Dans un entretien qu’il nous a accordé, Yacouba Katilé, secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm), la plus grande centrale syndicale du pays, donne son point de vue sur les acquis et les préoccupations de leur centrale syndicale durant les trois ans passés au pouvoir par IBK.
Aujourd’hui-Mali : Quelle est l’opinion de votre centrale syndicale sur les trois ans d’IBK à Koulouba, notamment sur la prise en compte de vos préoccupations et les sujets d’actualité ?
Yacouba Katilé : C’est vrai que le Président IBK va fêter ces trois ans à Koulouba, mais nous nous sommes aux commandes de l’Untm il y a de cela environ deux ans. Lorsque nous avons pris les choses en main, les travailleurs avaient fait un certain nombre de résolutions portant sur l’amélioration de leurs conditions de travail. Ces résolutions ont été déclinées en cahier de doléances qui a été déposé sur la table du Gouvernement. D’habitude, si cela se faisait, après avoir analysé ces doléances, le Gouvernement prenait des dispositions pour mettre sur place une commission afin d’étudier nos préoccupations. Vous avez suivi en son temps, trois mois après le dépôt de ce cahier, nous n’avions reçu aucune suite, ni du coté du président de la République, ni de son Gouvernement, a fortiori du Patronat.
Le dernier élément qui nous restait pour faire venir le Gouvernement autour de la table des négociations, c’était le préavis de grève. Ce que nous avions fait et cela a abouti à la mise en place d’une commission de conciliation. N’ayant pu nous entendre, la grève a été consommée. Après cela, le Gouvernement s’est précipité à nous recevoir, cette fois-ci avant qu’on ne dépose un autre préavis pour qu’on échange sur la situation. Et nous avons compris, plus tard, qu’à travers cette politique, le Gouvernement voulait gagner beaucoup plus de temps, sans proposer quelque chose de concret. C’est pourquoi, nous nous sommes retirés de ce cadre de concertation là et déposé un autre préavis pour contraindre le Gouvernement, dans un laps de temps, à mettre en place quelque chose au profit des travailleurs. Et Dieu merci, nous nous sommes entendus sur quelques points de nos revendications à travers un protocole. Et de cette date à maintenant, nous sommes en train de faire l’évaluation de la mise en œuvre de ce protocole. Il y a des avancées, même si un certain nombre de choses restent à faire. Notamment la question des ex-travailleurs de l’Huicoma, de l’hôtel Azalaï, de certaines sociétés. Nous sommes en train de nous battre pour que ces ex-travailleurs puissent avoir leur droit. Nous n’allons pas transiger sur cette question.
Sur un autre plan, parmi nos revendications il y avait les questions des tarifs d’eau et d’électricité. Heureusement, avec l’accord que nous avons eu avec le Gouvernement, ces préoccupations ont été prises en compte. Au-délà des fonctionnaires, ces mesures arrangent l’ensemble des Maliens.
S’agissant de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, nous avons eu à faire des observations et ce que nous déplorons, notamment la plupart des observations que nous avons eu à faire, n’ont pas été prises en compte dans l’Accord. Mais qu’à cela ne tienne, lorsque le gouvernement a demandé à l’Untm d’être dans la délégation de la société civile pour une mission en Europe afin de leur expliquer la réalité du pays pour qu’ils soutiennent le Mali, par ricochet l’Accord, nous avons joué notre partition. Au retour, nous avons fait la restitution de cette mission. Mais lorsqu’à un moment donné nous avons compris que certains voulaient qu’on transforme ces séances de restitution comme des actions de soutien sans faille au Gouvernement, comme quoi l’Accord qui a été signé est un accord parfait, c’est en ce moment que nous n’avons pas pu nous comprendre. Car nous avons dit en son temps qu’il y a des déséquilibres dans cet Accord-là, en fermant les yeux sur ces déséquilibres, cela peut constituer des dangers pour les travailleurs. Et nous, responsables syndicaux, nous ne sommes pas à la recherche d’un pouvoir quelconque, mais sommes pour le bien-être des travailleurs. C’est en ce sens que nous constituons un groupe de pression pour que le Gouvernement aille dans le sens des préoccupations de nos membres.
En tout cas, il faut, dans de telles préoccupations nationales, comme l’Accord paix, prendre en compte les opinions différentes. Une de nos préoccupations, aujourd’hui à l’Untm, c’est la menace sur la liberté syndicale, par exemple une école privée a recruté des enseignants et un moment ça n’allait pas entre eux. On se permet d’aller interpeller ces enseignants à la gendarmerie et les déférer sous prétexte qu’ils sont en train de créer le désordre dans cette école. C’est une violation flagrante de la liberté syndicale. Si le promoteur avait consulté la centrale syndicale mère, on pouvait éviter ce genre de situations. On pouvait même faire revenir nos camarades à la raison. Aussi, au niveau des structures étatiques, des responsables administratifs vont souvent jusqu’à refuser la mise en place d’un comité syndical. Nous ne pouvons pas comprendre, après les événements de mars 1991, qu’on puisse refuser dans ce pays la mise en place d’un bureau syndical.
Donc vous voulez dire qu’il y a du recul sur le plan de la liberté syndicale ?
Evidemment, cela malgré que le ministre de la Fonction publique ait adressé des lettres circulaires aux services administratifs du Gouvernement et au Patronat quant au respect de la liberté syndicale.
Aujourd’hui, votre cahier de doléances a été satisfait jusqu’à quel taux?
De toutes les façons, notre cahier de doléances a été satisfait au delà de 50%. Cependant, il reste des points qui ne sont pas encore satisfaits. Et le Gouvernement fait semblant de les oublier. Mais nous sommes une structure responsable car le pays ne se limite pas seulement à nous les travailleurs, il y a encore, au-delà, d’autres préoccupations. C’est pour cela que nous gardons le silence, sinon ce n’est pas par oubli et au moment opportun on verra.
Un haut cadre du parti au pouvoir (Rpm) nous a confié récemment que ce que le Gouvernement IBK a fait pour les fonctionnaires maliens, aucun autre régime ne l’a fait depuis l’indépendance jusqu’à nos jours. Vous confirmez ces propos ?
Cela peut être vrai, si on fait allusion à ce que nous avons obtenu à la suite de l’accord que nous avons signé avec le Gouvernement, notamment l’augmentation de la valeur indiciaire. Mais qu’on n’oublie pas que la population du Mali et les ressources ont aussi augmenté. Je suis du service des douanes, les ressources mobilisées par la douane étaient environ de 45 milliards Fcfa par an dans le passé, mais maintenant la douane fait par mois un minimum de 40 milliards Fcfa. Ça c’est le premier élément. En disant qu’ils ont fait plus, ils font allusion aux allocations familiales, depuis l’indépendance on était à 1 500 Fcfa. L’accord que nous avons eu avec le Gouvernement, nous fait passer de 1 500 à 3 500 Fcfa pour les enfants valides et 4 000 Fcfa pour les handicapés. C’est une réalité, le Gouvernement a fait des efforts. En dehors de cela, il y a aussi le Smig qui est passé, avec l’accord précité, de 28000 Fcfa, à 40 000 Fcfa. L’Its également a été réduit. S’agissant des frais de location nous avons eu des acquis sur papier, mais dans la pratique c’est autre chose.
Propos recueillis par Kassoum THERA
Source : Aujourd’hui-Mali