Dans la résolution de la crise sécuritaire au nord du Mali, les Maliens, y compris les autorités, étaient loin, très loin d’imaginer la présence d’un «grin » de sable susceptible de freiner le processus engagé en janvier pour recouvrer l’intégrité territoriale du pays. Dans ce sens, l’engagement français a soulevé, à Bamako et partout au Mali, une vague d’appréciations et de reconnaissances.
Seulement voilà, les Maliens se rendent finalement compte qu’un écueil se dressait dans le septentrion, précisément à Kidal avec la présence de deux groupes armés (Mnla et Mia). Ceux-ci cohabitent avec l’armée française. C’est là (à Kidal) où la machine s’est grippée à cause du…grin de sable.
A l’analyse, le cas Kidal n’est guère ou ne doit être une surprise pour les Maliens. En effet, le Mnla a toujours excellé dans un jeu fait de duperie et de mensonge. Le tout sur fond de victimisation. Ce qui lui a jusqu’ici réussi. Et de nombreuses preuves l’attestent.
Or, à sa création à Tombouctou, en 2010, ce mouvement avait été toléré par les autorités maliennes, malgré son discours sécessionniste et des actes posés contre la République.
Manquant de moyens, notamment militaires, le Mnla avait cependant gardé le profil bas, jusqu’à ce que la situation lui soit favorable. Le retour massif de soldats (touaregs) déserteurs de l’armée libyenne intervient en octobre 2011.
Le Mnla est là pour saisir l’aubaine. Aussi, il orchestre une vaste campagne d’intox à l’extérieur du Mali. En plus d’une revendication indépendantiste, le mouvement faisait croire que son combat s’inscrivait dans le cadre de «la lutte contre le terrorisme au nord du Mali». Le Mnla déroule alors une stratégie dans laquelle le mensonge devient son fonds de commerce. «Notre combat est mené contre les terroristes et les preneurs d’otages au Sahel, et contre Aqmi et le Mujao… » . Tel était le refrain entonné par des responsables de ce mouvement.
Dans cette stratégie mensongère, le Mnla avait entrepris de tromper les autorités françaises et une certaine opinion en Occident. Ce qui explique encore la position de Paris vis-à-vis du Mouvement. Et lors de sa dernière conférence, François Hollande s’exprimait ainsi : «Ce mouvement s’est démarqué des groupes terroristes qui occupaient le nord du Mali… ». Hollande se trompe lourdement sur le compte du Mnla. Parce que ce mouvement ne s’est jamais démarqué des groupes armés et/ou terroristes. La preuve : l’attaque d’Aguelhoc a été revendiquée par le Mnla. Cette attaque s’est soldée par des atrocités abominables : une soixantaine de soldats égorgés. A Aguelhoc, le Mnla, était appuyé par ses complices d’Ançardine, d’Aqmi et du Mujao. Et les autorités maliennes avaient attiré l’attention de l’opinion sur cette association entre le Mnla et les autres groupes terroristes dans toutes les opérations au nord, à partir de janvier 2012. Paris l’ignore t-il ?
Ensuite, ce même Mnla, dans sa roublardise, tente un rapprochement avec Ançardine de Iyad Ag Ghaly, une alliance qui fera long feu à cause de conflits d’intérêts. Finalement, les autres mouvements (Aqmi et Mujao) se chargent de solder définitivement leurs comptes avec le Mnla, dont la duplicité agaçait les Djihadistes.
De fait, militairement, le Mnla, toujours prompt à changer de cap, se retourne vers Bamako, lorsque la Cedeao planifiait une intervention au nord.
Ainsi, le Mouvement, pour prouver sa bonne foi ( ?) décide de remettre une vingtaine de véhicules (Pick-Up) équipés d’armes. La remise de ce matériel était prévue à Ségou. Mais ce fut un échec. Car des soldats étaient farouchement opposés à cette remise de matériels de la part d’un mouvement, qui avait pillé des magasins d’armements de l’armée. Finalement, ce matériel sera remis aux autorités mauritaniennes.
Ainsi, l’intervention française, déclenchée en janvier 2013, intervient dans un contexte défavorable pour le Mnla. Au même moment, ses membres étaient pourchassés partout au nord par les Djihadistes. Aussi, les responsables du Mnla étaient soient réfugiés en Mauritanie, soit exilés en Europe.
Et lorsque, l’armée française et les soldats maliens étaient engagés à libérer les régions de Gao, Tombouctou, le Mnla, toujours fidèle à sa stratégie de duperie, se positionne à Kidal.
La ville fut abandonnée par Iyad et ses troupes dont une partie importante s’est dissoute dans le Mnla et le Mia.
Aujourd’hui, la France et la communauté internationale veulent un dialogue entre l’Etat et le Mnla. Cependant, il faut se rendre à l’évidence : ce groupe armé s’est forgé à coup de mensonges et d’intoxications. Et un dialogue franc et sincère n’a de chance d’aboutir que lorsque tous les acteurs se parlent. Cela…en toute franchise. Il est compréhensible que la France force la main aux Maliens pour qu’ils négocient avec ce mouvement, mais, faut-il aussi que Paris regarde certaines réalités au sujet de ce … Mnla.
C.H. Sylla
Source: L’Aube