Depuis des mois, la France tire le signal d’alarme sur la Libye, en plein chaos institutionnel et sécuritaire. Mais elle ne veut pas intervenir militairement. « C’est à l’Onu de chercher une solution politique, mais c’est très difficile » a expliqué hier Laurent Fabius devant l’association français de la presse diplomatique. Entre les appétences pour les ressources pétrolières du pays qui attisent les convoitises et les menaces terroristes qui se diffusent vers les pays du sahel, il est temps de « mettre la communauté internationale devant ses responsabilités », estime le ministre des Affaires étrangères.
La violence qui déchire la région a contraint hier la dernière compagnie étrangère qui dessert le pays, Turkish Airlines (THY), à cesser ses vols. La production est tombée à 380.000 barils par jour, à peine 0,38 % de la consommation mondiale, et un quart de celle du pays du temps de Kadhafi. Un incendie provoqué par un tir de roquette a ravagé des entrepôts pétroliers du principal terminal du pays, Es Sider, pendant deux semaines avant d’être éteint lundi. Et deux marins ont été tués sur un pétrolier grec dimanche par un bombardement opéré par l’aviation libyenne.
Une réunion de dialogue
Ou plutôt une des aviations libyennes, puisque le pays compte deux gouvernements rivaux et deux Parlements. Le premier est proche des islamistes de Fajr Libya, qui s’est emparé de la capitale, Tripoli, en août dernier. L’autre reconnu par la communauté internationale, est dirigé par Abdullah al Thinni et siège à Tobrouk près de la frontière égyptienne. Il est soutenu par Khalifa Haftar, un ancien général de Kadhafi engagé dans une lutte à mort contre Fajr Libya. Les dizaines de milices qui avaient pillé les arsenaux de Kadhafi à la chute de ce dernier après quatre décennies au pouvoir, servent des intérêts tribaux ou régionaux en prêtant vaguement allégeance à l’un de ces deux centres de pouvoirs rivaux.
Une réunion de dialogue sous l’égide de l’ONU entre les représentants du Parlement de Tobrouk, élu en juin mais invalidé par la Cour suprême, et celui de Tripoli, théoriquement dissous, a été reportée lundi sine die. Le gouvernement libyen officiel a appelé la communauté internationale, lors d’une réunion d’urgence de la Ligue arabe au Caire, à « assumer ses responsabilités légales et morales » en lui fournissant des armes pour combattre les milices. Il a aussi annoncé sa décision d’interdire son territoire aux Syriens, Palestiniens et Soudanais « car certains sont impliqués dans des actions terroristes ». Plusieurs pays de la région, notamment le Niger et le Tchad, ont estimé récemment qu’une intervention internationale était inévitable, ce que Paris a écarté. Mais « on peut avoir un certain regard », a indiqué hier Laurent Fabius. La base militaire de Madama, à l’extrême nord du Niger,
peut ainsi aider à l’interception de terroristes « mais ce n’est ni sa mission, ni son mandat d’intervenir ».
Source: lesechos.fr