Les fabricants de clopes installés dans notre pays ont jeté leur dévolu sur l’Afrique pour prospérer. La journaliste Marie Maurisse va enquêter sur ces pratiques.
Comment les «cigarettes made in Switzerland» enfument l’Afrique? C’est le sujet de l’enquête que va mener la journaliste indépendante Marie Maurisse si Public Eye parvient à récolter les 15 000 francs nécessaires via son crowdfunding lancé hier. Pour fêter ses 50 ans, l’association avait invité des journalistes et collaborateurs d’ONG à soumettre des projets d’enquête sur les pratiques douteuses de sociétés suisses dans les pays pauvres. Sur les 55 propositions provenant de 22 pays c’est le projet de Marie Maurisse qui a retenu l’attention du jury. «Les cigarettiers font partie des piliers de l’économie suisse. Mais il est difficile d’obtenir des informations sur leurs pratiques, notamment dans les pays pauvres», relève Géraldine Viret, responsable médias de Public Eye.
En Suisse, comme dans tous les pays à hauts revenus, le gouvernement multiplie les politiques de prévention et augmente les taxes pour freiner le tabagisme. Marie Maurisse a identifié trois stratégies que les cigarettiers ont mises en place pour continuer à prospérer: un lobbying intense pour étouffer la lutte antitabac, la création de produits dérivés vendus comme moins nocifs et la conquête de nouveaux marchés. Et c’est sur l’Afrique qu’ils ont jeté leur dévolu. «La consommation du tabac est en baisse dans les pays développés tandis qu’elle ne cesse d’augmenter dans les pays en voie de développement. Chaque année, 28 milliards de cigarettes sont fabriquées dans les usines suisses et la plupart sont destinées aux marchés étrangers. C’est en Afrique qu’il y a le plus de ces exportations», explique la journaliste. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le continent africain est même déjà asphyxié par l’explosion du tabagisme.
L’enquête de notre consœur portera sur la composition des cigarettes fabriquées en Suisses et exportées en Afrique ainsi que sur le marketing mené auprès des jeunes Africains. «Je n’aimerais pas révéler trop de détails, de peur que cela me porte préjudice dans mon enquête. Mais ma première hypothèse, c’est que la composition des cigarettes destinées à l’Afrique est encore plus nocive que pour celles vendues en Suisse ou en Europe. Les normes suisses ne permettraient pas leur commercialisation chez nous. D’autre part, les jeunes sont, là-bas comme ici, les premières cibles des stratégies de croissance cyniques de ces multinationales. J’aimerais me rendre sur place pour analyser comment les cigarettiers s’y prennent pour séduire cette tranche de population.»
La journaliste est convaincue que si Philip Morris, British American Tobacco et Japan Tobacco ont leurs sièges chez nous, c’est pour échapper aux normes européennes. Une thématique qu’elle aimerait aussi approfondir. Pour soutenir son enquête, il suffit de taper «Public Eye» sur Wemakeit. (Le Matin)