L’audition des représentants de la société civile , dans le cadre de la seconde phase des pourparlers inclusifs inter-Maliens d’Alger, a pris fin le lundi 8 septembre dernier.
Nous en avons profité pour recueillir les impressions de certaines personnalités impliquées dans ces pourparlers. Dans cet entretien exclusif réalisé avec le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, il nous livre son espoir de voir un accord de paix global et définitif conclu à la fin de ce processus. Il estime qu’il faut améliorer l’architecture institutionnelle et politique pour que les Maliens n’aient plus jamais recours aux armes pour se faire entendre des pouvoirs publics.
L‘Indépendant : Bonjour, M. le Ministre. Pouvez-vous nous faire le point sur le déroulement de l’audition de la société civile qui vient de prendre fin ?
Abdoulaye Diop : Comme vous le savez, nous avons déjà tenu une phase initiale de ce dialogue et conclu une feuille de route. L’une des dispositions de la seconde phase du dialogue prévoyait l’inclusion des communautés. Nous sommes donc dans un processus des pourparlers inter-Maliens inclusifs qui doit donner la chance à chaque Malienne et à chaque Malien de pouvoir contribuer et de dire son mot concernant notre pays. C’est dans ce cadre que cette semaine les quatre groupes thématiques se sont constitués à savoir : le groupe sur les questions politico-institutionnelles, un autre sur la sécurité et la défense, un troisième sur le développement économique, social et culturel et un dernier sur la justice et la réconciliation.
Cette semaine, il y a donc la médiation, le gouvernement et les mouvements du nord du pays mais aussi 54 représentants des communautés du pays, en particulier celles du nord. Il y a aussi des jeunes, des femmes, des représentants de la société civile qui sont là pour donner leur perspective et leur compréhension de la situation, partager leur diagnostic mais aussi proposer des pistes de solutions. Ce qui, à leurs yeux, peut représenter des éléments pouvant nous permettre de conclure un accord. Il y a eu énormément d’idées et de contributions intéressantes qui ont été notées par toutes les parties et qui vont nous aider à affiner nos positions pour pouvoir engager, la semaine prochaine, les négociations à un plan beaucoup plus politique ou technique.
Lors des débats, des propos comme » indépendance » » autonomie » sont plusieurs fois revenus. N’avez-vous pas le sentiment que l’on s’est éloigné de la feuille de route signée en juillet dernier ? Et qu’il y a urgence à recadrer les débats ?
Si l’on regarde le format dans lequel nous nous trouvons, c’est compréhensible. Ceux qui ont parlé cette semaine, ce sont les représentants des communautés et de la société civile qui ont la liberté d’évoquer tous les sujets qui les préoccupent et de partager leur vision. Par rapport à cela, il n’y a pas de censure. C’est important que nous écoutions tout le monde. Ce qui est aussi important à retenir, c’est que nous sommes là dans le cadre d’une feuille de route et de l’accord préliminaire de Ouaga dans lesquels tous ont réaffirmé des positions sur lesquelles le gouvernement du Mali ne transigera pas : le respect de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale du pays, la forme laïque et républicaine de l’Etat. Maintenant que les représentants des communautés ou de la société civile malienne expriment leur point de vue, c’est normal car nous sommes en démocratie et chacun peut s’exprimer. Mais nous, en tant que gouvernement, nous nous en tenons aux engagements qui ont été pris avec les mouvements du nord et confirmés et garantis par l’équipe de médiation. Naturellement, ceux qui ont signé ces documents ne les ont jamais dénoncés. Nous sommes dans un exercice de liberté d’expression mais des engagements ont été pris et ceux-ci ne seront pas remis en question.
Au niveau du gouvernement, quelle autre concession seriez-vous prêts à faire pour parvenir à une situation où les groupes armés se reconnaitront clairement dans ce qui va être signé.
Par rapport à cela, le président de la République lui-même a fixé un cap. Il a indiqué qu’à partir du moment où l’intégrité territoriale du pays est respectée, son unicité est reconnue et que la forme laïque et républicaine de l’Etat est acceptée par tous, nous pouvons discuter de tous les autres sujets avec les frères et sœurs maliens. De pouvoir dessiner ensemble des cadres politiques, institutionnels ou sécuritaires ou envisager des priorités de développement qui puissent donner le confort à tout Malien de se sentir réellement Malien, de pouvoir contribuer au développement de son terroir et de sa localité et même du pays.
Nous sommes disposés, ensemble, à regarder ce qui a été fait jusque-là en matière de décentralisation et d’évolution entre le pouvoir central et les collectivités locales. Il est vrai que sur un certain nombre de plans il y a eu des insuffisances et des faiblesses, que nous-mêmes nous reconnaissons, que les états généraux sur la décentralisation et les assises sur le nord ont relevées, sur le fait qu’il n’y a pas eu un transfert conséquent de ressource aux collectivités. Nous devons tirer toutes les faiblesses de ces leçons pour voir comment nous pouvons améliorer l’architecture institutionnelle et politique actuelle pour donner le maximum de confort et éviter que des Maliens ne soient encore obligés de prendre les armes pour se faire entendre.
Quel est votre dernier mot à l’endroit des populations maliennes qui attendent beaucoup de ces pourparlers ?
C’est juste pour dire aux uns et aux autres que nous sommes ici confiants, que nous nous engageons dans un processus qui a le potentiel de nous conduire à un accord de paix global et définitif. Par rapport à cela, chacun de nous a une part de responsabilité par son attitude, son comportement et les mots que nous prononçons, de pouvoir faire preuve de retenue et de responsabilité, mais aussi de tolérance. Et surtout, en de pareilles circonstances, nous devons prôner un esprit d’apaisement, que l’on s’écoute les uns et les autres et que l’on soit confiant et conscient, en tout cas pour la partie gouvernementale, que les intérêts supérieurs du Mali ne seront pas bradés et que ce qui est important pour nous, c’est le respect de l’unité nationale du pays, le respect de l’intégrité territoriale, de la forme laïque et républicaine de l’Etat. Dans ce cadre, nous venons ici avec l’esprit ouvert pour écouter et dessiner ensemble une vision commune pour l’avenir de notre pays afin que nous puissions créer, pour les générations futures, un pays en paix, un pays prospère, un pays capable de jouer son rôle dans la région et dans le monde. Un pays où aucun citoyen ne se sentira citoyen de seconde zone. Au contraire, où nous créerons la convivialité nécessaire pour que chacun puisse s’épanouir et se sentir Malien et pleinement Malien.
Massiré DIOP , Envoyé spécial à Alger