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Le président du groupe parlementaire ADEMA-PASJ, le député de Koro, Issa Togo : « Tout le peuple malien doit se lever contre cette tragédie »

Dans cette interview exclusive qu’il a nous a accordée le jeudi dernier à l’Assemblée Nationale, ne marge d’une séance plénière, le député le plus influent de Koro, non moins président du groupe parlementaire ADEMA-PASJ, Issa Togo sonne l’l’alerte générale pour que le peuple malien dans son ensemble se l-ve, comme un seul homme contre les tueries et autres attaques terroristes dans le centre du pays. Il plaide pour des discussions franches et sincères entre les communautés et en particulier avec les jihadistes pour le retour de la paix.

MALI-HORIZON : Honorable, sans passer par quatre chemins, qu’est-ce qui se passe à Koro ? Qu’est-ce qui se passe dans le centre ?

Issa Togo : Ce qui se passe à Koro, dans le centre est très long, je ne peux pas rentrer dans les genèses de tout ça. Mais concernant les événements récents de Yoro et à Gangafani2, ce qui s’est passé c’est qu’à 18 heures 30 minutes, le lundi dernier, les assaillants sont venus pour envahir le village. Il ya eu quelques résistances de la part des deux villages, mais entre tant, on a fait appel  quand même aux autorités afin de venir aider à desserrer le taux autour du village. Mais malheureusement, les renforts ne sont pas  arrivés et l’inévitable est arrivé. Le matin, on se réveille, pour un départ, on nous a parlé de 14 morts à Gangafani et 7 à Yoro. De recherches en recherches, on trouve au niveau de Yoro 24 morts et Gangafani toujours 17, ce qui fait un bilan de 41 morts. Le même jour, les assaillants sont revenus le soir et ont fait 1 mort et le lendemain, ils sont revenus faire 1 mort à Yoro et 1 à Gangafani, donc ce qui fait 43 morts. L’armée est présentement sur le terrain, et nous avons vu aussi des survoles des hélicos de la MINUSMA. Quand le problème est survenu, on a en parlé aux autorités maliennes. Pour celui qui veut  sauver une population en détresse, tu t’adresses à tout le monde. Nous avons aussi envoyé le message à la MINUSMA qui a envoyé des avions, qui font le survole de reconnaissance. Mais présentement, la situation est sous contrôle, la population commence à  rentrer parce qu’elle avait totalement fui les villages. D’autres sont dans la brousse et d’autres sont parties vers le Burkina Faso. Maintenant, avec l’arrivée de l’armée malienne, les gens commencent à avoir un peu d’espoir pour retourner dans les villages. Voilà brièvement, ce qui s’est passé au niveau de Yoro et Gangafani 2 dans le cercle de Koro dans les 48 heures (NDLR : interview réalisée le jeudi dernier).

MH: Il y a eu Ogossagou, Koulongo, Sobane-Da, Yoro, Gangafani 2…. Qu’est-ce que les autorités maliennes doivent faire pour arrêter cette spirale ?

IT : Il n ya pas eu que tout ce que vous dites hein, il y en a eu d’autres. Le même jour où il y a eu Yoro, des cars ont été attaqués non loin de Koundara, dans le cercle de Bandiagara, où il y a eu 3 morts. Qu’est-ce qu’on attend de l’autorité du Mali par rapport à ça ? Je ne vois plus le problème en tant que qu’est-ce que j’attends de l’autorité du Mali. J’aurai dû peut-être me poser la question, qu’est-ce que j’attends maintenant de la population malienne, du peuple malien ?

Il ne sert à rien aujourd’hui de dire que X est le coupable, Y est le coupable, X a fait ceci, Y a fait cela. Le peuple malien doit arrêter tout et faire face à ce problème d’insécurité. Ce n’est ni l’Etat malien aujourd’hui qui peut mettre fin à cela, ni Barkhane, encore moins la MINUSMA ou le G5 sahel. Pour moi, c’est du folklore, la seule solution aujourd’hui pour mettre fin à cela dans le Mali, c’est le peuple malien.

MH : Et comment ?

IT : Il faut que le peuple malien se soulève contre ça, pas contre l’Etat, mais contre ces atrocités de part et d’autre.

MH : Et vous pensez qu’en se soulevant simplement contre ces atrocités-là, ça va s’arrêter ?

IT : Oui. Parce que ce sont les Maliens qui tuent les Maliens. Ce sont nos enfants, nos frères, des gens du même âge. Si ce sont des Maliens qui tuent les Maliens, il faut que les Maliens se parlent et qu’on se dise la pure vérité, la réelle vérité parce que ça ne peut pas continuer. Et qu’on dénonce, qu’on punit là où il faut punir. C’est là où l’Etat peut venir, pratiquer la politique du bâton et de la carotte, taper là où il faut taper si l’Etat a encore les moyens de le faire. Et maintenant, la société civile, tout le peuple malien en entier, que ça soit Dogon, Peulh, Bozo, que ça soit Bambara, que nous nous mettons ensemble pour dire : « ça suffit ! ». Que nous puissions dire à nos enfants, nos frères « arrêtez », que ça ne peut plus continuer. Si ceux qui commettent ces actes n’ont de soutien nulle part, si personne ne les soutient, s’ils n’ont pas où se refugier, si on devient tous un seul homme, nous pouvons trouver la solution à ce problème. Mais pendant que certains sont en train de chercher la solution, d’autres pensent qu’il faut que le pays s’embourbe davantage espérant qu’ils vont avoir demain un petit morceau de pouvoir. Un morceau de pouvoir pour aller où ? Pour gérer quoi ? Donc, moi, je pense que la solution à ce problème, c’est d’abord local. Il faut que nous les enfants du terroir, au-delà de toutes considérations, au-delà de nos différences, que nous nous réunissions. Il faut que nous parvenions à nous réunir, à nous parler, à nous regarder en face et se dire la vérité en face, si non, personne ne profitera de cette situation. Ceux qui pensent qu’ils vont profiter de cette situation-là, seront les premiers perdants.

MH : Avez-vous un appel alors à lancer ?

IT : L’appel que je vais lancer à mes frères et sœurs est que, je vais m’adresser aux Dogons d’abord. Je dirai à mes frères Dogons, qu’on a connus et qu’on continue de connaître comme  un peuple travailleur, un peuple honnête, un peuple digne, ce peuple doit rester tel. Je veux que mes parents Dogons comprennent que, s’ils sont impliqués dans ça, les armes ne sont pas la solution. Les plus grandes guerres dans le monde ont fini par la négociation. Il faut qu’on dépose les armes et qu’on négocie, qu’on négocie. A mes frères peulhs, c’est le même message, il n’ya pas de solution militaire. Tous ceux qui sont impliqués dans cette affaire, qu’ils déposent les armes, comme par le passé, lorsqu’on était tout petit, on va au campement peulh, on prend le lait. Les enfants peulhs viennent ensuite au village et on leur donne des arachides. Nous jouons tous ensemble et on fait tout ensemble. Il faut qu’on revienne à cela. Et aussi les autres ethnies qui sont là, les Mossis, les bambaras, les Bozos, que chacun nous accompagne dans cela. Ensuite, l’un des éléments le plus important est qu’il faut que de part et d’autre, toutes les personnes impliquées dans les réseaux sociaux à travers des propos incendiaires, qu’on arrête parce que ça ne règle rien, ça ne fait qu’incendier la situation. Je répète encore que personne ne profitera de cette situation. A l’Etat malien, ma recommandation est qu’il prenne ses responsabilités, qu’il soit beaucoup plus responsable. Il faut désarmer. Parallèlement, que nous, hommes politiques, nous enfants de la localité, nous négocions, nous parlions, nous discutions et il faut que l’Etat aussi s’assume. Qu’il désarme toutes les forces nuisibles, c’est en ce moment que la paix peut venir.

A nos partenaires, il faut qu’ils arrêtent de compter les morts. Tu ne peux pas comprendre la MINUSMA qui dépense près d’un milliard F CFA par jour au Mali, 15 000 soldats, elle ne fait que décompter les morts. Quand même, on doit se poser la question, est-ce que cela est normal ? Elle doit pouvoir mieux faire. Oui, je reconnais, quelques fois, quand on leur fait appel, comme pour les événements de Yoro et Gangafani2,  presque tout de suite, leur avion a survolé. Mais la MINUSMA doit pouvoir mieux faire. Barkhane aussi. Eux aussi perdent la vie ici, donc, on ne peut pas les accuser. Moi, je n’accuse pas la France, dire que ce sont les Français ceci, ce sont les Français cela, non, nous-mêmes, il faut qu’on soit plus responsable. Mais eux aussi, souvent, qu’ils nous montrent qu’effectivement, ils peuvent mieux faire avec les moyens dont ils disposent. Avec leurs moyens de communications, 200, 150 ou 100 motos ne peuvent pas se regrouper quelque part et qu’ils ne les voient pas. Même s’ils ne peuvent pas intervenir, ils peuvent alerter qui de droit pour mettre fin à ces massacres.. Donc tous ensemble, quand nous mettrons les efforts, les moyens bout à bout dans une sincérité, dans la volonté d’arrêter cette tragédie, je crois que nous allons parvenir à trouver ça. Mais le temps d’accuser quelqu’un, le Gouvernement ou qui que ce soit est révolu.

Et puis, les hommes politiques qui pensent qu’il faut que la situation pourrisse davantage pour que demain, eux, ils vont avoir un dividende, ils se trompent. Ils n’en tireront aucun dividende. S’il y a un dividende, c’est la disparition du Mali, puisqu’ils veulent être les responsables du Mali, s’il n’y a pas de Mali, ils vont être responsables de quoi ? Si la situation pourrit, c’est peut-être leur tête qui va tomber, parce que quand ces gens vont venir là, ils ne connaissent pas X et Y. Et pour terminer, je dis aussi à nos autorités qu’on dialogue avec nos frères qui sont de l’autre côté, les jihadistes. Ce sont des Maliens, il faut dialoguer avec eux. Moi, je suis chrétien, en le disant, si on doit appliquer la charia ici, peut-être moi en tant que chrétien, si ça ne va pas, je préfère aller ailleurs que de voir tout le temps tant de morts ici. Ils sont musulmans, ils disent qu’ils vont appliquer la loi musulmane, vous dites que vous êtes 95% de musulmans, pourquoi vous refusez la loi des musulmans ? Eux aussi, s’ils sont de vrais musulmans jiadistes, ils vont épargner les chrétiens. Donc ; il faut qu’on discute, il faut qu’on dialogue avec les islamistes. En 1995, jusqu’en 1998, moi j’étais en Algérie, souvent, il y a 400 morts, 300 morts, mais ils ont discuté avec les islamistes. En Mauritanie, en Tunisie, ils ont discuté avec eux, pourquoi pas nous. Nous discutons dans la vérité, dans la justice, nous nous pardonnerons et le Mali va avancer, voilà l’appel que lance.

Interview réalisée par Bruno DS et

Abréhima GNISSAMA (stagiaire)

 

Source: Mali Horizon

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