Une des faiblesses majeures de notre démocratie, qui expliquerait en partie la descente aux enfers que notre pays a connue ces deux dernières années, est, sans aucun doute, l’absence d’une société civile bien organisée et bien structurée susceptible de contre balancer les dérives politiciennes de nos dirigeants.
Cette absence de société civile digne de ce nom n’a pas permis de corriger à temps les insuffisances et les errements des politiques obnubilés par une gestion consensuelle du pouvoir, qui finalement, les avait transformés en rentiers de l’Etat. La suite est suffisamment connue de tous. Ce qui a pu être circonscrit au Sénégal grâce en partie à sa société civile a engendré le chaos chez nous.
Aujourd’hui, si le Mali est en train de renaître de ses cendres, le mérite revient avant tout à cette formidable solidarité de la communauté internationale qui s’est mobilisée au chevet de notre pays pour l’aider à recouvrer son intégrité territoriale.
Que le président, légitimement élu par plus de 70% des Maliens, pour sa capacité à relever le défi pour que plus jamais le Mali ne connaisse une telle situation, décide de s’attaquer résolument à un des maux qui sont à l’origine de l’effondrement de notre pays à savoir la corruption, quoi de plus normal et de plus noble! Mais que des individus, à visage découvert ou sous des pseudonymes, en l’absence d’une véritable société civile capable d’accompagner le président dans sa croisade, profitent de cette situation pour régler des comptes personnels, voilà qui est scandaleux, ignoble et révoltant.
En effet, à quoi assistons-nous actuellement si ce n’est à une véritable levée de bouclier des cadres de certains départements ou services pour dénoncer des détournements par ci et des malversations par là auxquels eux-mêmes ne seraient pas étrangers soit pour l’avoir cautionné ou inventé. C’est selon notre volonté de monter au créneau pour dénoncer de pareilles turpitudes découle de notre aversion profonde pour la lâcheté et la méchanceté qui sous tendent l’action de ces nouveaux chevaliers de la transparence et de la moralité dans la gestion des biens publics!
Où se trouvaient ces intrépides défenseurs ou soit-disant gardiens du temple pendant que le Mali sombrait lentement et silencieusement dans cet océan de la corruption qu’était devenue notre société ces vingt dernières années ? Où se trouvaient ces champions au moment où le seul appel qui aurait dû être entendu de tous les Maliens était celui de la mobilisation pour le nord en proie aux affres de l’occupation par la rébellion et les jihadistes narco trafiquants.
Ils étaient tout simplement occupés à gérer leurs petites affaires pour ne pas dire leurs combines. Non! Je ne vous en veux pas d’avoir dénoncé des faits que vous qualifiez de détournement ou vol ! Ce que je ne peux accepter c’est de vouloir détourner cette lutte implacable qu’IBK s’apprête à engager contre la corruption à des fins personnelles. Ce faisant, vous ne servez ni le pays ni le président. A cause de vous, la volonté présidentielle risque d’apparaître comme une chasse aux sorcières et vous lui enlevez du coup toute légitimité. Au pire, vous l’entravez et vous pourriez même la rendre inefficace! En effet, si les faits que vous dénoncez étaient avérés, toute sanction des autorités apparaîtrait comme les conséquences de dénonciations et de délation des militants de la vingt cinquième heure, qui voudraient nous ramener à une gestion des seuls partisans, dont la seule qualité est la possession de la carte du parti.
Mais passons. Que dire de la méthode employée ? Le Mali ne dispose-t-il pas de service technique financier chargé de contrôler la gestion des responsables ? Pourquoi alors cette médiatisation à outrance de leur « combat » si ce n’est une tentative d’embarquer les autorités de notre pays ?
Ailleurs, l’encouragement des citoyens à la dénonciation et la délation a abouti au génocide. Dieu merci, nous n’en sommes pas encore là. Mais si l’on ne prend pas garde, nous allons créer le chaos dans nos services publics. Aucun responsable n’osera plus relever un collaborateur de peur de la calomnie ou même de l’agression physique pouvant aller jusqu’à l’attentat à la vie du nouveau nommé ou du chef de service responsable de la relève. Les premiers actes posés dans ce sens sont restés impunis.
Au Mali, aujourd’hui tout est urgent ! De grâce au moment où nous allons vers une réconciliation des esprits et des cœurs pour résoudre le problème du nord, nous devons savoir raison garder. Il s’agit aujourd’hui de cadres mesquins voulant tirer profit de la situation, demain il pourrait être question de dénonciation pour des faits plus graves entravant la réconciliation nationale
Ma plus grande déception ne vient pas du comportement de ces cadres véreux convaincus que leur heure avait enfin sonné, mais du manque de réaction des cadres de ce pays qui semblent ignorer cet adage qui dit que « lorsque vous voyez un charognard sur un cadavre humain ; ne dites pas quitte ce cadavre mais quitte mon cadavre »
Bakama BANDIOUGOU, Bamako
SOURCE: L’Indépendant