Monsieur le Président,
Comment comprendre que notre pays ouvre volontiers ses portes aux chinois pour qu’ils s’installent dans tous les secteurs d’activités économiques, comme ils veulent, quand ils le veulent et où ils le veulent et qu’au même moment la République populaire de Chine, à travers son Ambassade à Bamako, par des stratagèmes, trouve le moyen de fermer l’accès de son territoire à des commerçants maliens, qui s’y rendent, uniquement, dans le cadre de leurs affaires.
Depuis quelques années, et cela est aujourd’hui notoirement connu de tous, l’Ambassade de Chine au Mali a décidé d’abord dans un premier temps de suspendre la délivrance du visa d’entrée et de séjour aux opérateurs économiques maliens, pour ensuite décidé de ne donner que des visas pour des durées de séjour n’excédant pas 30 jours, alors qu’auparavant les commerçants maliens avaient la possibilité d’avoir des visas de 6 à 12 mois avec des entrées multiples.
Pour être précis, c’est en 2010 que le Consulat de la République populaire de Chine à Bamako, a catégoriquement commencé à refuser de délivrer des visas aux opérateurs économiques maliens et cela sans motifs valables.
Des démarches entreprises par le Syndicat national des commerçants détaillants du Mali (SYNACODEM), avaient permis d’installer un cadre de collaboration afin de résoudre le problème. Mais en 2015, le Consulat de la République population de Chine a mis en cause ce cadre de collaboration, en exigent que les opérateurs économiques maliens fournissent des invitations officielles délivrées par une Autorité compétente et autorisée en Chine. A l’époque, le Consulat chinois avait avancé le problème d’insécurité au Mali.
Mais, l’évidence est qu’aucun opérateur économique n’arrive à mettre la main sur cette Autorité compétente chinoise chargée de dresser les lettres d’invitation. Et, face à la protestation qui en est suivie, une parade a été trouvée par le ministère du commerce du Mali, sur conseil du Consulat chinois : L’installation d’une commission de gestion des visas chinois de type « M » par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, pour une durée de 3 mois.
En plus du fait que cette commission dure depuis plus d’un an et six mois, des voix se sont levées pour dénoncer son inefficacité et la grande corruption qui s’en est développée autour de ce groupe. A la date d’aujourd’hui, ce sont au moins des centaines demandes de visas qui sont en souffrance au niveau de cette commission. Et pire, elle n’a jamais pu amener le Consulat chinois à octroyer des visas de plus de 30 jours.
Monsieur le Président,
Au moment où les opérateurs économiques étaient en pleine réflexion pour prendre ce problème à bras le corps, le 19 septembre 2017, l’Ambassade de la République Populaire de Chine au Mali a adressé une correspondance au Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale du Mali pour lui notifié qu’ « en vue de faciliter davantage les échanges humains entre la Chine et le Mali, les demandeurs maliens pour le visa de commerce de Type M listés ci-dessous seront exemptés de la remise de la lettre d’invitation autorisée et compétente, ainsi que de la lettre de confirmation d’invitation ».
Cette liste prévoit trois catégories de citoyens maliens :
- Les fonctionnaires ayant l’attestation de travail et l’ordre de Mission des Institutions suivantes pour des achats publics en Chine : La Présidence, la Primature, les 35 Ministères, l’Assemblée nationale, la Cour suprême, la Cour Constitutionnelle, la Haute Cour de Justice, le Haut Conseil des Collectivités territoriales et le Conseil Economique, social et culturel.
- Les hommes d’affaires qui fréquentent pendant toute l’année la Chine ou l’Europe et les Etats-Unis.
- Les titulaires de la lettre de garantie émise par les sociétés chinoises, avec leurs identités ayant été vérifiées par l’Ambassade de Chine : China Road and Bridge Corporation (CRBC), Sinohydro Corporation Limited (SINOHYDRO), Huawei Technologies SARL (HUAWEI), ZTE Corporation (ZTE), China Overseas Engineering Group CO. Ltd (COVEC), China Geo-engineering Corporation (CGC), China Gezhouba Group Corporation (CGGC), China Railway Construction Corporation (CRCC), la Société nationale des travaux de construction du Henan de Chine (CHECEC), le Groupe de Construction de QINGDAO (QDCG).
Dans la démarche de celui qui donne avec la main droite et reprend plus que donner avec la main gauche, la correspondance chinoise au Ministre malien des affaires étrangères et de la coopération internationale, a vite faite de préciser : « Les demandeurs susmentionnés sont aussi dans l’obligation de soumettre la lettre d’invitation normale émise par la partie d’accueil de Chine ». Et d’ajouter : « il est indispensable pour les demandeurs cités dans le point 2 de déposer en plus l’Attestation de dépôt de fonds ».
Vous convenez avec nous que malgré cette correspondance chinoise au ministre malien des affaires étrangères, le problème de l’accès des citoyens maliens aux visas chinois reste entier.
Monsieur le Président,
Le problème est d’autant plus grave que cette décision chinoise vise simplement à pousser les commerçants maliens à s’approvisionner chez des commerçants et entrepreneurs chinois qui deviennent de plus en plus nombreux chez nous. Et, si cette tendance continue, il faut craindre que de nombreux maliens (diplômés ou pas) qui ont trouvé leur salut dans le secteur informel, ne viennent grossir les rangs des désœuvrés, dont certains deviennent des proies faciles pour les vendeurs d’illusion et maîtres de l’extrémisme violent.
En effet, comment comprendre que des opérateurs économiques maliens qui ont des relations d’affaires notoirement établies avec des entreprises chinoises et qui bénéficiaient de visas de 6 à 12 mois, avec la possibilité d’entrées multiple, se voient subitement interdit de ce sésame nécessaire au développement de leurs affaires au Mali.
Ce qui est d’autant plus surprenant, c’est qu’au même moment, notre pays est en train d’enregistrer l’installation de plus en plus nombreuse de commerçants chinois dans des secteurs qu’occupaient des commerçants maliens. Et, ce qui est grave, ces commerçants chinois bénéficient de toutes les facilités au Mali. Ils sont titulaires de visas de longs séjours, avec la possibilité d’entrées multiples. Et, comme le commerçant malien ne bénéficie pas du même privilège des autorités chinoises, du coup, il devient moins compétitif que le commerçant chinois sur le marché malien.
Monsieur le Président,
Comment comprendre qu’au même moment, les chinois sans distinction investissent des secteurs même les plus stratégiques de notre pays. Souvent motivés que par le profit et moins regardant sur les différentes réglementations, ils sèment à la limite une pagaille révoltante, dans certains secteurs.
Si rien n’est fait dans l’urgence dans le secteur de l’environnement, il faut craindre que l’Afrique de l’ouest et précisément le Mali perde ses nombreux cours d’eau. Avec la technique du dragage, les chinois se sont lancés dans l’orpaillage traditionnel sur nos cours d’eau qui deviennent de jours en jours l’ombre d’eux-mêmes.
Vous vous souvenez sûrement de ce conflit qui a longtemps opposé des populations du cercle de Kita à des chinois qui exploitaient de manière sauvage et en contradiction totale de toute la réglementation en la matière, le bois de vaine. Et chose bizarre ce phénomène continue toujours de la plus belle manière. Des containers de bois quittent chaque jour notre pays pour la chine (la manne d’une mafia). Comment un pays sahélo-saharien comme le Mali, balloté par les effets des changements climatiques, peut se permettre l’exportation de bois ? Si rien n’est fait, nous craignons que sous peu, notre végétation ne sera plus en mesure d’absorber le carbone que nous dégageons.
Monsieur le Président,
Faisons en sorte que les maliens ne perdent pas le contrôle de l’économie du pays à la sortie de cette crise multiforme. En effet, il est regrettable de constater qu’au moment où des leaders politiques, des leaders d’opinion et même certains leaders religieux maliens se battent pour des positionnements politiques, notre pays est envahit, de jour en jour, par des émigrés économiques asiatiques qui s’accaparent de tous les secteurs économiques.
Pour cela, le Mouvement vert jaune rouge voulait attirer votre attention sur le fait, qu’à l’instar de la plupart des Etats de ce monde, il est temps, grand temps que l’Etat du Mali s’inscrive dans la logique de protéger ses citoyens et son économie, en prenant des mesures similaires à celles qui sont appliquées sur ses ressortissants dans un certain nombre de pays à travers le monde.
D’entrée de jeu, nous tenons à rassurer les uns et les autres que notre initiative ne s’inscrit dans aucune logique de promotion d’une certaine xénophobie.
Partant du principe que toutes les âmes sont égales, nous pensons que le Mali doit appliquer sans gène le principe de la réciprocité.
Monsieur le Président,
Nous vous invitons à instruire au Gouvernement malien de tout mettre en œuvre dans l’urgence pour la résolution définitive de ce problème de visa chinois qui n’a que trop duré. Nous devons anticiper la gestion des probables crises qui guettent les intérêts de la communauté chinoise vivant au Mali. Et si la partie chinoise venait à se cramponner sur sa décision, nous estimons que rien n’empêche le Gouvernement malien à entrevoir l’application dans toute sa rigueur du principe de la réciprocité, admis dans les relations internationales.
Aussi, le Mouvement Vert Jaune Rouge voudrait attirer votre attention sur le fait que désormais la seule obtention du visa d’entrée, ne devrait plus pouvoir donner le droit de travailler sur le territoire malien aux étrangers non africains, notamment chinois. La réciprocité doit être de rigueur, parce que leurs Etats exigent des permis de travail à nos concitoyens africains sur leur territoire.
Monsieur le Président,
A l’instar de la plupart des Etats de ce monde, l’Etat du Mali doit s’inscrire dans la logique de protéger ses citoyens et son économie.
Et, nous vous encourageons à prendre des textes dans ce sens, avant qu’il ne soit trop tard.
Bamako, le 19 Janvier 2018
Yagaré Baba Diakité
Président du Mouvement Vert-Jaune-Rouge
Source: Le Républicain