Le 14e rapport du bureau du vérificateur général (BVG) et le tout premier de Samba Alhamdou BAMABA a été rendu public. Ce rapport annuel 2018 s’inscrit dans la continuité des treize précédents et a porté sur plusieurs entités, dont les Aéroports du Mali. Les activités aéroportuaires étant un levier pour soutenir le développement social et économique du Mali, pays enclavé, le VEGAL a relevé pendant la période sous revue, d’importantes irrégularités relevées aussi bien dans le dispositif de contrôle interne que dans la gestion financière. Dans cette structure vérifiée, il ressort des irrégularités financières et administratives qui s’élèvent à plus d’un milliard de francs CFA.
Véritable porte d’entrée dans le pays, les aéroports jouent un rôle majeur dans le développement économique et social des États. Les ADM, principale société aéroportuaire du pays, constitués de neuf aéroports, dont six internationaux restent aujourd’hui le plus important intervenant dans le domaine du transport aérien, des passagers et du fret. De ce fait, il génère un nombre considérable d’emplois et d’importantes ressources financières, nécessitant une attention particulière du fait des risques liés au nombre et à la diversité des intervenants.
Des créances impayées
Durant la période de vérification, il ressort du rapport du VEGAL que les Aéroports du Mali (ADM) ont exécuté un budget total de 19,32 milliards de FCFA au titre des dépenses et a réalisé 27,12 milliards de FCFA de recettes sur lesquelles la subvention du budget de l’État est de 83,17 millions de FCFA, correspondant à 0,31 % de l’ensemble des produits de la structure.
La présente vérification financière des opérations d’exécution budgétaire du bureau du vérificateur général a mis en exergue des dysfonctionnements qui se sont caractérisés par des irrégularités administratives et financières dans les opérations de recettes et de dépenses. Il s’agit notamment de la gestion des caisses, les marchés, les achats par bon de commande ou bon de travail, les achats par demande de cotation ou sur contrats simplifiés, ainsi que ceux par demande de renseignement et de prix à compétition restreinte (DRPR) et par demande de renseignement et de prix à compétition ouverte (DRPO). En effet, de 2013 à 2017, des clients sont restés avec des créances importantes impayées sans être relancés et sans que leurs dossiers ne soient transmis au service juridique et contentieux pour une procédure en contentieux. En outre, la société n’a ni élaboré les visites annuelles ni les fréquences de visites clientèles. De plus, la direction des ADM ne produit pas systématiquement les rapports de recouvrement, déplore le rapport. En raison de ces faiblesses, Mali Air Express (MAE), une société cliente des ADM, dont la convention avait été résiliée depuis 2013, a établi un contrat de location d’un espace aéroportuaire avec son partenaire CADG International SARL, qui lui a payé un montant indu de 550 dollars américains par jour. Le non-respect des procédures de suivi des clients entraîne des retards dans le recouvrement des créances et des pertes de recettes.
Des contrats irréguliers
Le rapport reproche à la direction des aéroports du Mali, plusieurs irrégularités, dont le non-respect de la procédure de publication des avis d’appel d’offres. Dans ce cadre, elle n’a pas publié dans un journal d’annonce légale l’avis d’appel d’offres portant sur la réalisation d’un audit de conformité environnementale. La non-publication de l’avis d’appel d’offres viole le principe de transparence, notamment, la libre concurrence face à la commande publique. Elle ne respecte pas non plus les conditions de mise en concurrence : des acquisitions de biens et services de montant supérieur à 500 000 FCFA et inférieur à 10 millions de FCFA n’ont pas fait l’objet de mise en concurrence, comme l’exigent le Manuel de procédures des ADM et le Code des marchés publics. Ainsi, sur 516 opérations d’achat, 312 ont été exécutées sans preuve d’une sollicitation écrite qui matérialise la concurrence.
La direction administrative des ADM a établi des contrats de marchés irréguliers. Les contrats établis par ADM avec des prestataires ne contiennent pas, notamment, l’acte d’engagement, le bordereau des quantités et le bordereau des prix unitaires. L’absence de ces documents, constitutifs de marché, ne permet pas de s’assurer de l’économie et de l’efficacité dans la conclusion et l’exécution des contrats.
Aussi, la direction financière et comptable des ADM ne respecte pas le seuil des dépenses payées par la caisse. Ainsi, la caisse principale a payé, à des agents des ADM des primes exceptionnelles qui dépassent le seuil autorisé de 100 000 FCFA ; certaines primes atteignant la somme de 1 million FCFA, rétorque le rapport.
Des clients non facturés
Au plan financier, le rapport précis que des PDG des ADM ont signé des procès-verbaux (PV) de passation de service contenant des informations erronées. En effet, le PV de passation du 16 mai 2017 intervenu entre le PDG par intérim sortant et la DGA, PDG par intérim entrant, et signé par les inspecteurs de l’inspection de l’Équipement et des transports et ceux de l’inspection des finances, indique que le solde du compte clients fourni par la direction commerciale est de 423,03 millions de FCFA. Le solde du compte client à la date du 16 mai 2017, reconstitué par la mission, s’élève à 1,04 milliard de FCFA au lieu de 423,03 millions de FCFA, soit un écart de 612,78 millions de FCFA.
En outre, un second PV de passation, en date du 4 octobre 2017, signé par le PDG par intérim entrant, les inspecteurs de l’inspection de l’Équipement et des transports et ceux de l’inspection des Finances, indique que le solde des créances clients – différence entre les montants facturés et les montants payés- au 26 septembre 2017 est de 1,24 milliard de FCFA. Par contre, ce solde du 26 septembre 2017, reconstitué par la mission sur la base des pièces de règlement et des factures, est de 1,34 milliard de FCFA, soit un écart de 98,32 millions de FCFA. Le montant total des écarts ressortis des PV s’élève à 711,10 millions de FCFA.
L’inscription de soldes erronés des créances clients des ADM met en cause la fiabilité des informations provenant de la direction commerciale, déplore le BVG.
Sur le plan du recouvrement des créances, on note des irrégularités qui font froid au dos : le montant de la créance du client MATRIX au niveau de la comptabilité des ADM et du service client est de 336, 66 millions de FCFA au 30 septembre 2017. Après reconstitution par la mission, sur la base des conventions et des échéances non facturées, le montant réel de la créance de MATRIX s’est élevé à 891,66 millions de FCFA, soit un écart non facturé de 555 millions de FCFA. De plus, le directeur commercial n’a pas facturé en 2017 d’autres clients pour un montant total de 27, 37 millions de FCFA. Par ailleurs, le client Mali Air Express (MAE) a reconnu, par lettre du 22 février 2013, une créance due à ADM de 75,51 millions. Ladite créance a fait l’objet d’une facilité de remboursement le 12 mars 2013. Cependant, de cette date au 30 septembre 2017, MAE n’a effectué aucun remboursement. Or, le montant des créances dues par MAE, dans la comptabilité des ADM, s’élève à 59,98 millions de FCFA, au lieu de 75,51 millions. L’écart ainsi non comptabilisé est de 15,52 millions de FCFA. Le montant total des recettes non perçues sur des prestations fournies par ADM est de 597, 90 millions de FCFA.
Délit de fractionnement des dépenses,
Le directeur administratif a procédé à des fractionnements de dépenses. Il a choisi le même fournisseur pour des achats de même nature dont le montant dépasse le seuil des achats par appel d’offres ouvert. Ces dépenses fractionnées s’élèvent à 53,22 millions de FCFA pour 2015, à 56,64 millions de FCFA pour 2016 et à 37,76 millions de FCFA pour la période allant de janvier à septembre 2017. Le montant total des dépenses concernées par le fractionnement est de 147,62 millions de FCFA au profit du même fournisseur. Par ailleurs, le PDG a conclu, le 31 juillet 2015, sans appel à concurrence, un contrat avec ce fournisseur sans limitation de quantité ou de prix.
Il est dénoncé que le PDG et le directeur financier et comptable ont payé des primes indues. Ils ont ainsi payé, au cabinet de conseil fiscal Siaka TRAORE, des primes de rendement sur la base d’un taux de 10 % alors que ce taux est de 5 % dans les contrats de prestation en cas de réductions obtenues sur les redressements. Ainsi, le montant indûment payé, pendant la période sous revue, se chiffre à 60, 89 millions de FCFA.
En définitive, on note qu’en termes des irrégularités financières, un PV contenant des informations erronées de 711 104 731 francs CFA, des créances clients non recouvrées de 597 904 488, le financement de dépenses de fiche Ebola de 147 618 000 pour un montant total de 1 517 522 126 de francs CFA. Quant aux Irrégularités administratives, elles s’élèvent à un total de 89 297 208 de francs CFA repartis en pénalités de retard non appliquées de 8 242 608 ; des paiements irréguliers de 5 650 000 ; des travaux non réalisés, mais payés de 2 999 800 et des dépenses en l’absence de contrats pour 72 404 800. L’ensemble de ces irrégularités porte sur 1 606 819 334 francs CFA.
Par Sidi DAO