Le départ de la Mission de l’ONU au Congo (MONUSCO) a déjà été enclenché, a affirmé lundi soir la responsable de la mission, Bintou Keita, notant que ce retrait sera effectué de façon “digne et pacifique” et aussi “responsable et organisée” (photo ci-dessus Monusco).
Il s’agira de garantir “les conditions sécuritaires liées à la montée en puissance de l’armée et de la police congolaise, l’amélioration de la gestion des ressources à travers la prise en charge des services sociaux de base, la création d’emplois pour les jeunes, etc.”
Cette déclaration m’a été confirmée par le ministre congolais de la Communication, PatrickMuyaya, qui sans s’avancer sur un calendrier, a assuré que le mandat de la MONUSCO prendra fin le 31 décembre prochain. Lundi, lors de son point presse commun avec Bintou Keita, il a déclaré que “le gouvernement qui travaille sur ce plan de retrait y a défini quatre axes principaux, à savoir: la réduction sensible de la menace des groupes armés, le renforcement de la capacité de répondre à la protection des civils, la mise en œuvre du Programme de démobilisation et l’organisation des élections libres, transparentes et crédibles dans le délai constitutionnel”.
Petit rappel: la mission de maintien de la paix de l’Onu rassemble près de 18 200 personnes; elle a pris le relais d’une précédente opération de l’Onu en 2010. Son mandat consiste notamment à soutenir les efforts du gouvernement local pour stabiliser une région en proie à la violence de groupes rebelles.
Si ce retrait est acté, il démarrera après les élections présidentielles du 20 décembre. A six mois des élections, la campagne s’annonce très tendue en RDC, avec une opposition qui fulmine contre un régime bien décidé à rester au pouvoir, sur fond de conflit dans l’est et de crise sociale. La présidentielle, à un seul tour, est couplée à l’élection des députés nationaux et provinciaux ainsi que des conseillers communaux. Félix Tshisekedi, président depuis janvier 2019, est candidat à un second mandat de cinq ans.
C’est donc dans un contexte sécuritaire très tendu que le départ de la Monusco va s’organiser.
Ces tensions sécuritaires sont particulièrement vives dans les provinces de l’est où la Monusco déploie la quasi-totalité de ses moyens, où les soldats de la force de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) tentent d’exister, où les FARDC (forces armées congolaises) ont toujours du mal face aux nombreux groupes armés qui pratiquent terrorisme et/ou banditisme, et où plusieurs centaines de contractors européens (Roumains, Bulgares, et même Français) sont signalés.
Le départ des Casques bleus aura des conséquences humanitaires indiscutables. Les ONG locales, nationales et internationales (comme le programme d’assistance humanitaire des Nations Unies, l’UNHAS) ne pourront plus compter sur l’assistance et la protection des Casques bleus. Leur champ d’action sera donc plus limité et leurs activités seront soumises aux aléas logistiques et sécuritaires.
La fin de la MONUSCO signifie aussi la disparition de nombreux emplois locaux, ce qui pénalisera l’économie dans les Kivu en particulier.
“Le but de chaque mission de maintien de la paix des Nations Unies est de prendre fin”, avait rappelé l’Estonie, lors d’une séance à New York, le 8 septembre 2021, consacrée au retrait des opérations de maintien de la paix et à la phase de transition. Certes mais “Il y a indéniablement une tendance lourde : les opérations multidimensionnelles de grande taille déployées en Afrique arrivent en fin de course”, résumait l’an dernier, sur France 24, Michel Luntumbue, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).
Faut-il repenser ces missions, coûteuses, où les Casques bleus ont un rôle d’arbitre passif? Effectivement, ne doivent-ils pas, pour l’essentiel, “se contenter d’atténuer les dommages d’une violence endémique qu’ils ne peuvent maîtriser”, comme l’écrivait en 2013, Michel Liégeois dans Politique étrangère (“Quel avenir pour les Casques bleus et le maintien de la paix ?”).
Comment mettre, par ailleurs, un terme à l’impunité des crimes contre le personnel en uniforme. En effet, “pas un mois ne s’écoule sans que l’un d’eux soit attaqué”, s’alarmait en février dernier le Président de l’Assemblée générale, le Hongrois Csaba Kőrösi.
Source : ouest-france