La corruption est un phénomène dangereux qui a beaucoup contribué à affaiblir notre société, portant entorse à la juste redistribution des ressources nationales. Ses effets touchent toutes les couches sociales, freinant ainsi considérablement le développement du pays. Et jusqu’à dernièrement où on constate quelques actions concrètes sur le terrain avec l’arrestation de certains présumés fossoyeurs de ressources publiques, toutes les mesures envisagées pour lutter contre ce phénomène sont quasiment restées vaines. Si les récentes actions en cours au niveau du Pôle économique sont salutaires, il y a cependant lieu d’élargir les champs d’action sur le rôle et la responsabilité des personnes en charge des structures de contrôle interne.
Nous évoquions le sujet dans l’une de nos précédentes parutions dans un article ayant trait à l’affaire Bakary Togola, en prison depuis quelques mois pour un présumé détournement de plus de 13 milliards de FCFA. Comme l’a si bien dit un éminent avocat de la place, la responsabilité politique, corollaire de la responsabilité pénale, la vraie, à savoir celle des ministres de tutelle, responsables des deniers publics, des organes de contrôle des fonds publics au sein de l’APCAM, de la Confédération des producteurs de cotons (C-SCPC) gestionnaires des fonds, de la CMDT et du ministère de l’Agriculture, pourvoyeurs des fonds, semble être occultée dans ce dossier.
En effet, selon cet éminent juriste, Bakary Togola aurait dû être prison avec ceux qui lui ont donné plus de 13 milliards de nos francs de 2013 à nos jours sans la moindre demande de justifications. Et pour cause : comment tout cela a bien pu se passer depuis 2013 jusqu’à nos jours sans qu’aucune structure de contrôle ad hoc, les organes de l’APCAM elle-même, du ministère de l’Agriculture, département de tutelle, de la CMDT, partenaire stratégique, et même du Vérificateur général, ne se rende compte d’un détournement d’une telle ampleur ?
De même, combien de maires croupissent déjà en prison ? Ils sont nombreux ces édiles aujourd’hui incarcérés pour gaspillage du denier public. Mais à voir de près, ces maires devraient-ils être les seuls à payer les conséquences de leur incurie ? Quid donc du rôle des services d’inspection et de contrôle du ministère en charge des collectivités ? La question se pose, car si à ces niveaux, ceux qui sont chargés de veiller sur la gestion des maires avaient bien fait leur travail, ces derniers ne pouvaient se permettre de tels brigandages financiers à défaut d’être sanctionnés par qui de droit.
Mais généralement en la matière, on trouve que les personnes chargées de l’inspection et du contrôle de la gestion des mairies sont de mèche avec les maires. Aussi acceptent-elles le plus souvent de fermer les yeux, contre de l’argent ou des parcelles de terrain, sur les magouilles des maires. Ce constat, qui n’est qu’un exemple d’illustration, est valable pour tous les services et dans les tous secteurs. En effet, dans toutes les structures publiques ou parapubliques, il y a des services chargés du contrôle interne.
Vu que l’existence de ces structures n’a quasiment aucun impact sur l’évaporation de l’argent public, il y a lieu de se poser des questions sur leur efficacité. Et sur ce point, deux hypothèses se dressent : soit ces structures sont efficaces et font bien leur travail, mais les responsables chargés de remonter les rapports ne font rien, toujours pour des intérêts propres eux… soit ces structures ne sont pas efficaces et ne font pas bien leur travail. Dans l’une ou l’autre hypothèse, tout semble indiquer que la lutte contre la corruption et la délinquance financière ne saurait être menée sans qu’on n’intègre le cas de ces structures dans cette lutte.
Si dans les actions de poursuite on ne peut prendre en compte ce qui peut être de la responsabilité des personnes en charge des structures de contrôle interne, il y a lieu qu’un mécanisme soit mis en place pour qu’il y ait au moins des sanctions administratives à leur encontre. Ce qui apparemment n’est pas le cas. Or sans cela, il serait très difficile de venir à bout de la corruption dans notre pays. Le cas de trois inspecteurs de finances et d’impôts ayant détourné des milliards de FCFA comme dénoncé dans le rapport de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite en est l’illustration la plus parfaite !
Il faut donc une vision globale alliant action judiciaire et sanction administrative pour venir à bout de ce phénomène. Sinon à ce jour encore, on assiste à l’expansion des réseaux de corruption et de détournement des fonds publics, et cela depuis l’ouverture démocratique dans notre pays, qui a vu une minorité de personnes s’accaparer de toutes les richesses. Et face au système de prédation mis en place et qui perdure encore, il faut concomitamment travailler à refonder notre société à travers l’implication de tous et en mettant de l’accent sur l’éducation civique et la culture du respect du bien public !
Seydou DIALLO
Source: Journal le Pays- Mali