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L’œil De Le Matin : Démocratie ou «démon-cratie» ?

Démocratie ! Il en est beaucoup question ces dernières semaines au Mali.

Le multipartisme en étant l’un des symboles, l’abrogation de la charte, la suspension des activités politiques suivie (le 13 mai 2025) de la dissolution des partis et organisations à caractère politique (dans le cadre de la relecture de la Charte des partis) fait naturellement couler beaucoup d’encre et de salive. Si pour le pouvoir en place, cela est une nécessité recommandée par les Assises nationales de la transition (ANR) pour assainir la classe politique malienne, les politiciens crient à l’atteinte à la démocratie, à la violation d’un droit constitutionnel.

D’où nous vient la démocratie ? En 507 av. J.-C, Clisthène (réformateur et homme politique athénien) décrète que tous les citoyens disposent des mêmes droits et des mêmes devoirs. Les citoyens pourront voter pour choisir ceux qui dirigent la cité. C’est ainsi que naît l’idée de la démocratie dans la cité d’Athènes. Le terme «démocratie» vient d’ailleurs du grec ancien «dêmos» (peuple) et «kratos» qui réfère au pouvoir : la démocratie est donc, littéralement, le «pouvoir du peuple». À l’origine, le terme «démocratie» désigne un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le vote. «La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple», a défini Abraham Lincoln (élu à deux reprises et mort assassiné le 15 avril 1865 à Washington, D.C, il est le 16ᵉ président des États-Unis).

Quant à Aristote, il rappelle, d’une manière encore plus catégorique, que «le principe fondamental du régime démocratique est la liberté… C’est là le but de toute démocratie. L’une des marques de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant». Une démocratie repose sur plusieurs principes fondamentaux qui assurent l’organisation équitable et juste de la société. Le premier critère essentiel est la souveraineté du peuple, soit le fait que le pouvoir appartient aux citoyens qui peuvent l’exercer directement ou par l’intermédiaire de représentants élus.

Les premières expériences d’un régime politique démocratique ont lieu pendant l’Antiquité, dans la cité grecque d’Athènes. La démocratie suppose l’existence d’une pluralité d’options et de propositions, généralement incarnées dans des partis et des leaders ayant la liberté de s’opposer et de critiquer le gouvernement ou les autres acteurs du système politique. Une démocratie existe donc, selon Raymond Aron, quand on y trouve «une organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l’exercice du pouvoir». La démocratie exige aussi que les grandes libertés (liberté d’association, liberté d’expression et liberté de presse) soient reconnues. Juridiquement, une démocratie s’inscrit dans un État de droit. Culturellement, elle nécessite une acceptation de la diversité.

On oppose la démocratie à l’autocratie se manifestant par la tyrannie, l’aristocratie, la monarchie, la dictature comme celle que les «Cinq Généraux» sont en train d’instaurer au Mali au nom de la volonté de parachever les réformes d’une refondation pérenne. Mais, aussi curieux que cela puisse paraître, la démocratie est aussi discriminatoire. En effet, si elle désigne un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le vote, certaines sources rappellent que le terme «citoyen» excluait notamment les femmes, les esclaves, les enfants et les étrangers.

Il convient de signaler que le terme grec «dêmos» ne correspond pas non plus à la simple somme des individus citoyens. Les Anciens distinguaient le «laos» du «dêmos». Le premier terme est associé à une foule ou à une masse sans organisation, sans conscience manifeste. Dans le second cas, il s’agit d’un ensemble organisé de citoyens. D’ailleurs, le terme démocratie a été rarement utilisé avant le XVIIIe siècle. Il faut attendre les «Révolutions libérales» américaines et françaises pour que se généralise l’usage actuel du terme.

Dans la pratique, l’avènement de la démocratie au Mali date du 26 mars 1991 avec le coup d’État militaire contre le Général Moussa Traoré (paix à son âme) parachevant une insurrection populaire contre 23 ans de règne, de dictature. Le pays sera par la suite cité comme un «modèle de démocratie» en Afrique jusqu’au putsch du 22 mars 2012 qui a renversé feu le président Amadou Toumani Touré dit ATT à moins de trois mois de la fin de son second et dernier mandat. En effet, le Mali a été longtemps présenté comme une «démocratie originale» en Afrique de l’Ouest ; «une exception, un des seuls États où la transition démocratique issue des conférences nationales du début des années 1990 se consolide».

Et cela pour plusieurs raisons, dont son ancienneté (1992-2012) ; une alternance du pouvoir présidentiel ; une compétition politique ouverte aussi bien lors des élections présidentielles, législatives et communales ; un multipartisme (plus de 100 partis existants, même si seulement 4 ou 5 possédaient une assise nationale) ; l’absence constitutionnelle et réelle de partis ethniques ou religieux, contrairement à la plupart des autres États africains ; une presse écrite libre qui possède une grande diversité de titres ; une décentralisation «réussie» (703 communes, 10 000 conseillers municipaux…) revendiquée dès la décolonisation…

Mais, avec le coup d’État du 22 mars 2012, on s’est rendu compte que tout cela ne constituait qu’un beau paysage cachant la laideur de la forêt. Ces constats masquaient en réalité les limites de la démocratie malienne, notamment les faibles taux de participation (autour de 30 % des votants) et les taux élevés de fraudes avérées.

La démocratie a-t-elle réellement vécu au Mali ? Ceux qui, par ironie, parlent plutôt de «démon-cratie» exagèrent-ils ? Toujours est-il que ce système politique n’a pas comblé les attentes dans notre pays. Les régimes qui se sont succédé n’ont pas réussi à hisser la gouvernance au niveau du sacrifice consenti par les Martyrs de la démocratie. Elle a été le terreau fertile de tous les maux qu’elle était censée déraciner pour une gouvernance vertueuse du pays. Pis, nos «démon-crates», pardon nos démocrates, ont confisqué le pouvoir du peuple en achetant les voix des citoyens lors des consultations électorales afin de pouvoir régner en roue libre, sans aucun devoir de redevabilité à l’égard des Maliens !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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