Au Mali, plus de 10 000 personnes ont manifesté ce vendredi 5 avril. Les revendications sont larges : depuis la fin de l’été, enseignants, médecins, magistrats ou cheminots multiplient les grèves. Mais c’est surtout la dégradation sécuritaire qui était au cœur des préoccupations. A l’appel des leaders religieux rejoints par une partie de l’opposition, les manifestants ont également réclamé la démission du gouvernement ainsi que le départ des forces militaires internationales présentes dans le pays.
Avec ferveur, plus de 10 000 personnes se sont regroupées sur la place de l’indépendance, après la prière du vendredi. Pour Fatim Diarra, trop c’est trop. « Le Mali était bien ! Le Mali était tolérant ! Le Mali était beau ! Et maintenant, tout le monde souffre. Même quand tu dis bonjour à quelqu’un, il te fait la bagarre parce que le cœur est serré ! Les militaires meurent, les civils meurent ! »
Le massacre d’Ogossagou où au moins 157 villageois ont été assassinés le 23 mars est la goutte d’eau pour un commerçant. « Si la communauté internationale n’est pas en mesure de nous sécuriser, qu’ils dégagent ! » Les forces militaires internationales, spécialement françaises, doivent quitter le Mali, assume un fonctionnaire. « Votre gouvernement est complice de tout ça ! »
Les manifestants, dans leur slogan ou sur leur pancarte, réclament la démission du gouvernement malien. Ils ont répondu à l’appel des leaders religieux. Issa Kaou N’djim est le porte-parole du président du Haut conseil islamique, l’imam Mahmoud Dicko.
« L’école est dehors, les commerçants se cherchent, et aujourd’hui il n’y a pas de perspectives pour les jeunes, il n’y a pas d’emploi. Le chômage, l’insécurité… Ici, aujourd’hui, on dit : alors que les uns se font massacrer, qui sont les coupables, qui sont les auteurs, quelle politique nous a menés à ça ? La France est un pays ami, mais la France ne doit pas soutenir un gouvernement corrompu, illégitime. »
En marge, des jets de pierre, des pneus brûlés et des gaz lacrymogènes ont été lancés à proximité du musée national. Les leaders religieux annoncent que si leurs revendications ne sont satisfaites, ils appelleront à une nouvelle manifestation vendredi prochain.
Quelle est la stratégie de l’imam Mahmoud Dicko ?
Depuis plusieurs mois, le président du Haut conseil islamique Mahmoud Dicko multiplie les attaques contre le gouvernement. Une attitude que certains interprètent comme une volonté de s’imposer sur l’échiquier politique.
D’abord il y a eu son offensive, en décembre, contre un programme d’éducation sexuelle qui a fait rétropédaler le gouvernement. Puis, mi-février, le rassemblement du stade du 26 mars à Bamako. 60 000 personnes sont venues écouter Mahmoud Dicko dénoncer la mauvaise gouvernance.
« Mahmoud Dicko mène un combat personnel », lâche Mahamadou Camara, membre de la majorité. « S’il veut faire de la politique, qu’il descende dans l’arène », conclut-il.
Pour l’opposant Mountaga Tall, cette mobilisation pour Ogossagou était une nécessité. « Partout dans le monde, il y a eu des manifestations. Il serait honteux que rien ne se passe à Bamako », explique-t-il. Sur les intentions politiques de Mahmoud Dicko, Mountaga Tall reste prudent: « je ne peux pas sonder son âme, mais en politique il faut abandonner le turban. »
Une analyse que ne partage pas le politologue Kalilou Sidibé qui rappelle que les religieux ont toujours fait partie du paysage politique malien. « Dès 1947, ils se battaient pour l’Indépendance », explique-t-il.
Si Mahmoud Dicko n’a pour l’heure pas fait part de ses intentions, une certitude, il doit quitter son siège de président du Haut conseil islamique dans quelques mois. Son deuxième mandat arrivant à échéance.
RFI