Le ministre américain de la Justice Bill Barr a défendu mercredi au Sénat sa gestion du rapport final de Robert Mueller, le procureur en charge de l’enquête sur les ingérences russes dans la présidentielle de 2016, malgré des critiques émises par ce dernier et les appels à sa démission formulés par l’opposition.
Le ministre, que l’opposition démocrate accuse de complaisance envers Donald Trump, s’est dit « absolument » à l’aise avec sa décision de ne pas poursuivre le président pour entrave à la justice dans le cadre de cette enquête.
Bill Barr est auditionné par la commission judiciaire du Sénat pour la première fois depuis la publication le 18 avril du rapport final de Robert Mueller, qui a exonéré le président des soupçons de collusion avec Moscou lors de la campagne de 2016.
Le procureur a en revanche détaillé, dans ce pavé de plus de 400 pages, une série de pressions troublantes exercées sur l’enquête par le président Donald Trump, à commencer par une tentative de le limoger, sans se prononcer sur les suites à donner.
Bill Barr a estimé mercredi qu’il aurait été « injuste et irresponsable » de publier le rapport sans rendre de conclusions sur ce point, et a martelé que le rapport ne contenait « pas de preuves suffisantes » pour lancer des poursuites.
Le ministre a également balayé les questions sur un courrier que lui a adressé Robert Mueller, « inquiet » de la manière dont ses conclusions avaient été résumées par le ministre.
Bill Barr a assuré que le procureur, avec lequel il s’était ensuite entretenu, ne se plaignait pas d’une présentation « inexacte » des faits, mais du manque de mise en « contexte ».
– Frustration –
Après 22 moins d’une enquête tentaculaire, Robert Mueller a remis le 22 mars son rapport de plus de 400 pages à Bill Barr, qui en a résumé les principales conclusions deux jours plus tard dans un courrier au Congrès. Donald Trump s’était alors dit « totalement exonéré » des soupçons « de collusion et d’obstruction ».
Le procureur avait déploré, dans une lettre adressée le 27 mars au ministre, que sa présentation ne traduise pas « le contexte, la nature et la substance » des investigations.
« Il y a maintenant une confusion du public à propos d’aspects critiques des résultats de notre investigation. Cela menace l’un des objectifs centraux pour lesquels le ministère a nommé un procureur spécial: assurer la pleine confiance du public dans le résultats de l’enquête », avait ajouté Robert Mueller.
La révélation mardi de l’existence de ce courrier a ravivé les attaques de l’opposition contre le ministre et plusieurs démocrates l’ont appelé à démissionner.
« Bill Barr doit démissionner. Il a trompé le peuple américain avec un résumé inexact du rapport Mueller », a tweeté le représentant démocrate Adam Schiff. « Comment lui faire confiance comme arbitre impartial ? »
Dans l’ambiance feutrée de la commission, les attaques sont restées plus retenues. Mais les sénateurs démocrates sont revenus sur les dénégations du ministre qui avait assuré, lors d’une précédente audition au Congrès, ne rien savoir d’éventuelles frustrations dans l’entourage de Robert Mueller.
« La question portait sur des membres non identifiés de son équipe », et pas sur le procureur lui-même, a rétorqué « l’attorney general » sans se départir de son calme.
– « Mon bébé »-
Tout en louant le travail du procureur Mueller, qu’il a appelé « Bob » à plusieurs reprises, il s’est dit « surpris » par sa décision de ne pas rendre de conclusion sur l’entrave, et ne pas avoir « bien saisi son raisonnement » à ce sujet.
Il a également défendu son pouvoir décisionnaire. Une fois le rapport remis, « c’est devenu mon bébé », a-t-il déclaré.
M. « Barr est une honte (…) il devrait démissionner », a tweeté la candidate démocrate à la Maison Blanche Elizabeth Warren. « Et sur la base des faits contenus dans le rapport Mueller, le Congrès devrait entamer une procédure de destitution du président », a-t-elle ajouté.
Comme elle, plusieurs démocrates souhaitent initier cette procédure dite d’ »impeachment ». Mais les leaders du parti sont plus que réservés, conscients que la procédure risque d’échouer face à la majorité républicaine au Sénat et de détourner l’attention des autres sujets de la campagne pour la présidentielle de 2020.