L’opposition a boycotté le vote à l’Assemblée, dénonçant un texte permettant à Idriss Déby de rester au pouvoir jusqu’en 2033.
Les députés tchadiens ont adopté, lundi 30 avril, une nouvelle Constitution instaurant un régime présidentiel et renforçant les pouvoirs du président Idriss Déby, lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, qui a tenté de manifester devant le Parlement.
L’Assemblée nationale a voté le projet de Constitution par 132 voix pour, 2 contre. Une forte présence policière était visible aux abords de l’Assemblée nationale à N’Djamena, l’opposition et plusieurs organisations de la société civile ayant appelé à manifester dans la matinée. La route menant au Parlement était quadrillée par les forces de l’ordre.
Un mandat de six ans, renouvelable une fois
La majorité des 33 députés de l’opposition, sur les 170 que compte l’Assemblée, a boycotté le scrutin pour protester contre l’adoption du projet de révision constitutionnelle par voie parlementaire. L’opposition, des organisations de la société civile et l’Eglise catholique avaient demandé qu’il soit adopté par référendum. Pour la conférence épiscopale, l’adoption du texte par l’Assemblée « risque de fausser gravement les règles du jeu démocratique », dans la mesure où le pouvoir y dispose d’une écrasante majorité.
Le texte est issu des résolutions d’un forum rassemblant les forces politiques, religieuses et sociales du pays, tenu en mars mais boycotté par l’opposition et une partie de la société civile. Le texte prévoit que le mandat du président passera à six ans, renouvelable une fois, contre cinq ans renouvelable indéfiniment actuellement. Idriss Déby, 65 ans, en est à son cinquième mandat, qui doit s’achever en août 2021. Cette limitation ne convainc pas l’opposition, qui relève qu’Idriss Déby pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2033.
Les ministres, nommés par le président, prêteront serment devant celui-ci, qui pourra aussi « déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ». « Déby seul sera aux commandes, plus qu’il ne l’était déjà », estime l’un des principaux partis d’opposition, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR). Le texte prévoit aussi que le gouvernement sera responsable devant l’Assemblée nationale et que les députés seront élus au suffrage universel direct.
Dénonçant un « vote quasi mécanique » au Parlement, l’UNDR avait appelé samedi les Tchadiens à protester. « L’ensemble des partis politiques de l’opposition a voulu manifester ce [lundi] matin devant l’Assemblée nationale, pour protester contre le vote à l’Assemblée, mais les forces armées étaient présentes tout autour du Parlement », a indiqué à l’AFP le porte-parole de l’UNDR, Tchindebbé Patalle.
Deux militants de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme (CTDDH) qui « voulaient faire un sit-in à l’Assemblée » ont été arrêtés, a déclaré son président, Mahamat Nour Ibedou, à l’AFP. Ils ont été libérés en fin de journée.
Des élections législatives avant la fin de l’année ?
Au Tchad, les manifestations de rue sont rares. N’Djamena, qui a connu plusieurs coups d’Etat et lutte contre les djihadistes du groupe nigérian Boko Haram sur les abords du lac Tchad, estime que les rassemblements de foule représentent un risque sécuritaire. Des élections législatives, repoussées depuis 2015, devraient avoir lieu avant la fin de l’année.
Pays d’environ 1,3 million de km2 en partie désertique, le Tchad est frappé par une crise économique consécutive à la chute des cours du baril en 2014. Des tentatives de diversification économique sont en cours. Le pays, qui compte environ 14 millions d’habitants, est classé parmi les plus pauvres du monde, selon l’Indice de développement humain (IDH) onusien. La mise en place de nouvelles mesures d’austérité début 2018 a provoqué deux mois de grève dans la fonction publique.
Allié de l’Occident dans la lutte contre les djihadistes, le Tchad fournit des soldats et des appuis financiers à des forces internationales, comme le G5 Sahel et la Force multinationale mixte (FMM) au lac Tchad, et se bat aux côtés des Français de l’opération « Barkhane », dont le siège est à N’Djamena.