Le Made in Mali se porte plutôt mal. Pourtant « le Mali regorge de produits agricoles et artisanaux à fort potentiel commercial » et de qualité reconnue. Mais entre les difficultés des acteurs de la transformation, la crise, qui « ternit l’image du pays », et l’absence d’une politique de promotion volontariste, les produits maliens peinent à s’imposer. Le pays s’est inscrit dans une dynamique de promotion des « produits du terroir » pour créer de la valeur ajoutée et favoriser le développement.
Le ministère de l’Industrie et du commerce et le Centre malien de promotion de la propriété industrielle (CEMAPI) ont inscrit en priorité dans leur programme d’activités avec l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et en collaboration avec les faîtières et les services techniques, la labellisation en Indication Géographique (IG) de certains produits, dont le bogolan-finin. Un patrimoine et un savoir-faire séculaires qui continuent d’inspirer au-delà des frontières maliennes.
Si sa technique a d’abord permis aux femmes de véhiculer des messages grâce aux symboles exprimés sur le tissu, la production du bogolan « s’est intensifiée dans les années 1980, avec l’apparition de centres de production dans certaines villes du Mali et son exportation dans le monde entier ». Mais ce tissu Made in Mali sera bientôt victime de son succès. Les motifs du bogolan authentique, des symboles véhiculant des messages depuis des siècles, ont été repris en contrefaçons sur des tissus fabriqués ailleurs qui inondent le marché. « Ce qui n’est pas sans conséquences pour la culture et les nombreux artisans qui vivent de la production et de la vente du bogolan ».
C’est donc face à « l’ampleur de ces menaces » que la démarche de labellisation en IG en cours va « permettre au Mali de revendiquer et de restaurer la paternité du bogolan-finin, patrimoine culturel et artisanal établi », explique le CEMAPI. Cette protection permettra en outre de « préserver de nombreux emplois et, pour les consommateurs d’avoir du bogolan original certifié ».
Innover
Protéger ce patrimoine est « une occasion en or pour faire voir d’autres facettes du Mali ». Comme celle d’un « génie créateur qui va servir à redorer le blason, à donner une image positive et même à être le moteur de la renaissance, du redressement de l’économie et de la prospérité de demain », assure M. Guédiouma Sanogo, Directeur de la galerie Sunjata Créations. Il veut assurer la promotion du bogolan à travers l’art, en l’immortalisant à travers des œuvres originales qui l’associent à d’autres modes d’expression, comme la peinture. Car tout ce qui n’évolue pas se meurt. Le bogolan continue en tout cas à vivre et, n’eut été la situation sécuritaire, ce sont des universitaires du monde entier qui viennent apprendre sa technique au Mali. « Une technique qui a conquis le monde. Reste aux Maliens à la protéger », ajoute M. Souleymane Goro, membre de l’association Khassobane, l’une des organisations qui portent le projet de labellisation.
Matières premières rares
Le secteur de la transformation artisanale des fibres localement produites (fibre de dah, laine, coton) souffre d’un manque criard de matières premières. La laine est devenue inaccessible dans le Delta central du Niger. Pour le coton, le problème est particulier, en ce sens que le fil sur lequel travaillent les artisans est le fil industriel produit principalement par la COMATEX, qui est en arrêt de travail. Pour produire, les artisans vont donc chercher le fil au Burkina Faso, puisque le fil artisanal ne suffit pas à couvrir les besoins. Alors que pour produire des tissus de qualité et fournir convenablement le marché, il faut disposer de cette matière première à suffisance.
Une situation d’autant plus regrettable que ce tissu traditionnel est très prisé des Maliens. Car si le bogolan et l’indigo sont plutôt sollicités à l’extérieur, le tissu traditionnel attire de plus en plus les consommateurs locaux.
Grâce notamment aux améliorations sur le design et les formations dans ce sens organisées par le Centre pour le développement de l’artisanat textile (CDAT) à l’intention des tisserands, pour rendre les tissus plus attrayants. À travers ses missions spécifiques, qui consistent notamment à faire la promotion des artisans et des produits, la formation et le suivi-évaluation, les activités du CDAT concernent aussi bien les acteurs qui travaillent dans le domaine des colorants que les artisans et les fabricants de fils. Jusqu’aux créateurs de mode, ce qui permet aux tissus d’atteindre un public a priori réticent.
Si les artisans continuent de travailler dans ce contexte difficile, il faut évidemment trouver une solution pérenne au manque de matières premières qui handicape sérieusement le domaine. Il faut faire redémarrer la COMATEX, non seulement pour sauver le millier d’emplois en jeu, mais aussi pour soutenir tous les artisans de la chaîne de valeur que constitue l’artisanat textile.
« L’État doit s’impliquer pour installer des unités de filature de coton. Il doit encourager la création de ce type d’unités par les investisseurs », suggère M. Ousmane Coulibaly, Directeur général du CDAT. Un manque à gagner alors que le « secteur peut absorber le chômage ».
Le centre, qui encadre environ 3 008 artisans de toute la chaîne, souhaite, à défaut, faire créer une unité pour le CDAT et les artisans, afin de ne plus être à la merci des grosses industries de production.
Mais, pour soutenir le Made in Mali, les Maliens doivent être véritablement « des nationalistes », avec « un civisme indispensable pour développer notre pays », ajoute M. Coulibaly. « Si nous consommons ce que nous produisons, nous finirons par nous développer ». Pour cela, ils mettent en avant l’exemple de Bara Musso, véritable success story dans le domaine.
Lever les obstacles
S’il nous revient de « retrouver la confiance en nous-mêmes », mise à mal à la suite des crises que traverse notre pays, ce socle du redressement doit être accompagné de mesures fortes pour soutenir les acteurs.
Parmi ceux qui se battent dans le secteur de la transformation, les PME sont confrontées à de nombreuses difficultés; dont celle « de vendre les produits à un public plutôt sceptique ». Une des raisons qui ont motivé Madame Nabou Touré, promotrice d’une PME qui transforme des produits agricoles, à initier le Petit marché du Made in Mali. Un espace pour faire découvrir des produits fabriqués localement et mettre en valeur les ressources naturelles locales. Une découverte et une rencontre qui susciteront plus tard des achats.
« Le Made in Mali a de beaux jours devant lui », assure Madame Touré. « On s’est rendu compte de l’engouement. Les gens sont surpris de découvrir que certains produits existent ici ». L’ambition de ce « Petit marché » est d’instaurer un changement de comportement et des habitudes de consommation. « Parce que nous avons tout à gagner à consommer ce qui est produit ici. La crise de la Covid-19 a démontré l’évidence de consommer ce qui est produit localement ». Les PME existantes souffrent aussi d’un manque de visibilité, que le marché du Made in Mali veut aussi combler. Rien qu’à Bamako, on dénombre 3 000 PME formalisées, des structures qui peuvent aider à « résoudre des problèmes dans des domaines multiples ». Il y a de bons produits, assure la promotrice de Karismétique, mais ce n’est pas toujours su. « Le consommateur aime ce qui se fait ici », mais il faut que le climat des affaires soit favorable à ces PME.
Parmi les nombreux problèmes qu’elles rencontrent, celui des emballages n’est pas le moindre et il est commun à nombre d’entre elles. Il existe peu de choix pour les entreprises qui veulent se démarquer, se plaint Madame Touré. L’alternative étant d’en chercher ailleurs, ce qui constitue des coûts supplémentaires qui rendent inaccessibles ces produits. Il est donc essentiel de se pencher sur cette question pour trouver des solutions adaptées.
S’il faut « cesser d’importer tout », selon certains acteurs, il faut aussi instaurer un véritable cadre de promotion de la transformation locale.
Fatoumata Maguiraga
Source : Journal du Mali