On se dit que ces choses-là n’arrivent que dans des contrées lointaines, isolées de toute civilisation. On se dit qu’en 2017 il semble inconcevable qu’à une heure d’avion de l’Italie, deux heures trente de Bruxelles, une heure et des poussières de Tunis, on puisse faire commerce de chair humaine sans que les autorités du pays concerné ne réagissent avec vigueur juridique et férocité politique. On se dit que la Libye libérée de Kadhafi mérite mieux que ce bourbier cupide et sanglant. Malgré cela, la réalité est là, implacable. Le 14 novembre, une journaliste de CNN International délivrait un reportage-choc : de nuit, douze hommes sont vendus aux enchères. Prix par personne : 400/450 euros. Comme jadis, lors de la période du commerce esclavagiste, la « valeur » de l’esclave est fixée en fonction de sa forme physique, ses dents, son poids… Un terrible flash-back. Les flux de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe passent, majoritairement, par la Libye, terre de tous les possibles, de tous les commerces. Alimentation, médicaments, armes, drogues, femmes, enfants, hommes : tout y est disponible. Il suffit de disposer de devises ou de dinars libyens. Ce qui se dit dans les milieux autorisés depuis plusieurs années est désormais sur la place publique grâce au travail de CNN.
Tunisie : exactions contre les domestiques subsahariennes
À Tunis, à plusieurs reprises, Raoudha Laâbidi, la présidente d’honneur du syndicat des magistrats tunisiens, a alerté sur un phénomène qui prend de l’ampleur au sein de la démocratie tunisienne : « Ces jeunes filles étrangères recrutées en tant que domestiques dans des familles tunisiennes, qui subissent des exactions incroyables ! On leur confisque leurs papiers d’identité, leurs cheveux sont coupés à ras sous prétexte de transmission de maladies. » Une méthode qui est pratiquée dans de plusieurs pays du Golfe. Et Mme Laâbidi de pointer ce qui semble le comble du chic pour certains : « Dans les hypermarchés, on croise souvent des femmes tunisiennes suivies de deux femmes de ménage de couleur. Une attitude considérée comme prestigieuse par ces femmes qui bafouent le droit au respect de la dignité humaine due à chaque personne ! »
Algérie : la chasse aux Subsahariens
À Alger, on prend moins de gants. Le pays n’a pas un évident souci de plaire à l’opinion internationale. Début octobre, certaines wilayas (régions, le pays en compte 48) donnaient pour instructions aux bus et taxis collectifs de ne pas accepter les « migrants illégaux ». Traduction : les Noirs venus d’Afrique subsaharienne. La presse s’en étant emparée, les wilayas se rétractèrent. Mais le climat à l’égard des migrants est exécrable. Un racisme qui ne dit pas son nom.
Racisme des deux Nord : Europe et Afrique
Si l’Europe connaît une montée de l’extrême droite (Allemagne, Autriche, Hongrie, France…) avec les migrants comme carburant de la haine, la situation en Afrique du Nord est préoccupante et tabou. Ce sont des sujets dont on ne parle pas, c’est mauvais pour l’image. Cette courte vidéo siglée CNN a le mérite de mettre en son une réalité connue des États. Le Moyen Âge version 2017. In fine, selon des témoignages recueillis par l’OIM (Organisation internationale des migrations), des migrants préfèrent plonger dans les eaux méditerranéennes plutôt que d’être attrapés. Et de devoir retourner en Libye. L’enfer, certes. Mais une plaque tournante des mafias d’Afrique et de certains pays européens. La vie y a un prix : 400/450 euros.
Source: lepoint