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Lettre à un ami malien

Qu’est-ce que tu deviens ? Ça marche ton nouveau job ? Ce serait bien si on pouvait dire que le Mali va bien aussi, je te jure. Ce n’est pas le cas, n’est-ce pas ? Plus de 5 ans après, la situation est pire. Qui aurait pu imaginer ça ! Le président IBK et son gouvernement restent un mystère pour moi. Ni le nord, ni le centre ne les intéresse, si on voit ça d’un point de vue bamakois. Au nord, tout semble se dissoudre en positions communautaires. Et les populations, qui ne se reconnaissent pas dans ces mouvements, cherchent à survivre comme elles peuvent.

Je persiste à croire que personne des mouvements, et même du gouvernement ne veut vraiment la « paix ». Trop d’argent arrive pour la mettre en place ! Que deviendraient tous ces gens si par miracle la paix était effective. Le business de la paix….. C’est une expression qui me rappelle ce que j’avais entendu en Guinée en 2015, « le business Ébola ». J’avais trouvé ça horrible. Ça me rappelle aussi ce que m’avait dit Anne Guidicelli de Terroris’C. Elle avait dit que tant qu’il y a un risque terroriste en Afrique, les États reçoivent des mannes d’argent des organismes  internationaux. Ils en mangent beaucoup, pourquoi auraient-ils envie de vaincre le terrorisme, ils ne pourraient plus manger ….

La mobilisation des Peuls me semble plus sérieuse, car les Peuls c’est l’Afrique quasiment entière….On sait l’étendue peule depuis toujours. Il y aussi la prévalence économique des Peuls. On en avait beaucoup parlé à l’époque de l’élection présidentielle en Guinée. Pardon, car tu es toi-même peul, mais il faut se méfier de ce que tu appelles « la question peul » ; tu copies- colles sur la « question touareg », ce  que tout le monde dénonçait, et dénonce encore,  sauf les Touareg. C’est un choix terminologique  dangereux. Je trouve qu’il ethnicise une situation sociale commune à tous les Maliens, une situation sécuritaire réelle mais probablement sans rapport avec l’ethnie. C’est très dangereux, des gens victimes de bandits, si on leur dit que c’est parce qu’ils sont Touaregs ou Peuls, ça allume le feu.

Kouffa, et l’autre, j’ai oublié son nom, celui qui a créé le mouvement pour la défense des Peuls, je ne sais plus, ils attisent le feu. C’est comme un cercle vicieux. Tu dis qu’au Centre, il y a un besoin d’État ? Tu sais, tous les Maliens ont besoin d’État. Même à Bamako, tu le sais. Dans certains quartiers, les gens n’ont pas l’eau courante, et parfois pas l’électricité. L’immense différence ce sont les violences, je suis d’accord. J’ai lu l’étude d’Adam Thiam, qui dit qu’une nouvelle rébellion prendra forme dans le Centre: des Peulh, en réaction aux exactions, racket de l’armée, vont rejoindre les groupes djihadistes. Mais je m’interroge sur la soudaineté de la formation de cette nouvelle rébellion, donc sur son origine, ou du moins sur qui la génère. C’est très complexe !

Tu sais, à terme,  on aura l’apparition d’une rébellion Sarakolé, ou Dafing, ou bobo etc., sous prétexte que l’État est absent des régions, alors que c’est une rébellion ou soulèvement national(e) qu’il faudrait de la part de toutes les populations ensemble pour cause d’abandon généralisé de la part de l’État. Point barre, rien à voir avec l’ethnie ! Ça me rend dingue cette ethnicisation des gens qui ne comprennent pas la manipulation. Sinon, ce sera comme les  guerres civiles ailleurs. Donc, l’État doit réagir, mais il ne le fait pas, ne l’a jamais fait. Il ne faut surtout pas que les intellectuels attisent le feu. Ils doivent démontrer par A + B que la situation d’abandon socio-économique est la même partout, pour que les gens ne se sentent pas particulièrement visés.

Tu sais en 2011, je me rappelle être intervenue au Forum des Peuples, à Niono. J’avais dit : « l’État donc aussi votre gouvernement pourrait être poursuivi pour non-assistance à populations en danger »…..C’était en 2011, on a l’impression que ça fait un siècle, et pourtant rien n’a changé, rien du tout, nulle part. Au Mali, il manque la notion d’appartenir à un seul et même pays, malgré la devise du Mali. Ce qui se passe à Kayes n’intéresse personne d’autre que les Kayesiens, idem pour toutes les autres régions. Les questions restent locales. Regarde à Bamako, les gens savent que ça ne va pas au nord, au centre, mais à part ça, ils ne bougent pas car chez eux, ils ne savent pas quoi manger le soir non plus. Ce n’est pas une histoire de décentralisation, je crois. Ça prend beaucoup de temps pour que les gens se sentent UN. Ce qui est très complexe, c’est de faire passer les mentalités de « je suis Bambara, Bozo, Targui ou Peul, à je suis Malien.  »

Bonne fin de nuit, ici on passe à l’heure d’été, cette nuit, c’est à dire qu’on avance nos montres d’une heure, il est 1h15 mais en fait il est 2h15, heure d’été. Une heure de sommeil en moins demain matin.

P.S : La chronique du jeudi prend une pause pour reprendre début avril.

Bokar Sangaré

Source: Le Pays-Mali

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