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L’oeil de Le Matin : Le sanctuaire de la liberté d’expression et d’association profané

Sacrilège ! Ils ont osé profaner le sanctuaire de la liberté de presse, d’expression et d’association ! Hélas ! Même la Maison de la presse n’a pas échappé à leur haine. Comme l’a si bien mentionné notre ami et jeune leader politique, «la Maison de la presse est un sanctuaire. On y façonne l’opinion nationale, on y prend le pouls de la nation. Elle doit rester inviolable…» !

Malheureusement, ses locaux ont été saccagés dans l’après-midi du lundi 20 février 2023 par de présumés opposants à la tenue du meeting de la plateforme «Appel du 20 février pour Sauver le Mali». Nous allons être longtemps hantés par l’image de badauds manipulés pourchassant des personnalités présentes (de l’âge de leurs pères voir de leurs grands-pères) avec une grossièreté sidérante.

Depuis le putsch du 18 août 2020, la classe politique issue du Mouvement démocratique est indexée comme le principal responsable de l’effritement des valeurs démocratiques et de la déliquescence de la gouvernance du pays. Et nous étions nombreux à nous exprimer en faveur d’un rajeunissement des acteurs politiques.

Mais, qu’espérer d’une jeunesse qui n’a pas encore compris qu’on peut avoir des convictions différentes et être amis ou parents ? Comment peut-on espérer de jeunes qui se laissent encore manipuler par des gens dont le seul désir est de toujours voir le pays déstabilisé afin de tirer leur épingle du jeu ?

Comment miser sur des jeunes convaincus d’imposer leurs désirs en couvrant leurs adversaires d’injures au lieu de chercher à les confondre par la clarté et la pertinence de leurs idées. Comme a réagi un internaute outré et dépité, «un être humain qui peut convaincre avec ses injures et non par ses idées est comme une bête sans cervelle». Comment ne pas être dépassé par le degré de suivisme des jeunes en regardant les images qui ont fait le buzz sur les réseaux sociaux ?

Même audacieux et assez optimisme, comment miser sur des jeunes qui n’ont visiblement pas pris conscience que la situation délicate dans laquelle se trouve notre pays depuis au moins deux décennies doit nous exhorter à faire fi de nos ambitions personnelles et surtout à ne plus suivre aveugleument ces hommes et ces femmes dont le seul désir est de toujours nous opposer pour en tirer les dividendes ?

Symbole de Liberté, la Maison de la presse s’est toujours illustrée comme un lieu «d’expression plurielle» au service de l’ensemble des forces vives de notre démocratie. Nous avions jusque-là naïvement cru que la liberté de presse et d’expression était un acquis inéluctable de notre processus démocratique. Mais, les actes posés le 20 février dernier nous ont ramenés à la réalité pour comprendre qu’il n’y a pas d’acquis inaliénables.

Il faut rappeler que ce spectacle de désolation s’est produit le même jour où l’expert indépendant des Nations unies (Alioune Tine) publiait à Genève (Suisse) une déclaration tirée de son dernier rapport de mission dans notre pays. Un document qui exprime aussi sa préoccupation par rapport aux atteintes à cette liberté d’expression et d’association.

Selon M. Tine, les défenseurs des droits humains, les journalistes et les autres professionnels des médias ont évoqué des sujets tabous qu’ils n’osent plus aborder par peur des représailles des autorités maliennes de transition et de leurs partisans, notamment sur les réseaux sociaux.

Et pour lui, ce «climat lourd et malsain» est entretenu par un groupe d’individus et d’organisations non étatiques qui «menacent et jettent le discrédit sur la société civile et les institutions internationales et relèguent au second plan les progrès réalisés par le Mali». La réalité est effectivement préoccupante. «Actuellement, dans ce pays, quand tu dis la vérité, soit ils te font taire, soit on t’envoie en prison ou ils font ce qu’ils veulent de toi», déplorait un politicien sur le plateau d’une télévision. Et l’autocensure est devenue le meilleur exercice pratique pour de nombreux confrères et consoeurs.

Faut-il avoir autant peur de défendre ses convictions et les renier ? Que nous arriverait-il alors si nous ne sommes même plus capables d’assumer nos opinions et d’exprimer nos convictions ? Et, malheureusement, c’est à cela que nous assistons ces derniers mois. Tout le monde à peur d’exprimer un avis contraire à ce qui se dit plus haut. Et pourtant, il se dit partout que l’inclusivité doit être au cœur de toutes les réformes devant aboutir à la refondation de l’Etat, de sa gouvernance. Peut-on parler d’inclusivité dans un cercle où tout le monde à peur de dire le fond de sa pensée par crainte des représailles ?

Il est temps de nous reprendre, de vaincre notre peur et d’exprimer nos convictions par rapport au processus enclenché, par rapport à la gestion de cette transition. Redevenons des hommes pour qui la prison ou la tombe peuvent aussi l’aboutissement d’une lutte noble et héroïque ! Assumons donc nos opinions et nos convictions quel que soit le prix à payer. Critiquer ne signifie pas non plus saboter. Tout comme exprimer un avis contraire ne fait pas d’un citoyen un ennemi de la République.

Nous devons donc rester des remparts contre tout ennemi qui peut empêcher cette transition de réussir, de mener les réformes indispensables à la refondation de l’Etat. Mais, nous devons aussi dénoncer toute tentative visant à brimer, à humilier… ceux qui expriment clairement et sincèrement des idées opposées à celles des dirigeants actuels. Exprimer sa désapprobation, son opposition à une réforme ne peut aucune signifier que l’on a pas l’amour de la patrie et qu’on est dépourvu de conviction citoyenne voire patriotique.

La démocratie est aujourd’hui un choix souverain du peuple malien. Et le respect de ses principes doit s’imposer à tous, aussi bien au peuple qu​’​aux décideurs. Et chaque fois que ce n’est pas le cas, n’ayons pas peur de le dénoncer. Ce serait trahir la mémoire de nos Martyrs que, après leur ultime sacrifice pour l’avènement de la démocratie, que nous courbions aujourd’hui l’échine devant des opportunistes et des propagandistes en les laissant prendre ce pays en otage.

C’est pourquoi le crime commis le 20 février dernier ne doit pas rester impuni. Et cela d’autant plus qu’il porte atteinte à un principe démocratique au moment où les Maliens font preuve de résilience face aux épreuves imposées par la refondation de l’Etat. Il ne doit pas rester impuni car c’est une alerte à prendre au sérieux à la veille des campagnes électorales dont l’issue doit beaucoup peser sur l’avenir de notre pays. Minimiser ces actes de vandalisme politique, c’est encourager la violence qui peut émailler les futures campagnes à cause de l’intolérance.

Cette transition est censée rassembler les Maliens autour des convictions fortes et des chantiers nobles comme la restauration de notre souveraineté… Mais, que ceux qui veulent en faire une opportunité de restauration des principes anti-démocratiques sachent que nous ne fléchirons pas  dans notre détermination à défendre les maigres acquis de notre démocratie.

Aujourd’hui, comme hier, nous défendons la République. Et parce que, contrairement à ces jeunes marionnettes, nous sommes conscients aucun homme, aucune femme, ne mérite qu’on sacrifice notre pays pour ses intérêts, ses ambitions égoïstes ! Et cette sagesse attribuée à Voltaire (écrivain, philosophe, dramaturge, poète et encyclopédiste) demeure notre leitmotiv : «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire» !

Nous nous battrons donc sans concession et sans peur pour le respect  des  principes démocratiques et des valeurs républicaines.

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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