72 heures après la libération de Serge Lazarevic des mains d’AQMI, Bamako n’a toujours pas confirmé officiellement si cette libération a été obtenue en échange de celle de deux redoutables terroristes. L’un proche du MNLA (Mohamed Aly Ag Wadoussène dont la mère est une responsable de premier ordre du groupe séparatiste kidalois) l’autre, un élément actif du MUJAO (Haïba Ag Acherif). Les deux étant co-auteurs dans l’enlèvement de Lazarevic et de son compatriote Philippe Verdon, qui seront vendus par la suite à la branche maghrébine d’Alqaïda.
En revanche, du côté de l’hexagone, des personnalités politiques de tous bords et des grands médias ont abondamment évoqué la thèse de l’échange pour lui conférer quelque crédibilité.
A y regarder de près, elle parait assez vraisemblable. François Hollande est au plus bas dans les sondages en France. Au point que Nicolas Sarkozy, qu’il a sorti de l’Elysée en 2012, croit pouvoir prendre sa revanche sur lui en 2017. Et se prépare activement à cette fin.
Dans ce contexte, chaque action susceptible de relever un tant soit peu la cote du président français auprès de ses concitoyens compte énormément. Surtout quand il s’agit de sauver la vie d’un Français, sujet sensible s’il en est.
En son temps (2010) Sarkozy n’a pas hésité à se déplacer à Bamako pour prendre » possession » de Pierre Camatte libéré par le même AQMI en échange de quatre terroristes et le ramener triomphalement en France. Ce qui a valu à ATT d’être voué aux gémonies par nos voisins algérien et mauritanien, qui ne lèveront pas le petit doigt lorsque les jihadistes alliés aux rebelles entreprendront de conquérir le nord du Mali à partir de fin 2011.
Pour avoir sauvé le Mali des barbares obscurantistes qui menaçaient d’étendre leur funeste emprise sur l’ensemble de son territoire en janvier 2013, Hollande sait combien notre pays est débiteur vis-à-vis de lui. Qui plus est la sécurité du Mali et du Sahel occidental dépend actuellement de la France davantage que de toute autre force, notamment la MINUSMA.
S’y ajoute que de l’indépendance du Mali en 1960 à ce jour, Paris reste le principal pourvoyeur d’aide budgétaire au Mali. Sans compter sa très large implication dans l’aide au développement. Au regard de tous ces facteurs réunis, l’on peut comprendre qu’il soit difficile pour Bamako de refuser de tendre une main secourable au partenaire français dans le besoin.
D’après une confidence qui nous a été faite, c’est depuis août 2013 que le président François Hollande a approché son homologue malien, Ibrahim Boubacar Kéïta, pour lui demander de l’épauler dans la libération de Serge Lazarevic. IBK, assure-t-on, aurait fait de la résistance, conscient de l’immense tollé que ne manquerait pas de soulever la relaxe de terroristes ultra dangereux au sein de l’opinion malienne. Déjà, celle-ci avait très mal accueilli les vagues successives de libérations de prisonniers de guerre faits par l’armée malienne dans les rangs du MNLA, du HCUA et d’autres groupuscules séparatistes. Même si ces libérations avaient été faites, selon le gouvernement, en application de certaines dispositions de l’Accord préliminaire de paix de Ouagadougou du 18 juin 2013 et sur l’intermédiation de la MINUSMA.
Ces remises en liberté, accompagnées d’une suspension (voire un abandon) des mandats d’arrêts nationaux et/ou internationaux qui avaient été lancés contre des chefs rebelles par la justice malienne, ont été d’autant moins acceptées par nos compatriotes qu’elles apparaissaient comme des mesures sans contrepartie. Bien au contraire, les groupes armés auxquels elles étaient destinées continuaient à multiplier les actes belliqueux, de défis et de provocation à l’égard des autorités du Mali.
Mais les pressions françaises se sont faites si fortes, ces dernières semaines, que IBK a fini par céder. Non sans avoir toutefois obtenu de la partie française qu’une fois Lazarevic rendu à la liberté et aux siens, celle-ci s’engagerait de manière massive et déterminée pour en finir une fois pour toutes avec le terrorisme au Mali.
L’opération combinée menée par les forces Barkhane et les FAMA (forces armées maliennes) qui s’est soldée par la mort de Ahmed El Tilemsi, le fondateur du MUJAO, d’une dizaine d’autres terroristes et la capture d’un certain nombre de prisonniers en cours de transfert à Bamako, semble un bon début de matérialisation du deal convenu entre Hollande et IBK.
Si cette tendance se confirmait dans les jours et semaines à venir, l’échange des terroristes contre Serge Lazarevic aura été tout bénéfice pour le Mali.
Par Saouti Labass HAIDARA