Décidemment, l’insécurité revêt différentes formes au Mali et n’épargne pas le président de la République en personne. Mais il ne s’agit là que de la résultante de l’impunité. Puisque «Ya foyi», alors … !
La signature apposée sur le Décret présidentiel N°2014 – 0003 P-RM du 06 Janvier 2014 portant avancement de grade dans le corps des Commissaires de police n’est pas censée être celle du président de la République. C’est, en tout cas, ce que révèlent les preuves.
Il nous revient que le Président de la République a récemment crié à la manigance au motif que sa signature a été imitée d’abord par un proche au niveau de la présidence et aujourd’hui, par un haut cadre de l’administration d’Etat ou peut-être, du Gouvernement. C’est selon !
Il s’agit, en clair, de la signature apposée sur le Décret N°2014 0003 P-RM du 06 Janvier 2014 portant avancement de grade dans le corps des Commissaires de police. Il s’agit bien d’un décret présidentiel dans la mesure où c’est le président de la République qui décrète l’avancement des officiers pendant que c’est le ministre de tutelle qui, par Arrêté, est chargé de celui des sous-officiers.
Le décret portant la signature douteuse avait initialement pour but de donner une autre destination à la prime instaurée par l’ex-putschiste et dénommée «prime Amadou Haya Sanogo» qui accordait un bonus de 15% à tous les policiers, officiers et sous-officiers.
A son arrivée au ministère de la sécurité intérieure, le Général Sada Samaké, arguant que la décision portant sur les 15 % n’avait aucun cadre réglementaire, tenta de le supprimer. Mais n’y avait-il vraiment pas de cadre réglementaire ? Et pourtant, si.
La preuve : le Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget Tièna Coulibaly avait adressé une correspondance N° 03081 /MEFB-SG en date du 09 Septembre 2012 au Ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, le Général Tièfing Konaté au moment des faits, dans laquelle est notifiée l’application d’une augmentation de 15 % sur les salaires des fonctionnaires de la Police et de la Protection civile. Retenez-bien: la correspondance date du 09 Septembre 2012 pendant que la nomination de Sada Samaké est intervenue en Septembre 2013 à la faveur de la mise en place du premier gouvernement d’IBK. C’est dire que le cadre réglementaire existe bel et bien, en tout cas au regard de la correspondance du ministre Tièna Coulibaly lequel, dans le même document adressé au Ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, et répondant à la demande de celui-ci d’élargir la prime à tous les éléments, écrivait ceci : «s’agissant du cas du ministère de la Défense et des anciens combattants (…), j’attire votre attention sur le fait que mon département n’a fait l’objet d’aucune saisine officielle… Aussi, je voudrais rappeler que l’augmentation de salaire s’opère suivant un acte réglementaire, en l’occurrence, un décret pris en Conseil des Ministres».
Comme pour dire qu’un Conseil des Ministres, seul habilité, a bien statué sur le cas des fonctionnaires de police.
Et à l’issue de leur lutte syndicale, les commissaires de police étaient parvenus à obtenir l’indexation des 15% sur leurs salaires pendant que les sous-officiers les percevaient comme primes.
C’est justement l’avancement de certains officiers qui permit de découvrir le pot-aux-roses à travers la grille salariale. En somme, bien qu’ayant obtenu l’indexation des 15% sur les salaires, cette nouvelle donne n’impacte pourtant sur lesdits revenus. Il y avait donc un hic. Le décret en question comportait des zones d’ombre. Il fallait donc le passer à la loupe.
Il s’avérait impossible, pour ceux du ministère des finances d’omettre ladite augmentation dans la mesure où c’est ce ministre de tutelle au moment des faits, qui, à travers deux correspondances respectivement adressées à son homologue de la sécurité intérieure (N° 03081/MEFB-SG du 09 septembre 2012) et au Directeur Général du Budget (N° 456/MEFB-SG du 02 septembre 2012), invitait ceux-ci à prendre les dispositions idoines à propos de l’augmentation des 15%. Mieux, la Direction Générale du Trésor confirma à son tour que les 15% étaient bel et bien indexés aux salaires et régulièrement versés aux bénéficiaires.
Mais pourquoi diantre ceci n’apparaissait pas sur la grille salariale à travers le décret présidentiel N°2014 0003 P-RM du 06 Janvier 2014 portant avancement de grade dans le corps des Commissaires de police ?
Alors, soit, le document du président de la République portait lacunes (ce qui nécessitait son annulation ; cette option n’a jamais été mise en œuvre) ou il s’agissait tout simplement d’un faux. Et les preuves de cette dernière allégation sont visibles.
Le fameux décret a été adopté et censé signé par le président de la République à l’issue d’un conseil des Ministres, à la date du 06 janvier 2014. Eh bien, consultez votre calendrier. Ce jour lundi 06 janvier 2014, il n’eût pas un conseil des ministres extraordinaire. Il en a eu plutôt, un ordinaire à la date du mercredi 08 janvier 2014 et présidé par IBK. Faut-il rappeler que c’est à l’issue d’un Conseil des Ministres qu’est pris décret présidentiel ?
Aussi, ne figure pas sur le document (le fameux décret) le nom de l’opérateur de saisie, une signature désormais obligatoire dans les documents officiels.
Pis, la signature apposée au document est tout simplement une vulgaire imitation (voir fac-similé).
Mais qui a donc osé ? On le sait : il ne saurait avoir deux maraudeurs à Markala. Tout le monde sait que c’est Binadjan. Mais l’impunité étant, «y a foyi» il n’y aura «foyi» !
En tout cas, si n’importe qui peut usurper des titres, compétences et prérogatives d’un président de la République, c’est que ce pays est vraiment en insécurité.
Sadio Dembélé
Source: La Sentinelle