La réalisation d’une fédération du Mali avec « l’Azawad » explique en grande partie ce génocide des peuls. Un temps imaginée pendant la colonisation, la création d’un État regroupant Maures de Mauritanie et Touaregs du Mali au sein de l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) a laissé progressivement place à l’idée de l’indépendance du nord du Mali puis a une fédération avec le Mali. Acculé et tenu en laisse, Bamako s’est placé sous la tutelle de Nouakchott qui a un autre agenda : soutenir la lutte des « frères » et régler la question peule, déstabiliser le Sénégal et la sous – région jusqu’en Guinée pour définitivement assujettir sa composante noire.
Et la France dans tout çà ? Complice parce qu’elle voit, sait, laisse faire et a les moyens d’arrêter. Pour abattre un seul jihadiste peul, Amadou Koufa, chef du Front de libération de Macina (FLM), mouvement armé né dans le centre du Mali, elle n’a pas lésiné sur ses moyens. Dans un communiqué, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, a salué l’action de ses forces : « Cette opération a combiné l’action de nombreux moyens aériens : avions Mirage 2000, hélicoptères Tigre et Gazelle appuyés par des drones Reaper, ravitailleur C135 et hélicoptères de manœuvre. Des frappes aériennes ont permis de réaliser un effet de sidération sur l’objectif, puis d’exploiter cette action par des assauts héliportés et par l’engagement au sol des militaires français » (journal Le Monde du 23 novembre 2018).
Pourtant, des voix s’étaient élevées au début de l’occupation du nord du Mali pour alerter, prévenir et proposer des solutions. Elles ont été rendues inaudibles par le silence assourdissant des classes politiques de notre sous – région. Voici un extrait d’une de nos modestes publications, Boubacar Diagana et moi, en 2012.
« ..La base de la revendication indépendantiste étant identitaire (Touareg), que deviendraient les milliers de Songhaï, Arabes, Fulbe, Bamanan et autres minorités enracinées depuis des siècles dans cette partie du territoire malien ? Plus généralement, la porosité de nos frontières est et nord et le développement d’activités de trafics de tous genres dont cette partie est jusque-là le théâtre constituent une source d’instabilité sérieuse pour les populations des Hodhs et de l’Assaba, ainsi que pour leurs activités productives d’agriculture et d’élevage…
L’enseignement ultime à tirer de cette situation pour nous Mauritaniens, est que dans un pays multiracial, il faut prendre en compte les revendications légitimes des différentes composantes au risque de les voir ressurgir plusieurs dizaines d’années plus tard. Pour le cas malien comme pour la Mauritanie, la prise en compte des intérêts de l’ensemble des populations à travers une véritable politique qui mette en valeur les ressources et les spécificités de chacune des parties semble être le meilleur rempart. Cette situation rappelle la nécessité impérieuse d’une véritable décentralisation dont l’objectif recherché est le développement des collectivités territoriales, accordant une large place à la gouvernance locale… ».
Ciré Ba – Paris, le 4 janvier 2019