Le Delta Intérieur du Niger (DIN) se singularise, entre autres, par l’étendue de ses terres inondables, la richesse de ses bourgoutières, la grande variété d’habitats aquatiques (marécages, lacs, mares, plaines et forêts inondables). Il y a lieu d’y ajouter son refus (catégorique) de recevoir quelque apport extérieur que ça soit après le Yamé de Bandiagara. Bizarrerie de la nature!
Avec une moyenne pluviométrique annuelle de 537 mm/an, le bassin versant du Yamé est soumis à un climat sahélo-soudanien caractérisé par une alternance entre une saison sèche qui dure 9 mois, d’octobre à juin, et une saison humide de 3 mois, de juillet à septembre. Ainsi, le régime hydrologique du Yamé est caractérisé par une forte irrégularité, reflétant la saisonnalité des précipitations. Pendant la saison sèche, la plus grande partie du cours d’eau est à sec. Au contraire, pendant la saison humide, les pluies intenses sous forme d’orages génèrent, de l’amont à l’aval du Yamé, des flux liquides et solides véhiculés par une vitesse élevée.
Cet affluent de la rive droite du fleuve Niger prend sa source sur le plateau gréseux du pays Dogon dont il est le cours d’eau principal. Alimenté par le Kama, le Golo, le marigot de Lougourougoumgou, le Douro et le Bougirivol-Ondobaye sur sa rive droite et les marigots Doundioulou et de Koko sur sa rive gauche, le Yamé de Bandiagara se distingue aussi par ses 137 km de longueur.
Il dévale le plateau dans une succession de rapides dus à des seuils rocheux interrompus de temps en temps par des étendues d’eau calme à la traversée des bas-fonds ou de petites plaines de culture. D’Est en Ouest, il traverse ainsi ces trois unités paysagères différentes : le plateau de Bandiagara, massif gréseux qui plonge doucement sous les glacis d’accumulation (pente douce) qui sont eux-mêmes recouverts par les alluvions du delta intérieur du Niger.
Le débit du Yamé est le plus élevé en août-septembre mais il n’est pas uniforme et subit des variations considérables en saison des pluies (de 1 à 5 m3/s au niveau de Bandiagara et de 5 à 10 m3/s au niveau de Goundaka) pendant les années humides.
Cette rivière et ses affluents sont les seuls cours d’eau qui coulent en permanence pendant la saison des pluies. Dans les zones où l’eau est permanente, c’est-à-dire à l’amont du Yamé et près du lac de Bandiougou, dans la basse vallée, les habitants ont développé une activité maraîchère irriguée. Dans le reste de la vallée où le Yamé s’assèche pendant la saison sèche, on pratique une agriculture pluviale avec la culture du mil, qui est permise les précipitations. Enfin, à l’aval, dans le delta intérieur du Niger, les caractéristiques hydro-géomorphologiques particulières qui s’illustrent par l’immersion de la plaine alluviale pendant plusieurs mois, permettent le développement de la riziculture, partie intégrante du casier de Sampara (Office riz Mopti).
Les sécheresses des années 1970 et de celle des années 1980 ont été éprouvantes pour les populations et leur environnement dans la zone. C’est ainsi que pour minimiser les risques d’insuffisance pluviométrique, elles ont commencé à occuper les dépressions et les zones humides du Yamé. Depuis, l’affluence des agriculteurs autochtones aussi bien qu’allochtones n’a cessé de croître au détriment de la coupe des ressources ligneuses et herbacées en vue d’installer les cultures de céréales. Les abords du Yamé furent littéralement occupés par les spéculations agricoles (sorgho, niébé) associées aux agrumes (manguiers, goyaviers). Quant à son lit, il était également exploité en saison froide pour les cultures maraîchères (oignons, tomates, courges, patates, calebasses, etc.). Les conséquences de ces activités sur l’environnement ont été entre autres :
– l’érosion hydrique et la baisse de la fertilité des sols ;
– la dégradation voire la disparition des arbres, des pâturages et de la faune.
Toutefois, en termes d’adaptation au changement climatique, la plantation d’Eucalyptus a permis la réduction de la pression sur les formations naturelles, la reconstitution de la couverture végétale ligneuse, la réapparition de la petite faune et la reconstitution et la restauration des sols sur les 26 km allant de Goundaka à Sampara en traversant les communes rurales de : Pignari-Bana (cercle de Bandiagara), Socoura, Fatoma, Kounari et Bassirou (cercle de Mopti).
Le majestueux Yamé et ses riverains rentrent, par la force des choses, dans une nouvelle forme d’Agriculture et un bouleversement total des habitudes culturales et d’organisation socio-économique. /
Bocary Traoré dit Bayo
Ingénieur géophysicien
Le Républicain