Promulgué en 2015, la loi n° 2015-052/du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, a été bien accueillie par les femmes politiques et les organisations non gouvernementales en faveur de la promotion des femmes au Mali. Grâce à ladite loi, le nombre de femmes élues conseillères municipales et parlementaires a triplé. Désormais, de Kayes à Kidal, les femmes ne soient plus des instruments électoraux pour les hommes politiques.
Appelée la loi ‘’Oumou BA’’ (NRDL la Ministre qui s’est battue pour l’arracher aux plus hautes autorités de l’époque), la loi n° 2015-052 a montré son impact positif lors des élections communales de 2016 et les législatives de 2020. La preuve, la législation a permis à plus de 200 femmes d’être élues conseillères, pendant sa toute première application, à travers l’élection communale de 2016.
Pour cette 6ème législature, 41 femmes ont été également élues. Ce qui équivaut à 29,44 % des élus de l’Assemblée nationale, légèrement inférieur aux 30%, recherchés par la loi n° 2015-052/ du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. C’est un net progrès, par rapport à l’élection législative de 2013 où elles ne représentaient que 14 femmes, selon le Centre national de documentation et d’information sur la femme et l’enfant (CNDIFE).
Mme KONE Kadidia TOURE du RPM a salué l’avènement de cette loi qui est, souligne-t-elle, une vraie chance pour les femmes politiques du Mali.
« Les élections législatives du 29 mars 2020 ont vraiment été spécifiques pour nous (femmes) avec l’application effective de la loi 052 et la loi N° 2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Les femmes ont fait un boom spectaculaire parce qu’elles se sont retrouvées avec au moins une quarantaine de femmes députés à l’Assemblée nationale. Donc, la mesure est plus que bénéfique », s’est-elle réjouie.
Un accouchement difficile
Comme un bébé tant adulé, l’acquisition de cette loi a été une lutte acharnée de longue durée entre le Ministre et ses partenaires et le président de la république de l’époque, Ibrahim Boubacar KEITA, qui craignait la colère des leaders traditionnels et surtout religieux. Mais, le Ministre SANGARE Oumou BAH, titulaire du département de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, a su frapper à de bonnes portes pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de cette loi, qui, selon elle, ne porte en aucunement atteinte à nos us et coutume.
« Les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le développement de notre pays. Elles sont au début et doivent être à la fin dans tous les processus de développement. Toutefois, nous avons constaté qu’elles sont utilisées pour déclencher un processus de développement et après elles sont mises de côté, car absentes dans les instances de prise de décisions. C’est pour cette raison que nous avons jugé nécessaire de l’élaboration de cette loi, qui est une aubaine pour toutes les femmes, puisqu’il s’agit des instances électives et nominatives », s’est défendue Mme SANGARE Oumou BAH. Elle a remercié tous les acteurs qui ont participé à l’avènement de la Loi n°2015-052/du 18 Décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives.
Du côté de ceux-là qui étaient craints des partenaires techniques et financiers, et par les décideurs au plus haut sommet de la république, notamment les religieux, la loi a été d’abord repoussée, négligée avant d’être approuvée.
Nous avons rencontré Seydou Ba, un maitre coranique et membre de de la section Haut conseil islamique de Kalaban-Coro. Il nous a indiqué que cette loi n’était en aucun cas un affront à la religion musulmane.
«En faisant une analyse objective du projet, et après avoir concerté mes collaborateurs, j’ai trouvé que cette loi ne contredisait en rien les règles de l’islam. Nous sommes dans une république laïque et nous ne pouvons pas bloquer une loi à cause d’une minorité qui pense qu’elle entrave religion. L’avis des personnes d’autres confessions compte aussi. Et puis, entre nous, en quoi octroyer 30% de quotas aux femmes dans les instances de prise de prise de décision est contraire à la religion musulmane ? Les gens ont inscrit leurs filles à l’école, ils les ont entretenues et suivies jusqu’à ce qu’elles aient des diplômes. Vous étiez là, vous n’avez pas riposté, parce que de vous à moi, il n’y a rien à dire», nous a-t-il confié. Il a ainsi félicité Mme SANGARE Oumou BAH pour son courage en faveur de cette initiative.
Une loi bien accueillie au sein des partis politiques
Au sein des états-majors politiques, la présente loi n’a rencontré aucune opposition, du moins de façon ouverte. Elle a au contraire été bien accueillie par les responsables.
Le parti Convergence pour le développement du Mali (CODEM) est une des formations politiques qui a pris cette loi comme un joyau. Le président dudit parti, Husseini Amion GUINDO, a indiqué que le nombre des femmes élues de son parti a triplé, au niveau des collectivités. Mieux, selon lui, le parti a pu enregistrer deux élues de la nation.
Il a, en effet, rassuré que bon usage est en train d’être fait de cette loi, car au sein de la CODEM, grâce aux campagnes de sensibilisation, ladite loi a été un succès pour les femmes du parti lors des dernières élections municipales et législatives.
« Elles ont été informées et formées sur les enjeux et les avantages de cette loi. Je félicite ici les femmes cadres du parti qui ont veillé aussi au respect de cette loi. Il faut reconnaître que sans les femmes, il n’y a pas d’élection. Nous les avons toujours mis au début et à la fin du processus électoral. Cette loi vient renforcer ces acquis au sien de la CODEM», a-t-il martelé. À M. GUINDO de rassurer que le parti fera toujours de la sensibilisation son cheval de bataille, dans les coins les plus reculés du Mali, en faisant comprendre qu’être femme n’est nullement un handicap pour devenir maire ou député.
Quant à Oumou DIAKITE, une militante de l’URD (Union pour la République et la démocratie) à Kita, elle affirme que cette loi a encouragé d’autres femmes, comme elle, à s’intéresser à la politique.
« Ce qui est intéressant avec les femmes, c’est que quand elles sont dans les partis, leur engagement ne fait pas défaut, mais elles sont souvent bloquées par des problèmes de supports de campagne, donc des problèmes financiers. Or, il faut quand même un minimum de capacité financière et l’accompagnement des organes exécutifs au niveau des partis politiques. Quand le parti est convaincu qu’une femme au niveau de la commune peut apporter un plus, moi je pense que la direction nationale doit tout mettre en œuvre pour l’aider », a-t-elle conseillé. Elle a, par ailleurs, encouragé les femmes à se mobiliser pour qu’elles puissent participer massivement à ces élections communales parce que l’opportunité est là et ‘’la balle est dans le camp des partis politiques et des organisations de femmes’’, a-t-elle dit. Aux femmes, Oumou DIAKITE a fait un appel à soutenir la liste des partis politiques qui respectent cette loi, lors des prochaines élections.
« Laissez les thés, les marmites et les pagnes des hommes, aidons-nous nous-mêmes à être élues. Ne votez surtout pas pour des hommes, votez pour les femmes. Comme cela, on sera plus nombreux qu’eux à l’Assemblée nationale », a-t-elle dit.
Malgré tout, des améliorations à faire
Si à Bamako, les élues profitent bien de l’application de cette loi, ce n’est pas toujours le cas dans les coins les plus reculés du Mali. A Falo, une commune rurale située à une soixantaine de kilomètres du cercle de Bla, Mme Fatoumata BOUARE, conseillère municipale, comme ses huit autres collègues, n’est pas membre du bureau communal. Mais grâce à la loi 052, la Mairie de Falo compte neuf conseillères municipale, contre une seule avant les élections de 2016.
C’est dans son petit jardin maraicher que nous avons rencontré Mme Fatoumata BOUARE s’est dit moins satisfaites de cette loi.
«Nous sommes parmi les conseillers de la mairie, parce qu’ils savaient que la liste n’allait pas passer sans nous les femmes. Tout comme mes camarades de la mairie, nous ne sommes à aucune instance de prise de décision de la mairie », a-t-elle regretté.
Malgré cette loi qui est claire, des efforts sont à faire pour améliorer la situation des femmes dans les postes nominatifs et électifs. Le cas de l’actuel gouvernement de la transition en est une parfaite illustration. Et pour cause, sur 25 Ministres et 3 Ministres délégués, les femmes n’occupent que six (6) portefeuilles ministériels, soit un taux de 21% dans le Gouvernement du PM Choguel Kokala Maïga. A cet effet, la réaction des femmes leaders ne s’est fait attendre.
Selon la présidente des femmes du RPM, Mme DIAWARA Aissata Lady TOURE, pour l’application stricte de la Loi 052/du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, le Dr Choguel a berné la gent féminine.
« Il a toujours promis dans ces messages politiques que le droit des femmes sera respecté si toutefois, il était aux commandes et c’est toujours 20%. Nous les femmes, nous allons désormais appliquer les méthodes fortes pour que cette loi que les autorités nous ont donnée soit appliquée », a-t-elle menacé.
PAR MARIAM CHRISTELLE KONE
Source : Info-Matin