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Les États-Unis de Donald Trump : d’une puissance gouvernante à une puissance protestataire

Le Président américain Donald Trump s’est exprimé le mardi 5 février 2019 devant les élus du Congrès pour le traditionnel discours sur l’état de l’Union (State of the Union Address).

D’une tonalité assez optimiste avec un appel à l’unité, au compromis, cependant, le locataire de la Maison Blanche ne renie rien de sa ligne directrice surtout en matière de politique étrangère ; à savoir une politique anti-immigration avec toujours la ferme volonté de construire le mur à la frontière avec le Mexique, contre le libre-échange indexant particulièrement la Chine, une certaine forme d’isolationnisme avec le retrait des troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan, etc.

Revenons ainsi sur les grandes caractéristiques de la Présidence Trump en matière de politique extérieure depuis 2017.

En effet, le 20 janvier 2017, Donald Trump devient officiellement le 45e Président des États-Unis. Élu sur la base d’un programme mêlant à la fois populisme, protectionnisme, nationalisme, et voire même isolationnisme, le nouveau locataire de la Maison Blanche annonce clairement une rupture radicale assumée avec ses prédécesseurs. Cette vision va très vite apparaître à travers son discours d’investiture (Inaugural Address) d’une tonalité inédite.

Dans ce discours d’investiture, Trump décrit une Amérique en déclin attribuant cet appauvrissement supposé des Etats-Unis à l’establishment ; c’est-à-dire, le système américain établi depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dont la pièce angulaire est le multilatéralisme ; aux élites traditionnelles qu’il accuse avoir ruiné les Etats-Unis en parlant même de « Carnage Américain ».

Il attribue ce supposé affaiblissement de l’Amérique à l’internationalisme libéral, à la mondialisation, en l’exprimant en ces termes «Pendant des décennies, nous avons enrichi l’industrie étrangère aux dépens de l’industrie américaine (…) ; nous avons défendu les frontières d’une autre nation tout en refusant de défendre les nôtres ; et dépensé des milliards de dollars à l’étranger pendant que les infrastructures de l’Amérique se sont délabrées et abîmées. (…)  Nous avons rendu d’autres pays riches alors que l’abondance, la force et la confiance de notre pays ont disparu de l’horizon ».

Ce discours, de par sa virulence inédite, définit clairement les grands axes de ce que sera la politique étrangère de l’Administration Trump. Une nouvelle politique extérieure contre le multilatéralisme, le libre-échange, l’immigration, la mondialisation, bref tout ce qui a construit et forgé le leadership américain ces dernières décennies.

Ce Trumpisme, mené depuis plus deux ans 2017-2019, marque ainsi une nouvelle ère, celle d’un changement dans le rapport des États-Unis avec le monde. Les premières initiatives internationales prises par l’Administration Trump donne l’impression d’une Amérique contestataire, repliée sur elle-même et ne souhaitant plus jouer le rôle du leader de la gouvernance mondiale.

 

Ainsi, comment les États-Unis sont-ils passés une superpuissance gouvernante à une superpuissance contestataire sous Donald Trump ?

Depuis les premiers jours de sa présidence, Donald Trump décline sa vision; celle d’affaiblir significativement la stature internationale des États-Unis. La doctrine Trump s’apparente à une volonté manifeste de déconstruire tous les piliers qui ont façonné, bâti la puissance américaine.

D’abord, son administration affiche clairement sa volonté de rompre avec le multilatéralisme. Les premières décisions présidentielles prises viennent illustrer cette vision. Pour preuve, dès son entrée en fonction, les accords commerciaux de libre-échange sont remis en cause. En effet, le 23 janvier 2017, Donald Trump décide de retirer les États-Unis du Pacte de Partenariat Trans-Pacifique (TTP) conclu auparavant par son prédécesseur Barack Obama en 2016 et qui impliquait le Canada, les pays d’Asie et du Pacifique (exceptée la Chine). Cette décision révèle une erreur stratégique, puisque diminuant l’influence des États-Unis en Asie et laissant ainsi la voie libre à la Chine de renforcer davantage son hégémonie dans cette région du monde.

Le Président américain va aussi demander et obtenir la renégociation de l’Accord du libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA), conclu en 1994 entre le Canada, le Mexique et les États-Unis. Ensuite, il décide d’imposer des taxes douanières sur les importations, dont 25% sur celles d’acier et de 10% sur celles d’aluminium visant particulièrement la Chine.

Son mépris pour le multilatéralisme se manifeste également par sa défiance à l’égard des organisations internationales et particulièrement envers l’ONU à travers sa volonté de diminuer la contribution financière des États-Unis. Devant l’Assemblée Générale de l’ONU, en septembre 2017, il plaide pour  la souveraineté des États et dénonce l’idéologie du mondialisme en 2018. Son Administration va ensuite notifier le retrait des États-Unis de l’UNESCO en octobre 2017, du Conseil des Droits de l’Homme (CDH) en juin 2018 et aussi la suppression de leur participation au financement de l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) en août 2018, confirmant sa politique unilatéraliste et isolationniste.

Les autres caractères fondamentaux du trumpisme en matière de politique étrangère sont notamment le retrait des États-Unis de plusieurs Accords internationaux comme entre autres : l’Accord de Paris sur le climat,  l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien signé en juillet 2015, et tout récemment la sortie du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) de 1987, faisant craindre ainsi une nouvelle course aux armements.

Par ces multiples initiatives controversées, Donald Trump, involontairement, isole et affaiblit considérablement la stature internationale des États-Unis.

Le Président Trump ne semble pas s’occuper de diplomatie. Il semble surtout se préoccuper de la manipulation symbolique pour faire écho auprès de son électorat, à cette fraction de la société américaine qui a désormais peur de la mondialisation, de l’immigration.

Cette superpuissance américaine sous Trump n’est plus en position de gouverner, d’affirmer son leadership sur la gouvernance mondiale. Sous Trump, c’est une Amérique isolée, affaiblie sur le plan international et en position de protestation permanente contre la mondialisation, contre les engagements internationaux, contre l’altérité validant de plus en plus la thèse du déclin du « siècle américain »

EBIBAKRY SOW, Etudiant-chercheur en Master 2 Recherche Relations Internationales et Diplomatie à l’ISPRIC

Source: Infosept

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