Bamako (AFP)
Le gouvernement malien s’est dit vendredi toujours « disposé au dialogue » avec des groupes armés qui, la veille, avaient annoncé leur retrait des discussions avec les autorités, alors qu’une attaque à la grenade a visé et blessé deux militaires à Kidal (nord-est).
Inquiétant développement sur le terrain, cette attaque à la grenade, qui n’avait pas été revendiqué vendredi soir, s’est déroulée devant le siège d’une banque malienne dans la ville de Kidal, chef-lieu de région à plus de 1.900 km de Bamako.
Des hommes non identifiés ont lancé « deux grenades offensives » contre des militaires maliens qui gardaient la banque, « une seule grenade a éclaté et on compte deux blessés parmi les militaires maliens », a déclaré sous couvert d’anonymat un responsable au gouvernorat de Kidal, qui a dénoncé « un attentat contre l’armée ».
L’attaque a été confirmée par un habitant de Kidal, qui a dit avoir vu « deux hommes enturbannés lancer deux grenades vers les militaires maliens ». Elle aussi été confirmé par une source militaire africaine, membre de la force de l’ONU Minusma. Selon elle, des membres de l’opération militaire française Serval et de la Minusma s’étaient rendus sur les lieux pour désamorcer la grenade qui n’a pas explosé.
Ces incidents se sont produits moins de 24 heures après que trois groupes armés ayant leurs bases dans le vaste Nord malien, notamment à Kidal, eurent annoncé qu’ils suspendaient leur participation aux discussions prévues avec le gouvernement malien dans le cadre d’un accord signé en juin à Ouagadougou.
L’annonce a été faite par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, touareg), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA, touareg) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA, arabe) dans un communiqué conjoint signé par leurs chefs, présents dans la capitale burkinabè.
L’Azawad est le nom donné par des Touareg aux région du nord du Mali, représentant près des deux tiers de ce vaste pays sahélien de 1.240.000 km2.
Pour expliquer leur décision de suspendre les discussions, les trois groupes armés évoquent de « multiples difficultés de mise en oeuvre de l’accord de Ouagadougou causées notamment par le non-respect par la partie gouvernementale malienne de ses engagements ». Et ils réclament une réunion urgente de toutes parties.
« Assises nationales du Nord » en préparation
« Pour nous, il n’y a pas rupture de confiance » avec les trois groupes armés, a assuré vendredi le ministre malien de Réconciliation nationale et Développement des régions du Nord, Cheick Oumar Diarrah.
« C’est vrai qu’entre temps (depuis la signature de l’accord de paix de Ouagadougou, NDLR), il y a eu quelques accrochages, mais le gouvernement malien reste disposé au dialogue », a-t-il déclaré à l’AFP par téléphone.
Le gouvernement malien a publié vendredi un communiqué pour « apporter des précisions » après le communiqué des groupes armés, précisions qu’il a détaillées en six points, sans prendre position sur la rupture des discussions.
Il a cité notamment la libération par les autorités de quelques dizaines de personnes qui étaient détenues et considérées comme des membres ou partisans des groupes armés.
Il a évoqué l’organisation de « forums de sensibilisation » dans le Nord et la préparation active des « Assises nationales du Nord », sans annoncer de dates mais précisant qu’elles auront lieu « avant l’expiration des 60 jours prévus pour le démarrage des discussions avec les groupes armés, conformément aux engagements contenus dans l’Accord de Ouagadougou ».
Un volet de cet accord – dans lequel rebelles et responsables gouvernementaux s’engageaient à respecter l’intégrité territoriale du Mali – garantissait la tenue de « pourparlers de paix » 60 jours après l’installation du nouveau gouvernement malien, notamment afin de décider du statut de la région Nord.
Vendredi, la France a appelé toutes les parties concernées par ces discussions à poursuivre « le processus de dialogue », mais aussi « à faire preuve d’une attitude constructive, à s’abstenir de tout recours à la violence ». Elle a également renouvelé son « soutien » au président Keïta « dans ses efforts pour relever les défis de la stabilisation, du développement et de la paix au Mali ».
Depuis son indépendance il y a 53 ans, le Mali a connu plusieurs rébellions touareg, dont la dernière en date, déclenchée entre fin 2011 et début 2012 par le MNLA, a ouvert la voie à la crise la plus grave de l’histoire du pays.
Cette crise, marquée notamment par l’occupation des régions du Nord par des groupes armés et une intervention militaire franco-africaine pour les en chasser, a duré 18 mois, jusqu’à l’élection présidentielle de juillet-août remportée par Ibrahim Boubacar Keïta.