Le mouvement féministe craint que les femmes qui veulent avorter aient recours à des méthodes “moyenâgeuses”.
AVORTEMENT – Le retrait, depuis le 31 juillet, du médicament Artotec des pharmacies marocaines a provoqué la colère du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I).
Dans un communiqué publié jeudi 16 août sur sa page Facebook, le mouvement féministe, qui lutte notamment en faveur du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour toutes les femmes, a exprimé sa “consternation” face à la décision du ministère de la Santé de suspendre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de ce médicament, utilisé par certaines femmes pour avorter.
Normalement utilisé contre les rhumatismes et les problèmes d’articulations, l’Artotec contient une molécule contre les ulcères gastriques, le misoprostol, qui peut provoquer un avortement en cas de grossesse. Selon le site medicament.ma, “un usage hors AMM a été rapporté en gynécologie-obstétrique notamment dans les IVG, le déclenchement du travail ou encore la préparation à la pose de stérilet”.
Toujours selon le média spécialisé, le ministère de la Santé a ainsi informé le laboratoire Pfizer S.A “qu’il est tenu de procéder à un rappel de lots” de ce médicament “et d’en informer les professionnels de santé”.
Un retrait qui encourage le recours aux méthodes “moyenâgeuses”?
“Nous, militantes et militants de M.A.L.I. sommes consterné-e-s par cette décision qui met la vie de milliers de femmes en danger”, écrit le mouvement féministe rappelant que, depuis 2012, et en collaboration avec l’ONG néerlandaise Women OnWaves, il livre gratuitement conseils, soutien et accompagnement aux femmes désireuses de pratiquer une IVG médicamenteuse et fournit, gratuitement également, et lorsque cela s’avère nécessaire, une boîte d’Artotec.
Avec le retrait de ce médicament des pharmacies, le M.A.L.I craint ainsi que les femmes souhaitant avorter aient davantage recours à des méthodes chirurgicales comme celle du curetage, qui “ne sont pas dénuées de risque surtout lorsqu’elles sont clandestines, pratiquées par des personnels de santé non qualifiés, à l’aide de méthodes dangereuses et/ou dans un environnement sanitaire inadéquat”.
Selon le mouvement féministe, “les femmes issues de milieu socio-économique faible, principales concernées par notre service, seront les premières victimes de cette suspension et auront recours aux méthodes moyenâgeuses. Et cela, sans compter le business lucratif pour les médecins exerçant en libéral et le ‘marché noir’ – déjà existant – en milieu hospitalier et en laboratoire”. Le M.A.L.I rappelle en effet que le Cytotec, un autre médicament contenant la même molécule mais qui ne peut être administré que dans un cadre hospitalier, n’est pas soumis à cette suspension.
Un usage “contraire à la loi”
Selon Ouadie Zerhouni, directeur par intérim de la division du médicament et de la pharmacie au ministère de la Santé, “le centre antipoison a noté que le produit (l’Artotec, ndlr) est utilisé dans les cas d’avortement. Or, il est interdit d’utiliser un médicament en dehors de sa prescription principale”, a-t-il expliqué au magazine TelQuel.
C’est bien la raison légale qui a donc poussé le département de Anas Doukkali à suspendre l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament. “Nous n’avons pas d’étude déterminant les impacts négatifs potentiels sur la santé des femmes concernant l’Artotec. Mais en tant que régulateur, nous devons mettre des garde-fous contre les usages médicamenteux contraires à la loi”, a souligné M. Zerhouni.
L’avortement est toujours interdit au Maroc, sauf dans le cas où la santé de la femme est en danger. Malgré la soumission d’un projet de loi à la Chambre des représentants en juin 2016 pour élargir les cas d’autorisation de l’IVG, la loi n’a toujours pas été adoptée.
Le projet de loi prévoit l’autorisation de l’avortement lorsque la grossesse représente un danger pour la vie de la mère ou sa santé, lorsque la grossesse est générée par un viol ou un inceste, lorsque la mère est atteinte d’une maladie liée à un déséquilibre mental, ou lorsque le fœtus est atteint de maladies ou de malformations génétiques graves ne pouvant être traitées au moment où elles sont diagnostiquées.
Source: huffpostmaghreb