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Le rôle central de la justice belge dans le procès Habré

Il aura fallu quinze ans de bataille politico-judiciaire entre deux champions de la justice internationale, la Belgique et le Sénégal, pour que le procès d’Hissène Habré, l’ex-président tchadien accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, puisse avoir lieu, à Dakar.

Hissène Habré ancien dictateur

Pour comprendre cette saga judiciaire, il faut remonter au printemps 2000, lorsque des victimes de la dictature Habré, soutenues par Human Rights Watch (HRW) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), sont déboutées par la justice sénégalaise de leur plainte pour torture.

De nationalité belgo-tchadienne, elles se tournent alors vers la Belgique. Les juridictions du royaume sont compétentes pour juger les crimes de masse commis loin de leurs frontières et par des étrangers. Très vite, le juge d’instruction Daniel Fransen, qui devrait d’ailleurs déposer devant le tribunal à Dakar, s’empare du dossier.

Le juge d’instruction Daniel Fransen, de Bruxelles à « la piscine »

Premières auditions, premiers rapports. « Mais c’est encore maigre, trop maigre », entend-on alors entre les murs du monumental palais de justice de Bruxelles. L’équipe « crimes de guerre » de la Belgique ne compte à l’époque qu’une poignée de magistrats et de policiers.

La foi chevillée au corps, le juge décide de conduire une commission rogatoire au Tchad. Sa demande navigue d’ambassades en ministères et emprunte des chemins détournés, via la représentation belge au Cameroun. La Belgique n’a pas de représentation au Tchad et souhaite préserver le secret de l’instruction.

La justice belge contourne donc l’ambassade de France à N’Djamena, craignant que le poids des amitiés françaises avec l’ex-président tchadien puisse ralentir le dossier. En février 2002, le juge s’envole pour N’Djamena et se rend notamment à « la piscine », l’ancien centre de détention du régime Habré.

Mais alors que l’enquête avance, on craint déjà que l’exilé quitte le territoire sénégalais, même si les Tchadiens estiment alors que « le type est trop fier pour aller en pirogue ». Après cinq ans d’instruction, le juge belge délivre un mandat d’arrêt contre l’ex-chef d’Etat exilé à Dakar et demande au Sénégal de l’extrader.

Une lutte juridique entre le Sénégal et la Belgique

« Dès le moment où le Sénégal est entré dans le jeu, notre choix a toujours été de privilégier un jugement au Sénégal ou en Afrique, raconte aujourd’hui Philippe Meire, procureur fédéral de Belgique. L’Europe n’intervenait que par défaut. Pour nous, la solution de juger Hissène Habré au Sénégal était la meilleure ». Mais c’est là que l’affaire se complique.

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Impossible au Sénégal de trahir un ex-président exilé sur ses terres. Encore moins de le livrer au glaive d’une ancienne puissance coloniale sur le continent. D’autant que depuis le début de son exil en décembre 1990, l’ex chef d’Etat a noué des amitiés solides dans le pays.

C’est donc l’Union africaine qui, en 2006, tranche, et demande au Sénégal de juger l’ex-président « au nom de l’Afrique ». Des juristes se mettent alors à plancher sur la mise sur pied d’un tribunal spécial, qui sera composé de magistrats du continent.

Lire aussi : L’Afrique veut-elle vraiment juger ses dictateurs, ou le procès d’Habré restera-t-il une exception ?

L’Union africaine et l’Union européenne négocient un financement du procès. Mais le président sénégalais Abdulaye Wade rechigne, demande 65 millions d’euros pour juger Habré, puis en juillet 2011, menace de l’expulser au Tchad, qui rétorque qu’il sera alors extradé vers Bruxelles.

L’affaire traîne et la Belgique se lasse. Elle fait entrer sur le ring la Cour internationale de justice (CIJ), instance onusienne chargée de régler les différends entre Etats. « Qu’ils jugent, ou à défaut, qu’ils extradent ! dit en substance Bruxelles, qui au printemps 2012 plaide que « les 40 000 victimes [du régime habré] vieillissent et le temps qui s’écoule a déjà vu s’éteindre bon nombre d’entre elles. »

L’ex-chef d’Etat, 72 ans aujourd’hui, vieillit lui aussi. Le 20 juillet 2012, la CIJ ordonne au Sénégal de le juger. L’élection, trois mois plus tôt, de Macky Sall à la tête du Sénégal accélère aussi le dossier. Le tribunal se met lentement en place. Les juges sénégalais mènent une commission rogatoire à Bruxelles.

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« Les discussions n’ont jamais été interrompues, rappelle Philippe Meire. In fine, nous nous sommes rassemblés, magistrats belges et magistrats sénégalais, en mai 2013, autour du dossier. Deux pays se sont finalement retrouvés pour collaborer, pour rendre une justice commune à l’égard de crimes de gravité internationale. »

 

Source: lemonde

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