La Constitution du 25 février 1992, acte fondateur de la 3ème République et constituant le socle de notre État ainsi que de ses principes, dispose, notamment :
« Article 24 : Tout citoyen, toute personne habitant le territoire malien a le devoir de respecter en toutes circonstances la constitution. »
« Article 61 : Les Députés sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct. Une loi fixe les modalités de cette élection. »
« Article 85 : La Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité́ des lois et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques.
Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité́ des pouvoirs publics. »
La constitution fait également, dans son article 29, du président de la République, son gardien. A cet effet, dans l’article 37 de la Constitution, le président prête le serment de « préserver en toute fidélité́ le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité́ nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité́ du territoire national… »
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres,
Le 4 septembre 2018, le président de la République élu, M. Ibrahim Boubacar Keïta, a prêté serment devant vous, conformément à la Constitution. Dans cette prestation de serment, il s’est engagé à respecter et à faire respecter la Constitution et la Loi.
Or,
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres,
La Cour constitutionnelle du Mali a rendu, le 12 octobre 2018, un avis favorable à la prorogation pour six mois du mandat des députés à l’Assemblée nationale. Cet avis favorable des « sages », garants du respect de la loi fondamentale, est pourtant intervenu après un premier avis négatif sur le même sujet.
A l’époque, la Cour constitutionnelle avait fondé son avis sur l’application de l’article 85 de la Constitution. A notre sens, cet avis a été donné en violation flagrante de la Constitution. L’article 85 de notre Constitution ne permet aucunement à la Cour constitutionnelle de modifier une disposition constitutionnelle. Or, nous estimons que c’est ce que la Cour a fait en disant que la prorogation de la 5ème législature est possible et qu’elle doit intervenir par une loi organique.
En se fondant ainsi sur l’article 85, la Cour constitutionnelle a fait une interprétation erronée de sa vocation à assurer le fonctionnement « régulier des institutions ». D’une part, nous estimons que sa vocation, dans ce sens, doit être comprise dans les limites de l’exercice du contrôle de constitutionnalité, qui consiste à vérifier la conformité des lois et traités internationaux au bloc de constitutionnalité. Son rôle n’est pas de réviser une disposition constitutionnelle, car la Constitution ne lui attribue pas ce « pouvoir », mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la constitution des lois déférées à son examen. Et, d’autre part, elle est investie de la mission d’assurer le maintien des rapports fonctionnels entre les institutions et ce, notamment dans les cas où l’une d’elles se verrait lésée dans ses interactions, définies par la constitution, avec l’une ou les autres.
Enfin, et surtout, l’article 85 confère à la Cour constitutionnelle la mission de garantir le respect de la hiérarchie des normes : une garantie essentielle de l’État de droit, qui est pourtant bafouée. En effet la Cour constitutionnelle du Mali, en estimant qu’une loi organique pouvait revenir sur une disposition constitutionnelle, consacre la supériorité de la loi organique sur la constitution. Pourtant, les compétences des différents organes de l’État sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. L’ordonnancement juridique dans tous les États de droit s’impose à l’ensemble des personnes juridiques, y compris le Gouvernement, l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres,
Après la première prorogation du mandat des députés, le gouvernement malien a adopté, le 7 juin 2019, un projet de loi organique portant prorogation du mandat de la 5ème législature jusqu’au 2 mai 2020, à l’issue d’un Conseil des ministres extraordinaire.
Le mouvement Trop C’est Trop estime que cette prorogation, tout comme la précédente, est une violation flagrante de la Constitution du 25 février 1992, notamment au niveau de l’article 61 qui fixe le mandat des députés à 5 ans sans aucune possibilité de prorogation. Cette prorogation, à travers une loi organique, n’est ni plus ni moins qu’une révision de la Constitution en dehors de toutes les procédures prévues à cet effet. Cependant, ni le Gouvernement, ni l’Assemblée nationale, encore moins la Cour constitutionnelle n’ont le droit de revenir sur une disposition constitutionnelle en dehors de la procédure prévue par elle à cet effet.
Aujourd’hui, le peuple malien est impuissant devant la volonté manifeste des pouvoirs publics de gouverner au-dessus de la loi. Désemparés, il ne nous reste pas beaucoup de remparts contre l’injustice de ceux qui sont censés garantir le respect par tous de la loi fondamentale. C’est pourquoi, nous faisons appel à votre sens de la République afin de stopper la dérive en cours dans notre pays.
Ayant reçu le serment du président de la République, donc dépositaire d’un pouvoir constitutionnelle en matière de parjure, le mouvement Trop c’est Trop se tourne vers votre institution afin que le respect de la Constitution soit observé par les pouvoirs publics, tous les pouvoirs publics.
Enfin, le mouvement estime que toutes les lois qui seront adoptées par une Assemblée nationale non issue des règles prévues par la Constitution ne sauraient s’appliquer aux citoyens que nous sommes. A cet effet, nous nous réservons le droit d’engager, dans les limites légales, toutes actions nécessaires afin de garantir le respect de la Constitution par tous les Maliens, y compris ceux qui sont censés en être les garants.
A vous donc, Monsieur le président et les membres de la Cour suprême, de saisir l’opportunité historique pour dire devant la nation et l’opinion internationale : « Nous allons dire le droit, tout le droit, rien que le droit. » C’est ce pari que bon nombre de vos concitoyens attendent de vous. C’est ce qu’ils ont attendu de vous ! Redonnez-nous foi et espoir en notre République !
Bamako, le 10 juin 2019
Le Mouvement Trop c’est Trop
Malick KONATE
PORTE-PAROLE
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