme ça. Je suis resté. J’ai appelé les gens, nous sommes allés au cimetière. Nous avons enterré toutes les morts.

La même nuit, les groupes armés ont volé tous les animaux. Ils ont brûlé les greniers et plus de soixante (60) motos. J’ai perdu au total, trente cinq (35) vaches, cinquante cinq (55) moutons et chèvres, trois (3) greniers brûlés, deux (2) motos de marque Sanili calcinées. Finalement, nous sommes rentrés les mains vides à Bankass. Nous étions partis à Darsalam pour cultiver. Aujourd’hui, nous avons trop de difficulté, nous souffrons beaucoup. Dieu seul sait ce que nous endurons chaque jours… »

Des victimes pardonnent au nom de la paix !

La plupart des victimes ont pardonné à leurs bourreaux. Certains ont demandé, justice, réparation, réconciliation et sécurité pour leur permettre de retourner dans leurs contrées afin de reprendre leurs activités. D’autres ont demandé des aides pour leur permettre de reprendre avec la vie, parce qu’ils ont tout perdu. Des victimes ont également demandé la prise en charge des orphelins, veuves et veufs des disparus.

A la lecture de ce qui précède, nous devons-nous poser la question suivante : Pourquoi l’homme a pu faire ça à l’homme !

Nous devons revenir à la raison, et nous dire que nous sommes des frères et non des loups. Nous devons-nous réconcilier avec nous-mêmes d’abord et nous réconcilier ensuite avec les autres. Comme ce participant dans la salle, qui a dit : « Plus jamais ça », ensemble, nous devons aussi dire : « Plus jamais ça ».

Tenons-nous la main et regardons tous droit vers l’avenir. Car c’est ensemble que nous pouvons arriver. Comme un petit enfant qui regarde son père avec amour, douceur et affection, regardons l’avenir de cette façon.

Pépin Narcisse LOTI

Source : Afrikinfos-Mali

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