Les Maliens, singulièrement les Bamakois font, depuis quelques jours, la découverte de l’étendue de l’insécurité.
Peuple plutôt indolent, habitué à prendre la vie du bon côté, à rire de tout, aux grands éclats, nous avons été brutalement éveillés, au sortir de la première décennie, aux dures réalités d’un 21è siècle qui promet d’être d’une grande sauvagerie.
Les djihado-terroristes, en s’installant chez nous pour des raisons évidentes liées aux faiblesses criardes de notre gouvernance étatique, et confortés par le quasi dénuement des forces armées maliennes, ont exercé une domination traumatisante sur le pays, au point de réduire notre perception de l’insécurité à leur seule présence et à leurs entreprises meurtrières.
Comme hypnotisés par le spectacle macabre des centaines de victimes militaires et civiles, exécutées des manières les plus horribles, nous n’avons pas vu se développer et s’enraciner les effets pervers du nouveau contexte national.
L’accoutumance à la mort, la prolifération et le commerce des armes d’assaut et des armes légères, s’installant insidieusement dans notre subconscient, devenaient peu à peu le substrat de nos mœurs sociales.
Bamako mais aussi les autres régions du Mali abritent de véritables gangs, armés jusqu’aux dents, qui rançonnent et agressent des citoyens censés posséder des liquidités plus ou moins importantes, selon des renseignements préalablement recueillis sur leur compte.
A l’intérieur comme dans la capitale, des étrangers, attirés par les insuffisances sécuritaires de notre pays, initient, encadrent nos compatriotes (gagnés par le désespoir ou simplement adeptes d’une certaine vie de bohème) dans des activités relevant du pur brigandage.
Criminogènes, nos grandes villes deviennent de plus en plus accidentogènes. Le phénomène est largement imputable à la désinvolture des usagers de la route. Le circuit urbain est aujourd’hui le théâtre de véritables Rodéo parades, terrains d’essais de figures acrobatiques des Jakarta Riders, qui essaiment notre environnement quotidien.
Le peu de souci qu’ils ont de leur propre sécurité et de celle des autres est partagé par les conducteurs de tricycle, impulsés eux-mêmes par de fortes envies de s’assimiler à des automobilistes qui, à force d’être accrochés par les deux premiers nommés (auteurs de marques aussi profondes que dégradantes sur les carrosseries), sont devenus les élèves sages de la classe.
Les chauffeurs de gros porteurs n’ont pas cette sagesse, eux qui, en quelques jours, par leur négligence, ont entrainé, avec eux-mêmes, de nombreux passagers et autres usagers dans une mort horrible.
Il en est ainsi de cette citerne de 14.000 litres d’essence dont la chute et l’explosion ont provoqué la mort d’une quinzaine de personnes, la plupart victimes collatérales, enfants insouciants, absorbés par leur partie de football, pères de famille préoccupés par l’entretien des leurs.
Deux jours plus tard, n’eussent été la vigilance et la promptitude d’un sapeur pompier providentiel, une autre citerne, cette fois, pleine de gasoil, aurait été à l’origine d’un autre drame, peut-être plus grave que le précédent.
Dans ces deux cas, sur la dizaine de la semaine, les mastodontes de transport de carburant circulaient à des moments d’affluence, démunis, selon toutes les apparences, d’extincteur.
L’insécurité routière est aujourd’hui indéniable. Par ses manifestations quotidiennes intempestives, par ses nombreuses victimes et par les graves fautes techniques des conducteurs, elle est devenue une donnée incontournable de tous les jours de notre vie de citadins.
Le hasard (qui est souvent d’essence divine) faisant bien les choses, quelques jours après ces deux évènements, l’Agence Nationale de la Sécurité Routière (ANASER), lors des travaux de la 18è session de son Conseil d’administration, sans les évoquer, soulignait la nécessité d’asseoir une véritable sécurité routière.
Le Général de Division Souleymane Yacouba Sidibé, PCA de l’ANASER a eu, à cette occasion, les mots pour la situation : » les accidents de la route ne sont pas une fatalité. Ils peuvent être évités, plusieurs pays sont parvenus à faire baisser nettement le nombre de morts sur les routes. On peut encore faire mieux. C’est à cette tâche que nous devrons nous atteler tous les jours, car la vie humaine n’a pas de prix. »
En écho aux propos de son PCA, le Directeur général de l’ANASER, le Lieutenant-Colonel Mamadou Sidiky Konaté a indiqué que » face au phénomène évolutif qu’est la sécurité routière, l’Agence est engagée sur le terrain pour faire face à ce défi. Et c’est avec l’implication de tous que l’on peut faire face à l’insécurité routière. Nous allons multiplier les actions sur le terrain pour appréhender cette question.« .
Lesdites actions sur le terrain, retenues au titre de 2019 et rappelées par le PCA, dans son allocution introductive des travaux, s’articulent autour des campagnes d’information et de sensibilisation sur le port du casque de protection, l’alcoolisme ou les stupéfiants au volant, l’excès de vitesse, le renforcement de la sécurité des moyens intermédiaires de transport, la réalisation des campagnes de proximité et la multiplication des contrôles routiers inopinés.
Face à la réalité, force est, une fois de plus, de relever que la clarté de conception et d’explication des projets et activités de nos structures étatiques n’a pas la traduction idoine sur le terrain.
A cet égard, il est loisible de relever que les débuts d’exécution des activités de sécurisation routière, évoqués par le PCA et le DG de l’ANASER, ne sont pas constatables sur le terrain. Peu de citoyens ou de simples usagers de la route prendraient le risque de témoigner de la réalité des campagnes d’information et de sensibilisation annoncées.
En tout cas, l’on est en droit de douter de leur efficacité, si l’on se réfère aux récents spectaculaires accidents survenus à Bamako, à Kati et à Ségou, entre autres.
Au-delà des mots, les autorités de l’ANASER devraient prendre la juste mesure du problème, mettre en place tous les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique idoine de sécurité routière.
Mais, une autre difficulté, majeure celle-là, devra requérir toute leur attention et, surtout, leur engagement : la véritable collaboration de la police routière.
Si l’on se réfère à l’impassibilité généralement affichée par les policiers face au fléau (c’est le cas de l’écrire), la lutte pourrait s’avérer plus coriace à mener…
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Source: l’Indépendant