Dans la tribune suivante partagée par Mahamadou Dianka, l’auteur pointe du doigt le changement d’attitude de ses compatriotes à l’égard de la France, d’abord saluée en sauveur, ensuite vouée aux gémonies. Et d’interpeller sur la responsabilité individuelle de chaque Malien. Lisez plutôt cette tribune très enrichissante.
Quand la raison prend la parole, cela donne ça. Lisez. De la cohérence.
Lorsqu’un peuple est tourné vers ses devoirs, il n’a ni le temps de la parole inutile ni le temps des incohérences. Pendant plusieurs années, personne n’a entendu les peuples d’Asie, qui portent aujourd’hui nos Etats africains. Ils étaient concentrés sur leurs devoirs.
Moi je me souviens de 2013, à l’époque où on avait la peur au ventre, à l’époque où on craignait que la capitale ne sombre dans le chaos. L’intervention française fut un soulagement et salué du nord au sud. Les convois bamakois qui s’apprêtaient à quitter le pays ont discrètement été déchargés. Dans les grins, les phrases commençaient par «Ni franci koun tè»…
Quelques années plus tard, cette formule a laissé la place à «franci dé nô do». Au motif que «Barkhane a été un échec», que «Barkhane n’a pas atteint ses objectifs» ou encore que «Barkhane soutien les terroristes», ou encore que Barkhane a interdit l’accès de Kidal aux militaires.
Mon frère, toi qui parles, quel est ton résultat dans le processus de paix, connais-tu les objectifs de Barkhane, connais-tu ceux de ton armée ? As-tu été en zone de conflit pour voir les véritables acteurs de terrain ? Es-tu au courant de l’existence de l’accord de Ouagadougou et d’Alger, prévoyant un déploiement progressif de l’armée et de l’administration ? Sais-tu qu’avant mai 2014, il y avait une administration en cours de déploiement dans la région de Kidal ? Sais-tu qu’il ne s’agit pas simplement de déployer une armée à Kidal, mais d’organiser son maintien dans le temps long ? Connais-tu ton pays ? Et les défis auxquels il est confronté? As-tu eu été à la tête d’une mission ? Connais-tu la géopolitique de la sous-région ? As-tu déjà proposé des solutions de sortie de crise ?
Si ce n’est pas ton cas, alors oui, tu fais partie de cette minorité à laquelle je fais allusion, car moi je fais partie de cette majorité de Maliens qui porte en lui une colère légitime, contre la présence des forces étrangères, car nous n’avons pas assez travaillé, car nous aurions pu faire largement mieux. Je fais partie de cette majorité de Maliens, qui n’a pas un comportement incohérent. Je ne suis pas celui qui va détester un pays dans les propos tout en cherchant en m’y rendre coûte que coûte. Je fais partie de cette majorité, qui connaît son pays et les défis auxquels il est confronté, j’ai le souci des conséquences. Je fais partie de cette majorité de Maliens, qui ne se limite pas au seul cercle bamakois, mais qui a conscience des tragédies vécues par la majorité des Maliens. Je fais enfin partie de cette majorité de Maliens qui se bat pour que son armée soit prête, en conseillant au français des pistes pour son renforcement, notamment la responsabilisation des instructeurs locaux.
Une conclusion, nom frère, rejoins la majorité, en t’inscrivant dans la cohérence, en travaillant discrètement au renforcement des capacités ne serait-ce que dans ton quartier, en faisant en sorte que la paix soit possible. En évitant de tenir un discours loin de la réalité, car si tu étais capable, de jeunes Français ne seraient pas venus pour toi.
Un point de convergence quand même, j’ai beaucoup de critiques à faire contre la politique française en Afrique, mais ma différence, avec toi, c’est que je fais la part des choses.
Nous sommes majoritaires, dans l’exigence de plus de transparence et de communication, tout en gardant à l’esprit la nécessité de la présence de Barkhane, le temps de reconstruire une armée malienne efficace.
Fraternellement
Mohamed Ag Assory :
Rares sont ceux qui analysent à froid sans être distraits. Bravo monsieur Traore. A chaque fois qu’on est proche de la solution, on vient nous distraire avec des théories à deux sous.
Mohamed Idoual Freeman :
Walaye on dirait qu’il est dans ma tête. J’ajoute toute société qui refuse de se faire face, est perverse par essence. Cette dernière trouvera toujours un souffre-douleur à ses propres travers. La vérité est que beaucoup de Maliens sont des pervers, sinon rien n’empêche personne de bien analyser les choses. Rejeter la faute sur les autres, c’est ça notre sport favori depuis tout petit.
Boubacar Salif :
Traore Mohamed Ag Assory, Mohamed Idoual Freeman, nous devons continuer notre engagement vers la paix. Le processus est compliqué par certains de nos compatriotes qui sont éloignés des vrais enjeux, dans le but de satisfaire des intérêts strictement personnels à travers la manipulation. Merci à vous !
Mahamadou Dianka :
Boubacar Salif Traore, l’erreur d’appréciation est une conséquence de notre faillite. Elle est intervenue quand on était à terre en 2013. Ce qui ne veut pas dire aussi que la France est exempte de tout reproche.
Mohamed Idoual Freeman :
Boubacar Salif Traore, ils comprendront que dire ça ne fait de personne un collabo, merci bien.
Boubacar Salif Traore:
C’est vrai, il y a une réelle nécessité pour nous de nous placer au-dessus et de réconcilier le Malien avec lui-même, car beaucoup sont perdus. Mahamadou Dianka, absolument d’accord avec toi !
Mohamed Idoual Freeman :
Mahamadou Dianka pour eux, c’est un complot contre le saint peuple malien qui n’a rien fait. Assumons nos fautes.
Mahamadou Dianka :
Il était nécessaire que les gens parlent afin qu’on n’ai pas l’impression que le sentiment anti-français est majoritairement partagé.
Ousmane Guindo:
J’ai compris mon frère. Il est temps qu’ils sachent que cette majorité ne sait réellement ce que les dirigeants font et elle n’a jamais été associée à quoi que ce soit. Cette majorité meurt au centre et au nord sans la moindre réaction de l’élite et pourtant cette majorité n’a jamais failli à ces devoirs citoyens. C’est au nom de cette majorité que le Mali souffre. Il faut qu’on se dise la vérité. Ce bas peuple a trop souffert, parce que les soi-disant Élites en ont décidé ainsi !
Seydou Simbo Diakite :
Je sens que lui aussi évolue à la périphérie sur bien des sujets. C’est bien par claquement des doigts que Ni Franci KOUN té est devenue Franci de no do? Be Safe.
Boubacar Salif Traore :
Cher frère, je respecte vos propos et je sais que la France est condamnable sur de nombreux points. Mais tout ce que vous dites n’aura un véritable sens que si nous sommes à la tâche et loin des scandales. Je ne connais pas un seul pays qui ne fait pas face à un complot. Vous-même, en tant que citoyen, vous défendez bien vos intérêts, alors pourquoi nous n’en faisons pas autant ? Certains ministres ont attendu leur RENVOI pour dire qu’ils n’ont jamais été associés aux débats sur l’Accord ! Il n’y a qu’au Mali qu’on peut clairement dire sans crainte sa trahison du peuple ! Défendre la France n’a aucun sens pour moi, mais je veux surtout éviter à mes concitoyens de se faire prendre en otage par une minorité qui parfois est inscrite dans une posture personnelle.
Mamadou Traore Igor:
Une très belle contribution dans le débat sans passion avec beaucoup de sérieux. Nous avons besoin d’une telle analyse pour aider nos concitoyens à bien cerner la situation actuelle par rapport à la présence de l’armée française.
Bravo.
Souleymane Dé
Merci BST: il n’y a point de place après cela, si ce n’est de la spéculation. Vous avez dit ce que chacun de nous se devait de connaître. Merci !
Mahamadou Keita :
Pour nos médiocres politiciens, l’enfer c’est la France. Regardons-nous dans la glace. Le reflet de notre miroir est un monstre, qu’avons-nous fait ? Comme effet, ce miroir nous montre : le déni de notre identité ; le suivisme ; le mensonge ; la médisance
Non, la France nous aide en défendant ses intérêts. Unissons-nous pour défendre le Mali. Nous sommes tombés trop bas. Mahamadou Dianka, ces gens qui aiment à dire ni franci toun te, et si tout ça n’avait pas eu lieu? Tu as parlé de main invisible, elle est là depuis le début, même si je ne conteste pas la mauvaise gestion à tous les niveaux.
Boubacar Salif Traore :
Mohamed Keita, tous les pays au monde sont confrontés à des complots. Leur réponse a été de mettre le peuple au travail et à cultiver un véritable esprit de patriotisme. Nous pouvons encore pendant des siècles continuer à pleurnicher, mais ça ne changera rien tant que nous n’aimerons pas notre pays par le travail. Cher frère, le problème est que très peu de nos compatriotes comprennent l’approche prospective. En 2010, j’avais également expliqué en vain l’évolution de la géopolitique du Sahel, en mettant en avant la stratégie de l’OTAN qui était intervenue en Afghanistan.
Mahamadou Dianka :
Boubacar Salif Traore on va résumer. En plus de la crise, il y a aussi une crise de la réflexion.
Mahamadou Keita Boubacar :
Salif Traore, savez-vous que le problème a été discuté en 1972 par les firmes Texaco, BP, Exxon Mobil, Elf. J’ai sillonné le nord (2014 -2015), la vérité est tout autre. La France n’est que le bout de l’iceberg. Il faudra agir avec intelligence.
Mohamed Keita :
Boubacar Salif Traore, je ne conteste pas ce que vous dites, ma réaction est en fonction de la publication.
Boubacar Salif Traore :
Tout ce que je veux dire, c’est que chaque Malien doit se donner une mission quotidienne pour améliorer la situation, sinon on ne s’en sortira pas… Il faut la réunion des intelligences pour l’intérêt général.
info-matin