Le président Emmanuel Macron donne lundi sa feuille de route aux ambassadeurs français en plaçant l’Europe au coeur de son action diplomatique, à neuf mois d’élections européennes où il espère contrer une vague mondiale de repli nationaliste.
- Attaché au multilatéralisme, M. Macron rappellera ses objectifs pour l’Union européenne: un budget pour la zone euro, une Europe de la défense, une taxation européenne des géants du numérique ou encore une politique commune pour les migrants.
Accueilli comme un sauveur de l’UE l’an dernier, le président français a vu ses ambitions diluées dans l’inertie d’une union de pays aux intérêts souvent divergents.
Ses grands projets se heurtent aux gouvernements populistes et nationalistes, depuis l’Europe de l’est jusqu’à l’Italie, au refus des riches pays du nord de payer pour les autres, à la concurrence fiscale entre les 28 et à la crainte d’un afflux de migrants, sans oublier les difficiles négociations du Brexit. Même la chancelière Angela Merkel, l’alliée traditionnelle, a été affaiblie par ses déboires électoraux en Allemagne.
Pour chercher des alliés, M. Macron repart en mini-tournée européenne, en s’envolant mardi pour trois jours au Danemark et en Finlande. Il aura rendu visite à plus de la moitié de ses homologues européens en un an.
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Le président américain Donald Trump et le président français Emmanuel Macron, en marge du sommet du G7 à la Malbaie au Québec, le 08 juin 2018 / © AFP/Archives / SAUL LOEB
Emmanuel Macron devrait également rappeler lundi ses priorités mondiales: la sécurité, la lutte contre le terrorisme, les “biens publics mondiaux” (climat, éducation, aide au développement…) et, dans une approche plus nationale, l’attractivité de la France et la francophonie.
Depuis l’an dernier, “le monde a beaucoup changé avec la montée des nationalismes et la crise du multilatéralisme. Il faut être encore plus dynamique pour s’adapter à ces évolutions”, reconnaissent les conseillers de l’Elysée.
Embrassades et accolades n’y ont rien fait: le président américain Donald Trump a sabordé le G7 et l’accord sur le nucléaire iranien, déclenché une guerre commerciale mondiale et réclame aux Européens des sommes massives pour maintenir l’Otan.
Au sein même de l’Europe, la Hongrie, la Pologne et maintenant l’Italie mènent une politique eurosceptique et anti-migrants, qui oblige Paris à rechercher un “arc progressiste” pour les contrer.
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Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez et le président français Emmanuel Macron à Madrid, le 26 juillet 2018 / © AFP/Archives / JAVIER SORIANO
“Au fond c’est Macron, Merkel, et (Pedro) Sanchez en Espagne si je résume, c’est à dire ceux qui se disent que nous avons un avenir européen d’éducation (…) ou ceux qui disent non, il faut se recroqueviller sur soi parce que tout seul on va y arriver mieux”, en l’occurrence, “Orban et Salvini”, le Premier ministre hongrois et le ministre italien de l’Intérieur, a expliqué dimanche le patron des députés du parti présidentiel, Richard Ferrand.
Cet été, une dizaine d’Etats membres, parmi lesquels la France, l’Allemagne et l’Espagne, ont dû en urgence se répartir des migrants que Rome refusait. Les discussions sur un mécanisme coordonné pérenne achoppent sur le refus de l’Italie, qui a menacé vendredi de suspendre sa contribution au budget de l’UE.
Conscient que l’opposition en France veut transformer les élections européennes de mai en “référendum anti-Macron”, comme l’a déjà annoncé le chef du mouvement La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, M. Macron devra aussi démontrer que ses efforts internationaux bénéficieront directement aux Français.
“Il n’y a aucune coupure entre les réformes en France et l’action internationale”, selon l’Elysée.
- – Perte de dynamique –
“Le dossier européen a perdu beaucoup en dynamique” depuis un an, remarque Claire Demesmay, de l’Institut allemand de politique étrangère, tandis que François Heisbourg, président de l’IISS (International Institute for Strategic Studies) de Londres, se demande si M. Macron va “réussir à faire bouger l’Europe” avant que les grand compromis soient bouclés d’ici à la fin 2019.
“Il est le seul leader en Europe aujourd’hui”, ajoute-t-il, mais “Macron ne peut pas être leader tout seul”, il faut que “la France et l’Allemagne marchent ensemble” – or Angela Merkel est encore affaiblie par son échec électoral de l’an dernier.
“Si on constate au milieu de 2019 qu’il n’y a pas moyen de faire avancer le mastodonte, il y aura un problème d’orientation stratégique de son quinquennat”, avertit M. Heisbourg.Sur les migrants, sur l’Europe qui protège, “Emmanuel Macron a besoin de résultats et pas seulement d’ambitions pour arriver armé aux élections européennes”, renchérit Manuel Lafont-Rapnouil, de l’institut de recherche European Council on Foreign Relations.
Source: AFP