Des soldats de l’armée malienne et d’autres « blancs », potentiellement du groupe Wagner, sont accusés par l’ONU d’avoir tué 33 civils en mars.
Un rapport d’experts missionnés par les Nations unies consulté vendredi par l’Agence France-Presse révèle que l’armée malienne ainsi que des soldats « blancs » sont impliqués dans la mort début mars au Mali, non loin de la frontière mauritanienne, de 33 civils, dont 29 Mauritaniens et 4 Maliens. La disparition aux contours à l’époque flous de ces civils le 5 mars à Robinet El Ataye, dans la région de Ségou proche de la frontière mauritanienne, avait fait grand bruit au Mali et en Mauritanie.
Nouakchott avait accusé l’armée malienne d’« actes criminels récurrents » contre des citoyens mauritaniens dans cette région frontalière. Bamako avait dit que rien ne mettait en cause son armée. Les deux pays avaient ouvert une enquête conjointe, dont les résultats n’avaient début août pas été publiés. Un rapport du groupe d’experts de l’ONU sur le Mali, qui a été transmis fin juillet au Conseil de sécurité et que l’AFP a pu consulter vendredi, lève le voile sur la mort de ces 33 civils en dressant un récit macabre qui accable l’armée malienne et des « soldats blancs ».
Ces derniers feraient partie, selon un diplomate à New York à l’Agence France-Presse, des paramilitaires du groupe Wagner déployé auprès des militaires maliens depuis janvier. Bamako réfute la présence de mercenaires, évoquant la présence d’« instructeurs », tandis que Moscou affirme n’avoir rien à voir avec cette société présente au Mali sur une « base commerciale ». À 8 h 30, heure locale, le 5 mars, « un groupe de soldats blancs » est arrivé à Robinet El Ataye, village doté d’un puits fréquemment utilisé par des éleveurs maliens et mauritaniens en quête de pâturages, explique ce rapport.
Les soldats « ont rassemblé les hommes, y compris les adolescents, leur ont lié les mains derrière le dos et bandé les yeux ». « Ils ont ensuite été rassemblés au milieu du village » tandis que « les femmes et les enfants ont reçu l’ordre de rentrer chez eux et ne pas regarder », dit le groupe, qui précise qu’il n’a pas pu se rendre sur place, mais qu’il a recueilli plusieurs témoignages. Les soldats déployés ont ensuite « dépouillé les maisons de toutes leurs possessions, y compris la literie, les téléphones portables, les bijoux, les ustensiles de cuisine et les vêtements ».
« Abattus puis brûlés »
À 11 heures, « un groupe de FAMa », les Forces armées maliennes, « est arrivé dans le village », continue le texte. Ils « ont commencé à frapper les hommes attachés aux yeux bandés » en utilisant « les bâtons utilisés par les bergers sur leurs troupeaux ». « Les femmes », enfermées dans les maisons, « ne pouvaient qu’entendre les cris des hommes qui étaient battus », note le groupe. Les « FAMa ont ensuite libéré certains des hommes les plus jeunes, et ont emmené 33 hommes, 29 Mauritaniens et 3 quatre Maliens [touaregs] ».
Après le départ des soldats à 14 heures, les femmes ont attendu le retour des hommes au village. En vain. Le lendemain, des proches ont découvert les corps à 4 kilomètres de Robinet El Ataye, expliquent les experts. « Ils avaient été abattus puis brûlés », conclut le texte. Le groupe d’experts évoque un « schéma similaire de pillage et de passage à tabac » dans cinq autres localités de la zone entre le 5 et 6 mars, sans mort d’homme néanmoins. Dans deux d’entre elles, a été fait mention par les témoins d’un « hélicoptère transportant les soldats à la peau blanche ».
Le groupe relève que onze corps retrouvés à Robinet El Ataye auraient été remis à leurs familles par les autorités mauritaniennes, qui ont eu accès au village, comme les autorités maliennes, lors du travail de la commission d’enquête conjointe. Outre cette commission, l’ouverture d’une enquête avait aussi été annoncée par le tribunal militaire de Bamako. Les militaires, au pouvoir au Mali après deux coups d’État en août 2020 et en mai 2021, avaient néanmoins insisté sur le fait que l’armée malienne n’avait rien à voir avec ces disparitions.
L’armée malienne a mené de nombreuses opérations militaires pour « traquer » les groupes djihadistes dans les régions de Ségou et de Mopti, dans le centre du Mali, depuis le début de l’année. Ses soldats ont été accusés d’exactions à plusieurs reprises par des ONG. Les Maliens, civils comme militaires, paient un lourd tribut humain dans ce conflit. En plus des agissements des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique, des violences intercommunautaires et des actes crapuleux, les acteurs du conflit sont régulièrement accusés d’exactions sur la base d’amalgames communautaires.
Source: lepoint