Le grand oral du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devant le CNT demain sera-t- un simple one man show, fortement médiatisé, face au peuple qui se pose de nombreuses questions existentielles ? Ne serait-il pas alors un gâchis ou une plaisanterie de mauvais goût plombant la marche vers le Malikura ?
Même s’il est établi que l’interpellation du gouvernement, demain jeudi, en séance « questions d’actualité » des parlementaires non élus du CNT, n’est pas une première et s’inscrit dans la pure tradition républicaine et démocratique, le contexte de cette invitation est particulier. Il est plein de défis et de dépits. Surtout qu’il revêt un caractère « très important » aux yeux des représentants supposés du peuple malien, au point que le président de l’organe législatif provisoire, le Colonel Malick Diaw l’a annoncé dès l’ouverture de cette session d’avril en cours. Histoire de jauger davantage le taux de réalisation du plan d’action gouvernementale (PAG). « …Indépendamment des évaluations périodiques faites du PAG, les Maliens veulent savoir exactement l’état d’avancement du processus de transition ainsi que le chronogramme détaillé », avait déclaré le président du CNT. Avant d’avertir le locataire de la Cité administrative : « Sur cette question, Monsieur le Premier ministre, vous serez certainement invité à passer devant le CNT, conformément à sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, pour des échanges plus approfondis dans un bref délai ». A quoi peuvent aboutir ces « échanges approfondis » ? Si leur objectif est de contrôler ce que le gouvernement a pu faire et informer le peuple, il en découlerait un sentiment d’insatisfaction. Car, les attentes sont trop grandes et les gouvernements ont toujours su que les populations peinent à croire en le Malikura promis. Le gouvernement Choguel est aussi dans la sérénité, comme s’il s’auto-satisfait constamment de son bilan, à bientôt un an de gestion du pays.
Lors d’un récent conseil de cabinet pour préparer cette interpellation du chef du gouvernement, Dr Choguel Kokalla Maïga s’est montré trop rassurant. Le Premier ministre assurait que son prochain passage devant les membres de l’organe législatif de la Transition est un exercice bénéfique pour le CNT et pour le gouvernement. «Chacun est dans son rôle», avant-il déclaré, avant de préciser que «l’objectif est de maintenir l’opinion publique en haleine totalement informée sur toutes les étapes du processus de transition». Comme pour dire que cette prestation oratoire attendue est une sorte de comédie, juste pour maintenir le peuple en haleine ! Quelle audace méprisante ?
Le moins que l’on puisse souhaiter est qu’à défaut d’une défiance ou une motion de censure que les conseillers du CNT envoient un signal fort, une sorte de mémorandum de mise en garde pour contraindre le PM à plus de pragmatisme et à moins de diatribes communicationnelles contre-productives pour le peuple. A quoi ont servi, dans la réalité, les nombreux clashs et critiques publiques adressés à des partenaires en développement du Mali par le PM ? Un simple populisme manipulateur aux conséquences lourdes : suspensions de cadres de coopération, fermeture de projets, licenciements d’employés de ces projets, etc.
Par ailleurs, au plan de l’évolution de la Transition, le chef du gouvernement semble faire du surplace. La marche vers le retour à l’ordre constitutionnel normal est à l’arrêt, sinon au ralenti. Le dispositif électoral est au point mort, la CEDEAO pointe son doigt accusateur, le pays s’enlise dans le mal-vivre, alors que le Premier ministre ne se fait pas prier pour poursuivre ses discours favoris sur la « fierté nationale », « l’indépendance », etc. Rien ne bouge dans le pays. « Le Mali est bloqué », fustige les opérateurs économiques et des investisseurs.
En définitive, après avoir présenté son PAG devant le CNT et promis de l’exécuter avec un calendrier apprécié par tous, Dr Choguel Kokalla Maïga apparaît aujourd’hui comme un chef d’orchestre en grandes difficultés : pas de moyens d’actions et peut-être un manque de volonté réelle à sortir rapidement le pays de l’ornière. Il doit donc être sanctionné d’une manière ou d’une autre pas les représentants du peuple. A défaut, les conseillers du CNT doivent pouvoir cracher leurs quatre vérités au chef du Gouvernement sur les souffrances du peuple : la vie chère, le chômage, me manque de perspective, etc. Un tel tableau ne mérite pas qu’il sorte, auréolé de cette séance de « questions d’actualité », convaincu d’avoir tenu qui que ce soit en haleine. En bon orateur, Choguel Kokalla Maïga voudra séduire par une opération de communication. Les membres du CNT ne doivent aucunement la lui permettre, car, le temps du beau discours est derrière nous. Il faut à présent agir et avec célérité. Si ce n’est pas le cas, la montagne de cette interpellation devant le CNT accouchera d’une petite souris presque agonisante. Et ce sera dommage pour le renouveau malien et pour la démocratie malienne !
Bruno D SEGBEDJI
Source : Mali Horizon