L’intensification et l’activation de l’aile internationale de la secte Boko Haram sont venues dans le souci d’apporter une réponse vindicative à la mort extrajudiciaire de leur émir Muhammad Yusuf et à la répression dont font l’objet ses fidèles. Assoiffé de vengeance, le groupe a multiplié les attaques contre les casernes, les commissariats, les bâtiments publics.
Selon Alain Vicky dans son explication dans le Monde diplomatique, le terme Boko Haram est composé de deux notions : Boko : dérivé de book qui signifie livre en anglais et Haram qui veut dire interdit en arabe. D’autres auteurs comme Paul Newman donnent une tout autre explication sur l’appellation de cette secte musulmane. Selon lui, Boko est un terme haoussa indigène qui originellement connote la supercherie, la fraude, la tromperie, le manque d’authenticité. En général le terme signifie que l’éducation occidentale est un péché ou le rejet d’un enseignement perverti par l’occidentalisation. C’est un mouvement insurrectionnel qui prône une idéologie salafiste djihadiste originaire du nord-est du Nigéria. Cette secte refuse le savoir au profit de l’obscurantisme. Ce mouvement est aussi connu sous le nom de Yusufiyya en référence à son fondateur Muhammad Yusuf (1970-2009) qui a été arrêté et abattu par la police nigériane à Maïduguri le 30 juillet 2009. Selon ce dernier, Boko faisait référence à l’éducation laïque mais aussi aux influences séculières et occidentales. La secte utilisait au début le nom arabe de Ahl al-sunna wa’ljama’aalaminhaj al-salaf. Certains fidèles pour des raisons purement idéologiques, préfèrent l’appellation « Jam’aatuahlis-sunna liddaawatiwal jihad ». Aujourd’hui le mouvement utilise aussi le terme Jama’a at ahl al-sunna li’l-da’wawa’l-jihad (JASDJ). Cette appellation est traduite par « L’association des peuples de la sunna pour le prosélytisme et la lutte armée ». Elle fait également référence à des groupes qui tentent de rétablir une existence islamique vécue strictement selon les principes de la sunna. Cette pratique religieuse perçoit les autres tendances musulmanes comme de l’incroyance et des innovations contraire à l’islam et doivent être combattues. Le projet macabre de Boko Haram d’éliminer toute opposition fait de lui l’une des plus grandes entreprises terroristes en Afrique.
Mode opératoire
Boko Haram, comme tous autres groupes terroristes, a les mêmes modes opératoires qui sont les attentats à la bombe, les embuscades, les attentats suicides, les enlèvements avec libération contre prisonniers ou rançon et les raids. De sa création en 2009 à nos jours, ce groupe terroriste s’est implanté en dehors de sa zone d’origine. Il fait des incursions au Cameroun, au Tchad et envoie ses combattants au Sahel pour prêter mains fortes à quelques groupes terroristes armées qui sévissent au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie. Les hommes de Boko Haram ont participé à plusieurs attaques armées contre les forces de défense et de sécurité de ces différents États. Selon les documents officiels fournis par la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), depuis 2009 Boko Haram a commis des massacres de masse. La secte s’est adonnée à des enlèvements massifs de femmes et d’enfants notamment ceux des filles de Chibok dans une école de l’État de Borno, le 14 avril 2014. En novembre 2014, l’attentat à la bombe dans une mosquée de Kano a de nouveau attiré l’attention et l’inquiétude de la communauté internationale sur l’ampleur de la portée de la secte en dehors de sa base dans la forêt de Sambisa dans l’État de Borno.
L’intensification et l’activation de l’aile internationale de la secte Boko Haram sont venues dans le souci d’apporter une réponse vindicative à la mort extrajudiciaire de leur émir Muhammad Yusuf et à la répression dont font l’objet ses fidèles. Assoiffé de vengeance, le groupe a multiplié les attaques contre les casernes, les commissariats, les bâtiments publics, etc. Face à un groupe armé bien structuré et agile aux combats, l’armée nigériane désemparée ne faisait que des replis tactiques, laissant derrière elle les zones stratégiques entre les mains des assaillants qui pillaient et tuaient. Le Cameroun, le Tchad, le Niger et même le Mali n’ont pas été épargnés. En effet, chacun de ces États a été meurtri par des attaques et actions kamikazes de la secte qui sonnent comme une réponse à leur intervention militaire dans le cadre de la Force Multinationale Mixte (FMM) dont le mandat a été élargi en 2012 à la lutte contre la secte Boko Haram. Cette force régionale créée en mars 1994 était la réponse de l’Union africaine face à l’avancée du groupe terroriste. Mais, l’efficacité de cette force soulève beaucoup de doute.
Pour s’imposer encore mieux en dehors de sa base d’origine au Nigeria et pour se rapprocher davantage des autres organisations terroristes avec qui il partage les mêmes objectifs, Boko Haram fait allégeance à l’État islamique le 15 février 2015. Avec cette allégeance, il donne l’impression à l’opinion internationale, frappée par la multiplication des attentats terroristes, qu’il continue de participer à l’extension du djihad à travers le monde.
Ainsi, selon AFP et Abdelhak Bassou, « en répandant son action en Libye, l’organisation État islamique profite du chaos et s’enracine petit à petit en Afrique. Cette introduction en Afrique lui permettra de séduire d’autres groupes extrémistes en Algérie, en Libye, en Égypte et au Nigéria. Dans le Sahel, Boko Haram, un groupe extrémiste armé basé au Nigéria, lui prêtera allégeance pour s’affirmer comme groupe ayant les mêmes objectifs et les mêmes ennemis que l’organisation État Islamique. Ce système d’alliance assoit l’expansion de l’organisation État islamique en Afrique et démontre que sa sphère d’action s’étend au-delà du Moyen-Orient où elle commence à perdre du terrain ».
Beaucoup de commentateurs et chercheurs ont estimé que cette allégeance, au lieu d’aggraver un conflit jusqu’à présent localisé, n’a été qu’une coquille vide, parce que Boko Haram s’était sérieusement affaibli.
Moussa Kamara
Spécialiste en droit de l’Homme, Chercheur sur la lutte antiterroriste
kamara.moussa@courrier.uqam.ca, Montréal Québec Canada
Source: Le Challenger