LETTRE OUVERTE
A
Monsieur le ministre de la justice et des Droits de l’Homme, Garde des Seaux,
Cher Collègue,
Je vous écris avec le visage du dieu Janus : l’un est admiratif et l’autre ne l’est pas. Il est admiratif puisque vous aviez par le passé pu faire tâche d’huile quand vous occupâmes le ministère de la justice sous la transition et initiâmes le projet de loi de lutte contre l’enrichissement illicite. Cependant, mon regard est désapprobateur parce que le secteur de la justice malienne est maladif de tel enseigne que tout espoir de redressement avec ceux qui en sont à l’origine, n’est que chimère. Cependant, je reste optimiste en sachant bien qu’être optimiste, c’est être mal informé.
Cher collègue,
Cette lettre ne vous est nullement destinée pour vous conseiller ou pour vous faire une leçon de morale, vous en avez suffisamment, me semble-t-il, mais pour vous témoigner de l’estime que je vous porte dans votre exaltante mission. Si vous réussissez votre mission, la postérité vous jugera. L’histoire en rendra compte aux générations futures.
Cher Collègue,
L’état du droit est en souffrance dans l’Etat de droit. Si l’état du droit est en souffrance, on ne saurait parler de l’Etat de droit mais de l’Etat de police. Sans détour notre situation actuelle en est une illustration parfaite. Alors Il faut un hiatus entre le juste et l’injuste. Il est important aujourd’hui de procéder à un diagnostic approfondi en vue de déceler les maux de notre système judicaire dont la qualité laisse à désirer. Pour ce faire, il faudra bâtir une nouvelle justice à l’image d’un Etat sérieux et respecté.
Il y va également de votre crédibilité et de votre notoriété.
Cher collègue,
La justice sociale est regrettable car elle a été malmenée par des magistrats prébandiers. Il est temps d’amorcer un certain nombre de réforme pour assainir le secteur de la justice malienne. Parmi ces réformes, je toucherai du doigt :
– Les ressources humaines ;
– Les organes juridictionnels ;
– Les instruments juridiques ;
Concernant les ressources humaines, la justice malienne a besoin d’être dotée des ressources humaines de qualité. L’allusion est faite ici aux acteurs et aux auxiliaires de la justice. S’agissant des acteurs de la justice, il faut une réforme au niveau de la magistrature. Cette réforme prendra en compte, le critère de recrutement des magistrats, la formation des magistrats et la discipline.
Désormais, un magistrat doit être recruté suivant un certain nombre de critère comme la moralité, l’intégrité et la dignité. Il faut instaurer sérieusement l’enquête de moralité devant être confiée aux personnes externes de la justice.
Quant aux auxiliaires de la justice, une réforme au niveau du barreau malien est fondamentalement nécessaire. Elle prendre en compte le mode d’admission à l’examen d’entrée au barreau et les modalités de corrections des feuilles d’examen.
Un avocat doit être admis au stage suivant les mêmes conditions que pour un magistrat. http://bamada.net/malick-coulibali-ministre-de-la-justice-et-des-droits-de-lhomme-garde-des-sceaux Elle est loin d’être une profession livrée au premier venu mais aux plus méritants. A l’instar des autres pays, je regrette, aujourd’hui, de constater que pour dix-sept millions d’habitants, il n’y a que quatre-cent avocats au Mali. C’est une violation aussi des droits de l’homme puisque chaque citoyen a droit à un avocat.
Cher collègue,
Concernant les organes de la justice, leur opérationnalisation s’accompagne des moyens matériels mis à la disposition des magistrats. Il ne s’agit pas seulement de recruter les magistrats mais il faut leur doter de moyens permettant de rendre une bonne justice. Il est souhaitable également que la dualité juridictionnelle soit une réalité au Mali au détriment du monisme atténué. La mise en œuvre pratique de la réforme judiciaire de 2011 ne doit plus souffrir de léthargie inavouée. Avec la suppression du contrôle de tutelle, la multiplication des tribunaux administratifs s’impose.
Cher collègue,
Il y a autant d’instruments juridiques qui, aujourd’hui, souffrent de lacunes très graves. Cela relève de la souffrance de l’état du droit. Certains de ces textes sont d’une autre époque de par leur inflexibilité et incontextualité. Le maintien à l’état figé de ces textes est susceptible de provoquer de grave crise sociale dont les effets risquent de compromettre la paix et le bon vivre ensemble. D’abord, on note une désorganisation notoire au niveau de l’immobilier où les frais de locations sont déterminés royalement par les propriétaires des maisons sans aucun égard à la loi. Ensuite, les réseaux sociaux deviennent de plus en plus un nid de e-délinquance pour les utilisateurs. Enfin, la prostitution, sous toutes ses formes, menace aujourd’hui la santé publique.
Pour prévenir ces dérives socio-économiques, il faut une architecture juridique adaptée à l’évolution de la société. Cela passe nécessairement par la réforme du code pénal, de procédure pénale, du code de l’immobilier, du code foncier et du code de prostitution s’il existe etc.
Cher collègue,
La lutte contre la corruption est la vraie plaie des délateurs, des profiteurs, des corrompis, des flagorneurs. Il faut une lutte implacable pour éradiquer le fléau. C’est la corruption qui favorise la rébellion, le terrorisme et la criminalité. C’est un mal du siècle qu’il faut combattre vigoureusement. C’est là où l’histoire retiendra de vous le sérieux, l’honneur, la dignité et la probité. Cette histoire sera écrite par toute la nation malienne avec une plume qui ne cessera d’écrire des vérités indélébiles. La lutte contre la corruption est simple. Il faut vite réhabiliter la loi anti-enrichissement avec beaucoup de pédagogie nécessaire à sa mise en œuvre.
En plus, il faut mettre fin à l’impunité à tous les niveaux de la chaine sociale et que les sanctions exemplaires s’ensuivent en cas de transgression de la loi.
Cher collègue,
La réforme de la justice est une question de méthodologie et de technicité. C’est une démarche purement scientifique que vous devez suivre pour mener à bien ces chantiers de réforme de la justice malienne. Cette objectivité scientifique se fait avec des chercheurs ayant une expertise avérée dans leur domaine respectif. Aujourd’hui, les facultés de droit n’y manquent pas. Ils sont vos collègues, saisissez cette opportunité pour l’atteinte de votre objectif.
Je termine mon propos par cette formule « un peuple n’aura de bonne justice que s’il est juste ».
Dr Sidiki
Président de l’Association
des Jeunes Docteurs en
droit et science politique.
Source: Maliactu.info