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Ligne de force : Pouvoirs accrus pour le nord, charges alourdies pour le sud

Le projet d’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, élaboré par la médiation internationale sous la conduite de l’Algérie, est critiquable à bien des égards.

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Il dépouille l’Etat malien de la substance de son pouvoir régalien sur la partie nord de son territoire. Celle-ci va disposer, en effet, de ses propres institutions élues au suffrage universel direct, de sa propre administration, de sa  » police territoriale« , de ses  » unités spéciales  » (armée). Deux ou les trois régions concernées peuvent décider de se fondre en une seule sans que Bamako y trouve à dire (et voilà l’Azawad créée !). Chaque entité peut signer des accords de coopération à l’étranger sans s’en formaliser auprès de la capitale qui, de fait, n’en est plus une.

Ajoutons-y que les cadis – juges religieux – vont remplacer les tribunaux laïcs. Et que le Coran se substituera au code pénal.

En plus de cette dépossession annoncée au quadruple plan politique, administratif, de la souveraineté et de la justice, le Mali est sommé de s’accommoder d’une hémorragie financière aussi suicidaire qu’absurde. Il devra verser 30% de ses recettes fiscales aux trois régions du nord qui totalisent à peine 1 300 000 personnes et se contenter du reliquat des 70% pour les 13 millions d’habitants restants.

Au moment où l’on s’applique méthodiquement à l’affaiblir, on l’accable de toutes sortes de charges. Comme pour précipiter sa mise à mort. Il lui faut réviser la Constitution et la Loi électorale pour permettre l’élection, la mise en place et le fonctionnement des organes qui vont gérer le nord; créer un Sénat pour faire une large place aux notables du nord ; accroitre le nombre des élus du nord ; mettre en œuvre le DDRR (démobilisation, désarmement, réintégration, réinsertion) ; promouvoir la Réforme du Secteur de la Défense et de  la Sécurité (RSDS) mettre en place une police territoriale au nord et des unités spéciales chargées de lutter contre le terrorisme, composées principalement des ressortissants du nord et contrôlées par eux.

Les rédacteurs du projet de paix pressent surtout le Mali d’ériger son septentrion en  » une zone de développement spécial  » où il devra investir massivement dans tous les secteurs d’activités (élevage, artisanat, tourisme, sécurisation alimentaire, etc.) et créer des infrastructures (routes, aéroports, lycées et universités, hôpitaux, centrales solaires, entreprises pour les jeunes, etc.) pour impulser la croissance économique,  » réduire l’écart de développement existant (entre le nord et le sud) et améliorer significativement les conditions de vie des régions du nord historiquement défavorisées« . Une liste de mesures dites exceptionnelles à satisfaire lui est imposée, qui touchent à tous les compartiments de la vie économique, sociale et culturelle. Toute cette kyrielle d’actions, de projets et de programmes est à matérialiser dans un délai de deux ans au maximum.

Alors question: où ce malheureux pays sahélien, qui vit de subsides internationaux comme on le voit bien avec le FMI, ira-t-il prendre les milliards d’euros nécessaires pour y faire face? Pour relever le Mali de l’après-occupation narco-jihadiste et des ravages causés par le coup d’Etat militaire scélérat du 22 mars 2012, la communauté internationale, sous l’égide de la France, s’était engagée pour mobiliser 2 milliards d’euros dont la moitié, à ce jour, n’a pas été débloquée. Il en faudra sans doute dix fois plus voire davantage pour donner corps à  tous ces projets et actions attendus du Mali ou souscrits par lui, dos au mur et couteau sous la gorge, lors des discussions d’Alger.

L’ennui, c’est que l’argent des bailleurs se fait de plus en plus rare dans un monde en proie à une crise quasi-endémique. Et que le nord du Mali n’a pas fait la preuve qu’il recèle un potentiel pétrolier ou gazier exploitable à des conditions de rentabilité immédiate et peu onéreuse. Aussi, les protagonistes des pourparlers d’Alger (gouvernement, groupes armés et médiation internationale) gagneraient-ils à faire preuve de plus de sagesse et à se mettre d’accord sur le minimum réalisable. Heureusement qu’ils doivent se retrouver autour de la table en janvier 2015 à Alger.

Par Saouti Labass HAIDARA

 

 

SOURCE: L’Indépendant  du   1 déc 2014.
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