Les troupes tchadiennes dépêchées au Cameroun pour contrer l’expansion de Boko Haram ont pris position dans la ville stratégique de Fotokol, poste frontière camerouno-nigérian à quelques dizaines de mètres des positions des islamistes armés, laissant présager l’imminence d’une opération militaire.
“Les premiers soldats tchadiens se sont déployés hier (mercredi) à Fotokol”, a indiqué jeudi à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un responsable sécuritaire camerounais établi dans la région.
Fotokol est séparée par un pont de 500 m de la ville nigériane de Gambaru, actuellement aux mains de Boko Haram. Les islamistes ont déjà lancé des actions à partir de cette ville, se heurtant aux troupes camerounaises, qui ont tenu le choc jusqu’à présent.
A la veille d’un sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, où l’avancée de Boko Haram sera au centre des débats, “le déploiement de militaires tchadiens (à Fotokol) est en cours”, a confirmé un officier supérieur de l’armée camerounaise impliqué dans la lutte contre Boko Haram.
Ce mouvement de troupes s’inscrit dans le cadre “des actions préliminaires” à l’engagement de l’armée tchadienne qui doit combattre Boko Haram aux côtés des Camerounais, selon cet officier.
Le Tchad, qui a appelé à une large coalition pour contrer les islamistes, a déployé ses troupes sur ses frontières et envoyé un important contingent.
Arrivé au Cameroun le 17 janvier, ce contingent entend en découdre et reprendre la ville stratégique de Baga, sur les rives du lac Tchad au nord du Nigeria. Dans cette ville tombée début janvier, les islamistes ont perpétré des “crimes contre l’humanité”, selon Washington et Paris.
Au Nigeria, la montée en puissance de Boko Haram, dont l’insurrection et sa répression par l’armée ont fait plus de 13.000 morts depuis 2009, s’est encore manifestée le 25 janvier avec la prise de la localité de Monguno et une offensive sur Maiduguri, capitale régionale du nord-est, suscitant l’inquiétude chez les voisins.
– Oeil d’Addis Abeba –
Les actions des armées camerounaise et tchadienne seront “conjointes”, selon l’officier supérieur de l’armée. “Tout fait l’objet de planification. (…) Chaque pays doit préserver ses intérêts (mais) personne n’agira en cavalier (seul)”, a-t-il expliqué. De même source, les orientations stratégiques dépendront de ce que veut “le politique”, c’est-à-dire les responsables des deux Etats. Le sommet d’Addis Abeba pourrait accélérer la prise de décision.
“Ce qui a commencé comme un gang criminel localisé se propage désormais en Afrique de l’Ouest et centrale. Nous devons agir maintenant et collectivement contre cette menace qui progresse”, a lancé lundi la présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma.
“Ce n’est pas simplement une menace pour certains pays, c’est une menace pour le continent entier. C’est une menace mondiale qui droit être combattue mondialement, avec l’Afrique en tête”, a-t-elle mis en garde.
Le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement tentera notamment de rendre effective une force multinationale d’environ 3.000 hommes créée fin 2014 par les pays riverains du lac Tchad et le Bénin, mais qui peine à entrer en action en raison de dissensions entre Abuja et ses voisins.
Sur le terrain, aucune indication n’a pu être obtenue sur le nombre de Tchadiens déjà déployés à Fotokol. Mercredi, des roquettes tirées par des islamistes embusqués à Gambaru sont tombées à Fotokol, selon une source proche des services de sécurité.
Et des explosifs enterrés par Boko Haram sur la route reliant Fotokol à Kousseri, frontalière du Tchad, ont fait récemment des victimes militaires et civiles.
Camionneurs et civils en provenance du Nigeria pour le Cameroun ou le Tchad fréquentaient auparavant cet axe stratégique, mais leurs mouvements ont quasiment cessé depuis que Boko Haram a miné le terrain.
Par ailleurs, plusieurs habitants de Baga Sola, ville miroir tchadienne de Baga au Nigeria, ont affirmé avoir vu décoller des hélicoptères de la ville et avoir entendu “des explosions” à plusieurs reprises sur le lac Tchad ces derniers jours.