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Les nouveaux dirigeants brisent un tabou

Au Mali, les perspectives d’une relative accalmie après la libération des otages se sont vite évanouies. Jeudi, un Casque bleu de l’ONU a été tué et un autre grièvement blessé par l’explosion d’ «une mine ou d’un engin explosif», survenue dans le nord-est du pays, selon un communiqué de la Minusma. C’est dans ce contexte d’insécurité permanente que le président de la transition Bah N’Daw a décrété, la veille, un deuil national de trois jours, après la double attaque qui a visé, mardi dernier, la localité de Sokoura. Pour rappel, une première attaque avait visé une position militaire, dans le cercle de Bankass, avec un bilan provisoire de 9 soldats tués et plusieurs autres blessés. Le groupe terroriste avait également tué douze civils dont deux femmes et un enfant en bas âge, à bord d’un autobus en direction de la foire hebdomadaire de la localité, avant de tendre une embuscade aux militaires venus en renfort.

L’armée malienne avait fait état, de son côté, de la mort de neuf terroristes et de la destruction de deux véhicules par l’aviation intervenue aussitôt. Ces évènements ont d’autant frappé les esprits qu’ils interviennent au moment où le Mali se félicite de la libération de quatre otages dont le chef de l’opposition Soumaïla Cissé, kidnappé en mars dernier alors qu’il menait campagne pour les législatives. Les ravisseurs avaient obtenu en échange l’élargissement de deux cents présumés terroristes, ce qui n’a pas manqué de susciter de nombreuses réactions, les unes satisfaites et les autres outrées. Des critiques sont d’ailleurs venues des alliés de l’armée malienne pour affirmer que le «groupe terroriste» à l’origine des enlèvements demeure catalogué comme tous les autres groupes terroristes. A l’opposé de cette prise de position, le commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, Smaïl Chergui, a appelé, dans une tribune publiée par le quotidien suisse Le Temps, à «explorer le dialogue avec les extrémistes» pour faire taire les armes dans le Sahel, au bout de huit ans de crise sans issue. «Le terrorisme et les violences entre communautés persistent et la menace s’étend en Afrique de l’Ouest», a-t-il relevé. «La violence quasi quotidienne, associée à des allégations récurrentes de manquements aux droits de l’homme, a dressé les communautés les unes contre les autres, d’une part, et contre les forces de sécurité et de défense, d’autre part», écrit également Smaïl Chergui.

La crise au Mali, depuis 2012, réunit de multiples acteurs sahéliens (Mauritanie, Burkina Faso, Niger, et Tchad) ainsi que des forces étrangères (française, avec Barkhane, onusienne avec les Casques bleus, et africaine avec le contingent de l’UA), mais seul l’accord de paix issu du processus d’Alger, conclu en 2015, porte en lui les facteurs d’un retour progressif à la paix et à la sécurité. C’est ainsi que Chergui rappelle, à juste titre, que tous ces partenaires du Mali se sont déployés au Sahel «initialement pour une courte durée», une allusion transparente à l’armée française et sa force Barkhane, pour constater qu’ils «s’y trouvent toujours». «Le moment est venu de revisiter et d’adapter les stratégies de stabilisation de la région du Sahel pour les unifier», ajoute-t-il en relevant que «toute idée innovante est la bienvenue pour faire taire les armes en Afrique, en premier lieu celles portées par les terroristes et les extrémistes violents».

A ses yeux, l’accord en février dernier entre les Etats-Unis et les talibans afghans «peut inspirer nos Etats membres pour explorer le dialogue avec les extrémistes et les encourager à déposer les armes, en particulier ceux qui ont été enrôlés de force», comme aussi «nous devons réaffirmer notre détermination à stopper la propagation du terrorisme et l’extrémisme violent, à assécher leurs sources de financement et à mettre un terme à leurs agissements criminels». Il faut savoir que, par deux fois, les anciens dirigeants maliens avaient balayé les conseils d’une conférence nationale d’entente (2017, à Bamako) puis du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) qui préconisaient des pourparlers avec les groupes de Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa. Mais les nouvelles autorités qui viennent de réaffirmer leur attachement à l’accord d’Alger ont, clairement, décidé de briser le tabou.

L’expressiondz.com

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