Une semaine à peine après l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, le représentant de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui a conduit une mission d’évaluation de la Transition à Bamako les 11 et 12 janvier derniers, c’est le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, qui séjourne dans la capitale malienne pour une visite de plusieurs jours. Entre rencontres avec les autorités de la Transition, la société civile et les acteurs du processus de paix, l’objectif de cette visite, a laissé entendre l’émissaire de l’ONU à son arrivée le 16 janvier dernier à Bamako, est de voir « la manière dont nous, Nations unies, et particulièrement la MINUSMA, pouvons accompagner à la fois la Transition et aider les efforts en cours pour traiter les problèmes de sécurité et les autres problèmes qui affectent ce pays ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette visite ne pouvait pas mieux tomber, puisqu’elle intervient au moment où l’hydre terroriste semble reprendre du poil de la bête dans ce pays où les Forces armées maliennes (FAMA) et leurs alliés internationaux comme la force française Barkhane et la Minusma, sont mises à rude épreuve sur le terrain de la sécurisation du territoire.
On peut se demander si ce ballet diplomatique sur les bords du fleuve Djoliba, ne vise pas à garder un œil sur la Transition
En effet, pas plus tard que les 13 et 15 janvier derniers, cinq soldats onusiens perdaient la vie dans la Région de Tombouctou et à Tessalit. Avant eux, ce sont deux soldats français qui passaient de vie à trépas au contact de leur blindé avec un engin explosif improvisé dans la région de Ménaka, le 2 janvier dernier, soit seulement une semaine après que trois autres de leurs camarades sont tombés au front dans la zone dite « des trois frontières », entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Quant aux FAMA, elles ne sont pas en reste puisque l’un de leur convoi a été la cible d’une attaque terroriste le 26 décembre dernier dans la région de Mopti, entre Dinangourou et Mondoro, au cours de laquelle une dizaine d’assaillants ont été neutralisés, selon des sources sécuritaires maliennes. C’est dire si Bamako vaut bien cette visite du chef du département des opérations de paix des Nations unies, pour non seulement remonter le moral des troupes en ces moments particulièrement difficiles, mais aussi aviser sur la façon de mieux adapter le dispositif sécuritaire face à un ennemi à la capacité de nuisance toujours aussi importante. Ce, au moment où la Transition malienne se montre encore poussive et fait l’objet de polémique de la part d’une partie de la classe politique qui ne cesse de dénoncer la forte militarisation des institutions et la gestion en solitaire des hommes en kaki. Aussi peut-on se demander si ce ballet diplomatique des émissaires de la CEDEAO et de l’Organisation des Nations unies sur les bords du fleuve Djoliba, ne vise pas à garder un œil sur cette Transition à l’effet d’éviter qu’elle ne dévie de son objectif premier qui est de conduire le pays à des élections libres et transparentes dans le délai imparti de 18 mois, pour un retour au plus tôt à l’ordre constitutionnel normal.
Il appartient aux différents acteurs de la crise malienne de montrer une réelle volonté d’avancer et de progresser sur le chemin de la paix
Comment peut-il en être autrement quand les hommes en treillis qui ont réussi le tour de force de se tailler la part du lion dans cette Transition qui se voulait pourtant civile avec la bénédiction de la communauté internationale, notamment la CEDEAO, ne donnent pas suffisamment de gages de la noblesse de leurs intentions après avoir déposé le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), encore moins de leur désintérêt du pouvoir ?
C’est dire si avec ce ballet de visiteurs de haut rang, le Mali reste globalement une préoccupation pour la communauté internationale. Surtout en cette période charnière et sensible où la Transition elle-même est encore à la recherche de ses marques ; toute chose qui laisse peu de place à l’application des accords d’Alger censés sortir le pays de l’impasse. C’est pourquoi l’on se demande si la visite du Monsieur paix de l’ONU qui a aussi, dans son agenda, des rencontres avec les officiels maliens et les acteurs du processus de paix, permettra de faire bouger les lignes dans le sens du dialogue. Il y va de l’intérêt et de la stabilité du Mali.
En tout état de cause, il est plutôt heureux de voir que la communauté internationale ne veut pas abandonner le Mali à lui-même et à son difficile sort, en multipliant les efforts d’accompagnement à son endroit. Mais comme le dit l’adage, « quand on te lave le visage, il faut pouvoir te laver toi aussi le dos ». Par conséquent, il appartient aux différents acteurs de la crise malienne de montrer une réelle volonté d’avancer et de progresser sur le chemin de la paix, en jouant avec sincérité leur partition chacun en ce qui le concerne, et en s’impliquant résolument dans le processus de sortie de crise. C’est à ce prix que le pays peut espérer voir le bout du long tunnel.
« Le Pays »