La société malienne est telle que le vivre ensemble est l’une des valeurs fondamentales qui garantissent la cohésion sociale. Toutefois, la grande question que l’on peut se poser est de savoir si cette libération en cascade n’entrainera pas d’autres problèmes pour la société ?
En effet, Michelle Bachelet, le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a demandé le 25 mars dernier aux Gouvernements de prendre en compte la situation des personnes détenues dans leurs plans d’action de crise contre le Coronavirus. La demande en question fait allusion à la libération urgente des détenus les plus âgés, ceux malades ou les délinquants présentant un risque faible dans la société, les détenus en fin de peine, les femmes enceintes incarcérées et les personnes vulnérables à la maladie. L’appel a été apprécié à sa juste valeur par le gouvernement du Mali qui vient d’accorder une grâce à 1200 détenus. Une partie de la population nourrie des inquiétudes quant à la mise en liberté de ces personnes. Même si la décision permettra un léger soulagement du milieu carcéral au Mali qui est le plus souvent surpeuplé, elle reste différemment appréciée par la population.
Sur la question Maître Issa Fané s’exprime en ces termes : « je vois cette situation sous deux angles. Primo, du point de vue politique, le Président de la République dans un élan de réparation des dérives de son pouvoir, veut redorer son blason. Secundo, d’un point de vue juridique, il est dans ses prérogatives de libérer des prisonniers par grâce présidentielle ou par amnistie mais il y a un risque très élevé que le monde carcéral laisse des traces indélébiles de comportements divinatoires ». A-t-il indiqué.
Le nombre de détenus mis en liberté aura-t-il un impact sur la propagation de la pandémie auprès de la population carcérale ? C’est la grande question qui se pose quand on sait que la seule maison centrale de Bamako (MCA) dépasse les 2400 détenus, soit un surplus de 2000 personnes « Gracier une centaine à la MCA pour éviter des risques de contamination est un acte inutile » soutient Maître Fané.
Même si cette demande du haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU est d’ordre supranational, il est important de faire mention de l’état sécuritaire qui est critique.
Une société comme la nôtre qui est déjà fissurée par une crise sécuritaire de grande envergure ne fera que sombrer davantage avec de telles libérations. Il y a des choses plus urgentes comme la crise sécuritaire dans le Nord du pays, comme la grève illimitée des enseignants etc. Le Mali n’est pas le seul pays visé par la sollicitation de Mme Bachelet. L’initiative s’adresse aux gouvernements et aux autorités compétentes à travers le monde. Il faut rappeler aussi que plusieurs pays, en l’occurrence, le Sénégal, le Ghana, le Burkina, le Nigeria, ont pris la même mesure de désengorger leurs maisons d’arrêt à cause du covid-19.
Cependant, chaque pays à ses réalités sociopolitiques et économiques, surtout lorsque les enjeux politiques, économiques et sécuritaires sont énormes. Toujours selon Fané, les facteurs de propagation sont à outrance dans la société comme le transport interurbain, les marchés, les mosquées et autres. Donc, « ce n’est pas la libération de ces 1200 individus plutôt dangereux ou pas qui va ralentir cette pandémie. Dans la Constitution de notre pays, la souveraineté de l’Etat n’est nullement discutable. Malgré tout, le Président de la République pouvait bel et bien refuser cette requête pour des raisons sécuritaires ». A-t-il regretté.
Youssouf T. DJIRE (Stagiaire)
Source: Bamakonews